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La crise de l’accessibilité financière et la privatisation du système de santé étaient au cœur des préoccupations au Conseil régional de l’Ontario de cette année qui a eu lieu à Ottawa les 1er et 2 décembre.
Samia Hashi, directrice de la région de l’Ontario d’Unifor, a déclaré que tout le monde devrait avoir accès à des soins de santé publics de qualité, pas seulement les riches. C’est pourquoi le syndicat se bat contre les compressions budgétaires et la privatisation des soins de santé.
« Le gouvernement conservateur de Doug Ford est déterminé à étouffer le système de santé, causant presque son effondrement, et à prétendre ensuite le ressusciter en le privatisant », a proclamé Samia Hashi.
Dans son discours aux membres délégués, la présidente nationale d’Unifor Lana Payne a affirmé que la bataille pour protéger les soins de santé publics ne se gagne pas en un jour ou en un an et qu’il s’agit plutôt d’un travail de longue haleine. Dans le cadre de leur mobilisation, les travailleuses et travailleurs de la santé représentés par Unifor ont intensifié leurs efforts de militantisme, notamment en organisant des rassemblements à Queen’s Park et en négociant des contrats équitables à la table de négociation.
« Les soins de santé publics doivent être financés de manière appropriée et adéquate », estime-t-elle.
« À l’heure actuelle, des milliers de membres d’Unifor travaillant dans les hôpitaux négocient avec un gouvernement qui les tient encore pour acquis. Les membres du secteur de la santé nous ont sauvés des ravages de la COVID-19 et doivent maintenant accepter des concessions à la table de négociation. Ce manque de respect à l’égard de nos membres du secteur de la santé doit cesser aujourd’hui. »
La majeure partie de la première matinée a été consacrée à la lutte contre la privatisation. Natalie Mehra, directrice générale de la Coalition ontarienne de la santé, s’est adressée aux membres délégués. Elle a lancé un appel urgent pour mettre fin à la privatisation des soins et au manque de ressources en santé dans la province.
Elle estime que Doug Ford a tenté de vendre une privatisation des soins qui exigerait uniquement les cartes de l’Assurance-santé de l’Ontario, mais les patients ont finalement dû sortir leur carte de crédit. Elle souligne que Maple, une entreprise privée de soins de santé appartenant en partie à Loblaw, facture des services qui sont couverts par l’assurance-santé.
« Si vous visitez le site Web de Maple pour demander à voir un médecin en ligne, l’entreprise vous envoie une liste de tarifs pour l’accès à un médecin, a noté Natalie Mehra. C’est illégal. Le Canada et l’Ontario enfreignent la loi de manière flagrante et le gouvernement Ford ne fait rien pour y remédier. »
Un compte rendu a été présenté sur la campagne de membre à membre d’Unifor contre la privatisation des soins de santé, laquelle découle d’une résolution présentée lors du Conseil régional de l’Ontario de l’an dernier.
Une vingtaine de membres recruteurs, brandissant des pancartes violettes scandant « Stoppons la privatisation des soins de santé », se sont installés à l’avant de la salle pendant que la représentante nationale d’Unifor Erin Harrison parlait de la campagne du syndicat en matière de soins de santé.
Parmi les initiatives, mentionnons une collaboration avec 5 syndicats du secteur de la santé, la mobilisation des membres en Ontario et la responsabilisation du gouvernement provincial en ce qui concerne la privatisation. Jusqu’à présent, la campagne a permis de communiquer avec plus de 46 700 membres d’Unifor dans la province, soit plus de 25 % d’entre eux.
Samia Hashi a assuré qu’elle continuerait d’écouter les histoires des membres et de lutter contre la privatisation des soins de santé. À son avis, il est nécessaire d’abolir les projets de loi 135, 124 et 60, sans appel, et d’embaucher du personnel supplémentaire pour réduire les temps d’attente et améliorer les services de santé.
« Notre système de santé a beaucoup plus de problèmes que vous ne pouvez l’imaginer », a-t-elle dit.
« Des personnes âgées se voient proposer des services médicaux dont elles n’ont pas besoin. Des proches meurent alors qu’ils stagnent sur une liste d’attente. Il faut prendre des mesures drastiques et fermes dans un secteur où plusieurs ne détiennent aucun droit de grève. »
Le Conseil régional de l’Ontario et le syndicat national contribuent également à hauteur de 50 000 $ pour lutter contre la privatisation des soins de santé.
Le lien entre la négociation collective et la crise de l’accessibilité financière a également été souligné lors du Conseil.
Sharlene Henry, militante pour les droits des locataires et membre de la section locale 1285 d’Unifor, fait la grève des loyers depuis sept mois dans le quartier York‑South Weston de Toronto en raison de sa profonde insatisfaction à la suite des hausses de loyer excessives dépassant les limites autorisées.
Grâce au congé-éducation payé d’Unifor et à son engagement dans la communauté, elle mène le combat dans son quartier en faveur de loyers justes et abordables, notamment en organisant des campagnes téléphoniques, en faisant circuler des pétitions et en affichant des pancartes dans son immeuble.
