Consultation d'ECCC sur d'éventuelles mesures supplémentaires nécessaires pour atteindre un objectif de vente obligatoire de VZE de 100%

À PROPOS D'UNIFOR

Unifor est le plus grand syndicat du secteur privé au Canada, représentant 315 000 travailleuses et travailleurs à travers le pays dans presque tous les secteurs de l'économie. Unifor est le principal syndicat des travailleuses et travailleurs de l'industrie automobile du Canada, représentant 40 000 travailleurs dans l'assemblage d'automobiles, les pièces et les concessionnaires de véhicules. Unifor défend les intérêts de tous les travailleurs, lutte pour l'égalité et la justice sociale au Canada et à l'étranger, et vise à créer des changements progressistes pour un avenir meilleur. Fondé en 2013, Unifor s'efforce d'être un syndicat différent, s'attaquant à des questions sociales telles que le développement durable, le racisme, la réconciliation et la violence envers les femmes, entre autres.

INTRODUCTION

Unifor se réjouit de l'occasion qui lui est donnée de fournir des commentaires supplémentaires au gouvernement du Canada, par l'intermédiaire d'Environnement et Changement climatique Canada, sur les mesures proposées pour soutenir ses ambitions de carboneutralité. Cela comprend des commentaires sur l'objectif déclaré du gouvernement de faire en sorte que les véhicules à zéro émission (VZE) représentent 100 % des ventes de voitures légères en 2035 au Canada.

Le 11 janvier 2022, Unifor a participé à une consultation en ligne avec des intervenants de l'industrie automobile. Les points de vue exprimés ici consolident la position d'Unifor sur les différentes questions et propositions déposées lors de la consultation.

CONSIDÉRATIONS RELATIVES AU CALENDRIER ACCÉLÉRÉ D'ADOPTION DES VEZ PAR LE CANADA

Lors des précédentes séries de consultations et de dialogues avec les fonctionnaires fédéraux, Unifor a déclaré [1] qu'il soutenait avec réserve la mise en œuvre d'un mandat fédéral en matière de VZE. Il est important que le Canada atteigne ses objectifs de réduction des émissions de GES. Toutefois, il existe peu de preuves indiquant que les mandats de vente constituent un levier politique aussi efficace que les normes rigoureuses d'économie de carburant, lorsqu'il s'agit d'encourager l'adoption de VZE[2] . Néanmoins, le syndicat est d'avis que toute politique efficace du côté de l'offre, visant à inciter les consommateurs à acheter des véhicules à émissions nulles, doit être reliée à un ensemble plus large et plus holistique de politiques du côté de la demande qui appuient et motivent l'adoption des VZE. 

De l'avis d'Unifor, ces politiques doivent inclure, entre autres :

  • Des investissements dans les infrastructures nécessaires (comme un réseau plus large de bornes [3] de recharge rapide et accessibles);
  • Des compétences ciblées et des aides à la transition pour les travailleuses et travailleurs; 
  • Des incitations significatives à l'achat pour les consommateurs (y compris un crédit iVZE plus ambitieux, un programme de reprise de vieux véhicules); 
  • Des mesures de sensibilisation des consommateurs; et 
  • Des exigences obligatoires en matière de recyclage des véhicules et des batteries en fin de vie.

En ce qui concerne les politiques conçues pour accélérer l'adoption des véhicules électriques zéro émission par les consommateurs, une approche holistique de la politique de l'offre doit reconnaître et s'inspirer des ambitions de développement industriel plus larges du Canada dans le secteur de l'automobile et de sa chaîne d'approvisionnement en VE en plein essor. 

Le secteur automobile est confronté à une transformation historique. Nombreux sont ceux qui s'attendent à ce que le passage à des systèmes de propulsion alternatifs, sans émissions, ait un effet profond sur les emplois et les investissements dans le secteur[4] . La réduction du nombre de pièces nécessaires pour produire un groupe motopropulseur électrique, par exemple, aura un effet perturbateur sur les emplois tout au long de la chaîne d'approvisionnement. [5] 

Alors que les constructeurs automobiles allouent davantage de ressources aux nouveaux programmes de produits de VZE (et moins de programmes liés aux pièces détachées), les gouvernements du monde entier réclament des investissements, à la fois pour garantir des emplois hautement qualifiés et de grande valeur, et pour se prémunir contre le déclin imminent de la production liée aux moteurs à combustion interne. 

