La ratification de l’AECG est aussi antidémocratique que l’accord lui-même

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Le gouvernement fédéral est en train de faire adopter l’Accord économique et commercial global (AECG) par le Parlement dans le cadre d’un processus aussi antidémocratique que l’accord lui-même.

Le projet de loi C‑30, qui vise à mettre en œuvre cet accord commercial avec l’Europe, a été présenté en deuxième lecture cette semaine et devrait être adopté aujourd’hui au plus tard. Les audiences sur le projet de loi du Comité du commerce, qui débutent normalement après la deuxième lecture, ont déjà commencé et devraient se terminer le 29 novembre.

Tout est donc en place pour que le projet de loi soit adopté d’ici Noël et que l’AECG soit ratifié sans avoir pratiquement fait l’objet de consultations publiques. À vrai dire, en octobre, deux jours après que le premier ministre Justin Trudeau s’est envolé pour Bruxelles afin de signer l’accord, le comité a déclaré qu’il allait entendre les commentaires de personne d’autre qu’une liste de témoins présélectionnés, pas même le public.

« Ce n’est pas un exemple éloquent de gouvernance inclusive, transparente ou progressiste », a indiqué Angella MacEwen, économiste en chef du Congrès du travail du Canada.

Je suis tout à fait d’accord avec elle. Certains avancent que de vastes consultations publiques ne sont pas actuellement nécessaires parce que l’AECG a été débattu il y a trois ans, alors que le gouvernement Harper était au pouvoir.

Ils font erreur.

Pour l’instant, mettons de côté tous les problèmes que pose l’AECG. Le monde a changé depuis que Stephen Harper a présenté l’AECG à la population canadienne en 2013.

D’une part, les Britanniques ont voté pour le retrait du Royaume-Uni de l’Union européenne en juin (Brexit). La sortie imminente du principal partenaire commercial européen du Canada change la nature même de l’accord. La façon exacte dont elle la change doit être examinée et débattue avec les gens d’affaires, le mouvement syndical, le monde universitaire et le public. Nous devons même nous demander si nous souhaitons encore conclure un accord commercial qui n’inclut pas le Royaume-Uni.

Ce sont toutes de bonnes questions qui nécessitent d’être examinées plus en profondeur que ce que propose le comité en casant deux ou trois audiences avant Noël et en n’entendant que quelques témoins triés sur le volet.

Le mécanisme de règlement des différends entre investisseurs et États est l’une des préoccupations majeures que l’AECG, ainsi que le Partenariat transpacifique et d’autres accords commerciaux, soulève. Ce mécanisme confère aux sociétés le pouvoir de poursuivre les gouvernements qui adoptent des lois qui nuisent à leurs profits, même si ces dernières sont dans l’intérêt public.

Cette année, les dispositions relatives au règlement des différends entre investisseurs et États suscitaient tant de préoccupations que la ministre du Commerce international, Chrystia Freeland, a procédé à une vérification juridique de l’AECG afin de les réviser. Elle a ensuite affirmé que la vérification avait dissipé le malaise que beaucoup de gens éprouvaient à l’égard du règlement des différends entre investisseurs et États.

Comme Unifor et d’autres l’ont fait remarquer, les changements apportés sont essentiellement cosmétiques et ne contrent pas la menace que des sociétés puissent forcer des gouvernements à modifier les lois qu’elles n’aiment pas. Fondamentalement antidémocratique, cette disposition de l’AECG doit être débattue plus longuement. Si la ministre Freeland ou d’autres personnes souhaitent démontrer aux Canadiens que les changements apportés transforment complètement la nature des dispositions relatives au règlement des différends entre investisseurs et États, elles peuvent le faire lors d’audiences publiques.

D’autre part, l’AECG présente d’autres problèmes, allant du prix des médicaments aux denrées agricoles. Ces inquiétudes doivent être exprimées et débattues publiquement.

Vu l’élection de Donald Trump à la tête des États-Unis (ce qui semblait inconcevable il y a un mois seulement et encore plus il y a trois ans) et sa politique protectionniste, le monde du commerce est appelé à changer considérablement.

Il est possible de tirer une leçon claire de l’élection de Trump : les travailleurs en ont assez des gouvernements qui vont de l’avant avec des politiques qui ne semblent causer du tort qu’à ceux qui se trouvent au bas de l’échelle économique. Les Américains, qui avaient l’impression que le gouvernement ne les écoutait pas, ont appuyé Trump, car ils croyaient qu’il les écoutait.  

En faisant adopter l’AECG sans plus de consultations, le gouvernement fédéral risque de pousser plus de gens encore dans les bras des idéologues de droite.

Nous ne pouvons pas le permettre. Au cours du week-end, Justin Trudeau a reconnu que les accords commerciaux avantageaient de façon disproportionnée les riches. Il a même ajouté que ce n’était pas acceptable.

Sur ce point, il a raison. Pour corriger la situation, nous devons prendre du recul, examiner à quel point le monde et l’AECG ont changé au cours des trois dernières années et prendre le temps nécessaire de répondre aux préoccupations plus que légitimes des Canadiens à l’égard de cet accord et d’autres accords commerciaux.