« Le logement est un droit de la personne », dit-elle.
« Tout le monde a le droit d’avoir un logement abordable et adéquat qui répond aux besoins de sa famille. Les loyers moyens les plus élevés au pays se trouvent en Ontario. Un appartement de deux chambres coûte en moyenne 2 486 $ par mois, alors qu’elle en coûte plus de 3 000 $ à Toronto. De nombreuses familles cumulent plusieurs emplois pour garder un toit au-dessus de leur tête. »
Lana Payne a déclaré aux membres délégués qu’il n’y avait jamais eu de meilleur moment pour soutenir les travailleuses et travailleurs de tous les secteurs. Elle a ajouté que des victoires importantes ont été remportées cette année, notamment pour les travailleuses et travailleurs de la Corporation de gestion de la Voie maritime du Saint‑Laurent, de Ford, de General Motors et de Stellantis, et de Metro.
Ces victoires constituent un levier pour la négociation d’un contrat type dans d’autres secteurs où les conventions collectives arrivent à échéance, a-t-elle fait remarquer.
« En tant que syndicat, nous prenons les mesures qui s’imposent, poursuit-elle. Nos membres ne veulent pas du statu quo. Ils ont besoin que nous prenions les devants. Ils ont besoin que nos demandes soient claires et que nous les soutenions tout en négociant les meilleures conventions collectives possibles. »
Le syndicat continue de plaider en faveur d’une loi anti-briseurs de grève, de s’opposer à la rhétorique de droite du chef conservateur Pierre Poilievre, et de suivre la voie entreprise dans l’ensemble des secteurs, du transport ferroviaire aux télécommunications, en passant par la fabrication, les médias, l’hôtellerie et les soins de santé.
« Nous sommes en feu, a lancé Lana Payne. Nous voulons des conventions collectives qui changent des vies. Nous voulons des grèves historiques. Et ce n’est que le début. »
Le secrétaire-trésorier national d’Unifor Len Poirier a parlé de certaines des campagnes menées cette année, en particulier dans les secteurs des télécommunications et du transport, comme la charte des droits des travailleuses et travailleurs du secteur du transport aérien d’Unifor et la campagne pour des taux de rémunération sécuritaires.
Il a présenté aux membres délégués une mise à jour des finances du syndicat, sa vision audacieuse d’un avenir économique dynamique offrant de bons emplois syndiqués, ainsi que le travail essentiel d’Unifor pour assurer la justice sociale.
Cette année, Unifor a donné 395 000 $ à des banques alimentaires ainsi qu’à des refuges pour femmes et personnes réfugiées dans l’ensemble du Canada, mais le fonds soutient également des projets internationaux.
« Le travail social de notre syndicat est extraordinaire et devrait susciter en chacun de nous un sentiment de fierté en sachant qu’Unifor, tout en travaillant fort pour améliorer les conditions de travail de nos membres, s’efforce également d’améliorer le mieux-être de nos communautés », a insisté Len Poirier.
Ayan Holland a été élue à titre de membre extraordinaire du Conseil régional de l’Ontario, Maria Chinelli au siège représentant l’action politique et Cheri Deguire à celui représentant la santé et la sécurité.
Paige Maylott de la section locale 5555 à l’Université McMaster a également été élue au Comité des travailleuses et travailleurs 2ELGBTQIA+. Paige est le premier membre transgenre élu à l’un des comités régionaux d’Unifor de tout le pays.
Les efforts du syndicat en matière d’équité et la nécessité d’en faire davantage ont également été soulignés.
La présidente du Conseil régional de l’Ontario Shinade Allder a rappelé que le premier jour du Conseil tombait le jour même où Rosa Parks, une femme noire, a été arrêtée à Montgomery, en Alabama, pour avoir respectueusement refusé de céder sa place à un homme blanc dans un autobus en 1955.
Le pendant canadien de cette histoire s’est déroulé huit ans plus tôt, a précisé Shinade Allder. Le 8 novembre 1946, Viola Desmond, une femme d’affaires noire canadienne, s’est élevée contre le racisme envers les personnes noires en refusant de quitter son siège de la section « réservée aux Blancs » du Roseland Theatre à New Glasgow, en Nouvelle-Écosse.
« En tant que Canadiens, nous devons nous pencher sur les histoires qui n’ont pas été racontées et les contributions des personnes de couleur à l’édification d’un pays équitable », a confié Shinade Allder.
« Si je partage l’histoire d’émancipation de ces deux femmes, c’est parce que je suis honorée et reconnaissante de faire partie d’un syndicat qui accueille la diversité et se bat pour ce qui est juste. C’est le 10e anniversaire d’Unifor, et nous sommes vraiment un syndicat pour tout le monde. »
L’Aîné Terry McKay a parlé de son expérience comme survivant des pensionnats, et Gina Smoke, représentante nationale d’Unifor en matière de relations avec les Autochtones, a demandé aux membres délégués de défendre une résolution visant à soutenir les familles des femmes, des filles et des personnes bispirituelles autochtones disparues et assassinées.