Ce qui explique la ruée vers de nouveaux investissements, c'est que le secteur automobile est un moteur essentiel de l'activité économique et des bons emplois. Avant la pandémie de COVID, par exemple, le secteur de l'automobile contribuait pour 16 milliards de dollars au PIB du Canada et était la première source d'exportations manufacturières.[6] Le secteur emploie aussi directement près de 130 000 travailleuses et travailleurs, dont beaucoup sont syndiqués. Des salaires décents, obtenus par les syndicats, contribuent à stimuler davantage l'activité économique. En 2019, les salaires des travailleuses et travailleurs de l'automobile ont contribué à hauteur de 8,7 milliards de dollars à l'économie canadienne. Les salaires de l'assemblage automobile sont près de 30 % plus élevés que la moyenne nationale pour tous les travailleurs[7] .

La puissance économique du secteur automobile canadien ne peut être sous-estimée. Par conséquent, le gouvernement fédéral doit comprendre le double objectif de la transition vers les véhicules à émissions nulles : d'une part, la réduction nette des émissions des véhicules légers pour passagers ; d'autre part, la croissance et le maintien des emplois dans une industrie de VZE en plein essor. 

Heureusement, le Canada avance dans la bonne direction. Les investissements initiaux dans l'assemblage de VZE annoncés en 2020 et 2021 par Ford à Oakville, Stellantis à Windsor et General Motors à Ingersoll[8]  sont des nouvelles positives. Selon les prévisions[9]  actuelles (et encore provisoires), le premier véhicule électrique à batterie (VEB) construit au Canada arrivera dans les salles d'exposition en 2026. Si les prévisions sont exactes, il y aura trois modèles de VEB légers assemblés au Canada disponibles à l'achat à ce moment-là (sans compter les modèles hybrides de la Chrysler Pacifica et de Lexus NX). 

D'autres annonces concernant de nouveaux programmes de produits VZE (y compris pour la production de batteries et d'autres pièces essentielles), nous l'espérons, sont à l'horizon. Unifor s'attend à ce que la production canadienne continue d'alimenter les marchés américain et canadien, principalement. Cependant, il est impératif que les plans fédéraux visant à poursuivre des objectifs provisoires de ventes de VZE reflètent pleinement la place du Canada sur le marché des ventes. Il y a peu de valeur stratégique à rendre obligatoire la vente de VZE provenant uniquement d'installations situées à l'extérieur du Canada. La déconnexion entre la stratégie d'investissement et de développement économique et les mandats de vente témoigne de l'incohérence des politiques, ce qui entraînera probablement des critiques et un recul politique, y compris de la part des régions productrices d'automobiles du pays.

RÉITÉRER LES MISES EN GARDE GÉNÉRALES CONCERNANT LES POLITIQUES DE L'OFFRE VISANT À INFLUENCER LE COMPORTEMENT DES CONSOMMATEURS

Dans les mois qui ont suivi sa consultation des parties prenantes de 2021, le gouvernement fédéral a annoncé une révision de son mandat de vente de VZE. En l'état actuel des choses, le gouvernement fédéral impose la vente de 100 % des véhicules VZE parmi les nouveaux achats de véhicules légers d'ici 2035 (et de 50 % d'ici 2030) – une approche ambitieuse qui représente la limite supérieure des objectifs de vente de VZE dans des juridictions[10]  comparables. 

Comme indiqué ci-dessus, Unifor offre un soutien qualifié pour l'introduction de tels mandats. Unifor croit également que le rythme auquel ces mandats de vente s'appliquent doit tenir compte de l'empreinte de production du Canada, afin de s'assurer que le gouvernement fédéral ne désavantage pas les installations nationales (et les produits fabriqués par les travailleuses et travailleurs canadiens de l'automobile) par rapport à celles d'autres juridictions. 

Dans son mémoire du 23 avril, Unifor a également présenté les principales préoccupations concernant cette approche axée sur l'offre pour stimuler le marché des ventes de VE – des préoccupations qui méritent d'être répétées ici.

  • Le renforcement de l'offre de VE ne résoudra pas les problèmes liés à la demande.

Malgré des signes prometteurs de résilience des ventes de VE pendant la crise de la COVID-19, et une hausse précoce de la part de marché aux États-Unis d'une année sur l'autre, l'adoption des VE ne représente encore qu'une petite fraction du marché des ventes de voitures. La confiance dans la durée de vie des batteries, les supports d'infrastructure (par exemple, les bornes de recharge) et le coût de possession favoriseront l'adoption (tout comme une plus grande exposition à la technologie), mais cela prendra du temps. Le fait de forcer les acheteurs de voitures à faire des achats non désirés de véhicules peut potentiellement ralentir les nouvelles ventes, en gardant plus longtemps sur la route des voitures plus anciennes, fonctionnant au moteur à combustion interne – ce qui limite l'efficacité de la politique de mandat de vente. Pire encore, et sans les soutiens « holistiques » supplémentaires mentionnés plus haut, de telles mesures pourraient provoquer une réaction négative des consommateurs, menaçant de faire échouer la transition vitale vers les VZE. 

  • Les politiques qui suscitent la demande des acheteurs de voitures aujourd'hui ne se concrétisent que des années plus tard.

La durée de vie moyenne d'un véhicule au Canada est d'environ 12 ans, ce qui laisse supposer que toute mesure politique visant à encourager l'adoption de VZE pourrait avoir un retard important. Malgré les annonces importantes de nouveaux VE au cours des 24 derniers mois, les véhicules légers à émissions zéro ne représentent toujours qu'une fraction de l'ensemble du parc automobile.

  • Les coûts sont encore relativement élevés, ce qui décourage les acheteurs de voitures.

Les estimations peuvent varier, mais on ne peut nier la part disproportionnée des coûts du groupe motopropulseur des VE sur le prix d’un véhicule pour le consommateur, les blocs de batteries représentant environ un tiers – et le groupe motopropulseur total environ la moitié – du coût au point de vente. Les coûts des blocs de batteries diminuent de manière significative, et l'on s'attend à ce que leur prix atteigne la parité avec celui des véhicules à moteur à combustion interne d'ici 2023, bien que cela dépende de multiples facteurs, notamment du prix des matériaux (qui ont augmenté considérablement ces dernières années). Les remises pour des VZE fédérales et provinciales aident à compenser ces coûts, mais elles sont actuellement sous-utilisées au Canada, les programmes n'existant qu'en Colombie-Britannique et au Québec. De plus, en l'absence de mesures incitatives significatives et cohérentes pour les consommateurs à l'échelle du Canada (y compris, potentiellement, pour les véhicules VZE disponibles sur le marché des voitures d'occasion), les achats de véhicules VZE seront hors de portée de la plupart des acheteurs de voitures à revenu moyen ou faible dans un avenir proche.

ATTEINDRE 100 % DE VENTES DE VZE D'ICI 2035 – RECOMMANDATIONS À PRENDRE EN CONSIDÉRATION

Compte tenu de l'éventail de questions posées par les fonctionnaires fédéraux, d'abord lors de la séance de consultation du 17 décembre 2021, puis lors de l'appel aux parties prenantes du 11 janvier 2022, Unifor formule les recommandations suivantes.