Elle les a invités à participer aux événements à venir, comme le relais « Tears to Hope » et l’initiative « No More Stolen Sisters », et à contribuer à faire pression sur le gouvernement du Manitoba pour qu’il fouille un site d’enfouissement de Winnipeg à la recherche des restes de femmes autochtones.
« C’est horrible de devoir organiser de tels événements, mais je remercie Unifor et ses membres pour le soutien qu’ils apportent à nos familles, car sans ce soutien, nous avons parfois l’impression d’être seuls, a-t-elle révélé. La sensibilisation est essentielle puisqu’elle permettra, espérons-le, de mettre un terme à certaines des pertes subies par nos familles. »
Dans son discours, Samia Hashi a évoqué avec passion son parcours de réfugiée depuis l’Érythrée, pays d’Afrique de l’Est déchiré par la guerre et dont le bilan en matière de droits de la personne est l’un des pires au monde, jusqu’au Canada en compagnie de sa famille alors qu’elle avait 6 ans.
« Je suis extrêmement reconnaissante de pouvoir vivre ici, au Canada, pour le courage de ma mère, et aussi de faire partie de ce qui, je le sais, sera une année marquante pour les travailleuses et travailleurs de l’Ontario », a-t-elle précisé.
Elle a exhorté les membres délégués à utiliser leur pouvoir pour demander la fin de la guerre entre Israël et la Palestine et l’instauration d’un cessez-le-feu permanent. Malgré les apparences dans les médias sociaux, « les choses qui nous unissent sont bien plus nombreuses que celles qui nous divisent », croit-elle.
Lana Payne a souligné que le monde souffre actuellement, même le Canada, et qu’il est nécessaire de reconstruire.
« Notre monde est en guerre », a-t-elle dénoncé.
« Nous devons utiliser nos voix pour exiger la paix et la justice maintenant. En ce moment, il est important que nous travaillions, en tant que syndicalistes, à bâtir l’espoir, l’amour et la solidarité face à la situation. »
Au deuxième jour du Conseil, les travailleuses et travailleurs du secteur de l’automobile ont participé à une table ronde pour discuter des moyens d’accroître la représentation des femmes dans un domaine historiquement dominé par les hommes, des impacts personnels de la transition vers les véhicules électriques, et de la solidarité des travailleuses et travailleurs les uns envers les autres dans le milieu de travail et au-delà.
Un certain nombre de résolutions ont été adoptées, notamment une campagne élargie visant à attirer l’attention du public sur la récente fermeture de 70 journaux communautaires de Metroland Media dans le sud de l’Ontario.
L’entreprise a mis à pied 605 travailleuses et travailleurs des médias, dont 106 membres de la section locale 87-M d’Unifor, alors qu’elle cherche à se placer sous la protection de la Loi sur la faillite et l’insolvabilité dans le cadre d’un plan de restructuration.
« Je vais pousser les dirigeantes et dirigeants de notre syndicat et vous tous à en faire davantage pour protéger les journaux locaux », a indiqué Hunter Crowther, journaliste et membre de la section locale 87-M d’Unifor. La démocratie ne meurt pas dans l’obscurité : elle meurt à la vue de tous. Il ne faut pas qu’une telle situation nous arrive. »
Pour bien terminer la première journée du Conseil, les membres du comité du Programme d’aide aux employés et à leur famille ont participé à une performance artistique sur scène illustrant l’isolement que peuvent ressentir les personnes ayant des problèmes de santé mentale.
Un homme portant un t-shirt blanc est resté debout, silencieux, pendant que des personnes parlaient à voix haute d’anxiété, de crises de panique et de suicide et barbouillaient le chandail de l’homme d’une empreinte de main peinte pour démontrer que la maladie mentale est un problème réel dans nos milieux de travail et que les membres n’ont pas à souffrir seuls puisque Unifor dispose de ressources pour leur venir en aide en temps de crise.
Amanda Fox a exécuté une danse autochtone, vêtue d’une robe dotée de cônes métalliques pour représenter les larmes symbolisant la guérison.
Le Conseil a rendu hommage aux membres décédés au cours de la dernière année, notamment Anna Grizans, de la section locale 229, une courageuse militante pour les droits des femmes, des communautés 2SLGBTQIA+ et des communautés autochtones qui siégeait au comité permanent des travailleuses et travailleurs autochtones et de couleur du Conseil régional de l’Ontario.
Le Comité de la condition féminine a demandé aux membres délégués d’observer un moment de silence pour rendre hommage aux 14 femmes tuées lors du massacre de l’École Polytechnique de Montréal le 6 décembre 1989. Les lumières ont été tamisées alors que des bougies à piles vacillaient sur les tables et que les membres délégués illuminaient la pièce de leurs téléphones cellulaires allumés.
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