  1. S'assurer que les mandats de vente des VZE coïncident avec le calendrier de production intérieure du Canada.
    • Le gouvernement fédéral doit clairement et publiquement reconnaître le double objectif d'augmenter les ventes de véhicules VZE et de soutenir le développement et la transition de l'industrie automobile nationale du Canada;
    • Comme, selon les prévisions actuelles, aucun VEB construit au Canada ne sera vendu avant l'année 2026, toute décision d'introduire des objectifs de vente provisoires (avant 2030) doit être volontaire. 
  2.  Toute réglementation du côté de l'offre doit correspondre à des incitations du côté de la demande.
    • Pour surmonter l'obstacle du coût de l'adoption des nouveaux VZE, le gouvernement fédéral (de concert avec les provinces) doit chercher à établir un programme d'incitation plus ambitieux et plus équitable pour les VZE. Cela comprend :
      • Augmentation de l'incitation iVZE à 7 500 $.
      •  Introduire une subvention iVZE dynamique, fondée sur le revenu, une fois que la pénétration du marché des véhicules légers aura atteint 50 % (c.-à-d. qu'à ce moment-là, les subventions ne seront pas disponibles pour ceux dont le revenu est supérieur à 200 000 $; elles seront disponibles à 50 % pour ceux dont le revenu est supérieur à 100 000 $, etc.Établir une mesure incitative de partage des coûts à parts égales, avec les équipementiers, afin d'offrir une )
      • prime de reprise supplémentaire de 2 000 $ pour les anciens véhicules à essence, à partir de 2025. 
  3. En coordination avec les provinces, structurer le mandat de vente de véhicules VZE de manière à inciter les constructeurs automobiles à poursuivre d'autres objectifs de développement du secteur national. 
    • Dans le cadre d'un mécanisme de conformité par accumulation de crédits, les gouvernements accorderont des crédits supplémentaires aux constructeurs automobiles (pour les aider à atteindre leurs objectifs de conformité au mandat des VZE) qui s'engagent à créer une valeur ajoutée nationale pour les VZE, y compris l'assemblage et la production de pièces (y compris les éléments de batterie);
    • Les gouvernements doivent également envisager d'accorder des crédits supplémentaires aux constructeurs automobiles pour l'utilisation d'installations nationales de recyclage en fin de vie.
  4. Fixer des objectifs nationaux de production de VZE, parallèlement aux objectifs de vente de véhicules.
    • Afin de mieux démontrer le double objectif de la stratégie des VZE du Canada (adoption par les consommateurs et développement industriel), le gouvernement fédéral peut établir des repères clairs pour la croissance prévue de la production d'automobiles propres au Canada, en fixant des objectifs pour la production de VZE, de groupes motopropulseurs de VZE et de pièces critiques connexes, en suivant l'exemple du gouvernement de l'Ontario. 
      • Le gouvernement fédéral peut choisir de négocier avec chaque équipementier des engagements de production coordonnés avec le système de mandat de vente et de crédit de production décrit ci-dessus. 
  5. Exiger de tous les constructeurs automobiles qu'ils soumettent, pour approbation, un code de conduite relatif à la chaîne d'approvisionnement, les engageant à s'approvisionner en matériaux essentiels pour les véhicules électriques zéro émission auprès de fournisseurs éthiques (ceux qui reconnaissent les conventions et normes internationales fondamentales en matière de travail, notamment en ce qui concerne le recours au travail forcé ou au travail des enfants). 
    • Un tel engagement contribuera à rendre plus opérationnel le mandat de vente des VZE du gouvernement fédéral, en l'alignant sur d'autres grands objectifs de développement économique et social, et peut conduire à la disqualification de tout véhicule (ou équipementier) d'un système d'échange de crédits en cas de violation du code de conduite.

 


[1] Le mémoire d'Unifor à la consultation du gouvernement du Canada, Vers un avenir sans émissions de gaz à effet de serre (23 avril 2021), ainsi que le témoignage devant le Comité permanent de l'environnement et du développement durable de la Chambre des communes, qui a alimenté le rapport d'avril 2021 intitulé : La route à suivre : inciter la production et l'achat des véhicules zéro émission au Canada.

[2] Voir Bloomberg NEF Zero Emissions Vehicle Factbook (pp 22-23), qui décrit les mesures politiques influençant le marché dans l'UE : https://assets.bbhub.io/professional/sites/24/BNEF-Zero-Emission-Vehicl…

[3]L'ACCV estime que pour atteindre l'objectif européen d'une borne de recharge pour 10 VE routiers, le Canada devra construire 4 millions de bornes de recharge d'ici 2050. Voir : https://canada.autonews.com/electric-vehicles/canadas-ev-charging-goals…

[4]Pour un bon résumé des diverses études évaluant les différences structurelles entre les véhicules à moteur à combustion interne et les véhicules électriques, lire : The Impact of EV Production on the Automotive Manufacturing Supply Chain : Sources, Methods and Findings, préparé pour l'initiative Future of Canadian Automotive Labourforce (FOCAL) : https://www.futureautolabourforce.ca/wp-content/uploads/2021/10/EV-Repo…

[5]Ibid, pp 18-20

[6]Service de la recherche d’Unifor, L'industrie automobile canadienne en bref (compilation de diverses sources de données économiques et communautaires), (2020)

[7]Ibid

[8]Les investissements dans la production de véhicules électriques à l'usine d'assemblage CAMI d'Ingersoll, en Ontario, visent le marché croissant des fourgonnettes commerciales, et sont probablement exclus de tout mandat de vente de véhicules légers imposé par les gouvernements fédéral et provinciaux. Pour plus de détails, voir : https://media.gm.com/media/us/en/gm/news.detail.html/content/Pages/news… 

[9]Prévisions fournies par Ward's Automotive/LMC Automotive, tableau du cycle des produits en Amérique du Nord (5 janvier 2022) : https://wardsintelligence.informa.com/datacenter (sur abonnement)

[10]Bloomberg NEF Electric Vehicle Outlook prévoit que les VE représenteront environ 70 % des ventes de voitures neuves aux États-Unis et au Canada d'ici 2040.