Voix de la ligne de piquetage : Étude de cas no 1: Raffinerie Co-op et section locale 594 d’Unifor

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Étude de cas no 1: Raffinerie Co-op et section locale 594 d’Unifor

En décembre 2019, les membres de la section locale 594 d’Unifor travaillant à la raffinerie Co-op à Regina, en Saskatchewan, ont été mis en lock-out par leur employeur, dans un conflit qui allait durer au total 201 jours. Le régime de retraite à prestations déterminées des membres était le principal sujet de désaccord à la table des négociations, l’employeur exigeant de profondes concessions mais ne souhaitant pas faire d’offre aux membres avant plusieurs mois de lock-out.

Raffinerie Co-op et section locale 594 d’Unifor

Type de conflit: Lock-out Lieu: Regina, Saskatchewan Nombre de membres: 689

Durée: 5 décembre 2019 au 23 juin 2020

Total de jours perdus: 201

Nathan Kraemer, President of Local 594
NATHAN KRAEMER

Nathan Kraemer est le président de la section locale 594 et faisait partie du comité de négociation pendant le lock-out de 2019-2020 à la raffinerie Co-op de Regina, où l'employeur a fait venir des briseurs de grève par hélicoptère.

Pouvez-vous nous donner l’historique du conflit extraordinaire entre la raffinerie Co-op et la section locale 594?

On s’y attendait depuis un bon moment, depuis au moins la durée de la convention collective précédente, que nous avons ratifiée en 2017 alors que l’employeur n’avait pas prévu, je pense, que nous allions  effectivement la ratifier. Ils sont revenus en 2019 avec la ferme intention de nous faire marcher sur une ligne de piquetage d’une manière ou d’une autre.

Members of Unifor Local 594 were forced to endure a longer lock-out in frigid conditions thanks to replacement workers.
Dès le début, la compagnie a commencé presque immédiatement à faire venir en voiture et en hélicoptère toutes sortes de briseurs de grève et de travailleurs de remplacement – ce qui enlève vraiment à l’employeur toute motivation ou raison de négocier équitablement, voire de négocier tout court, ce que nous avons constaté. Ils ne nous ont pas fait d’offre que nous pouvions présenter aux membres avant que le lock-out ne soit bien avancé.

Le recours à des briseurs de grève fait pencher la balance du pouvoir et nous a vraiment laissés sans beaucoup d’options. La section locale 594 est censée être leur seul fournisseur de main-d’œuvre. Mais avec le lock-out et leur capacité à nous remplacer par des travailleurs de remplacement, cela nous a vraiment enlevé le seul moyen de pression dont nous disposions. Nous étions donc en quelque sorte piégés sur la ligne. La compagnie n’était pas disposée à négocier parce qu’elle ne ressentait pas le besoin de le faire, car elle était capable de faire tourner l’usine avec ses briseurs de grève et sans nous.

Pouvez-vous nous parler du niveau de stress que cela a entraîné pour nos membres et leurs familles?

Tant de familles ont été touchées par cette situation, ils se sont gelés sur la ligne de piquetage tout en regardant ces hélicoptères au-dessus de leur tête. C’était horrible dès le premier jour où nous avons vu ces hélicoptères arriver. Les voir continuer à voler toute la journée, tous les jours. Ils faisaient des passages à basse altitude, je suis sûr que c’était intentionnel, juste pour l’impact psychologique que cela aurait sur nous tous. Et les trajectoires de vol les emmenaient à travers la ville, s’assurant qu’un pourcentage important des membres et de tout le monde à Regina était très conscient des hélicoptères et de ce qui se passait.

Signez la pétition en faveur d’une loi anti-briseurs de grève ici : https://www.unifor.org/fr/passer-a-laction/compagnes/il-faut-une-loi-anti-briseurs-de-greve-maintenant

Pouvez-vous nous parler de la différence qu’une législation anti-briseurs de grève aurait pu faire pour vous lors du lock-out de la Co-op?

Members of Unifor Local 594 were forced to endure a longer lock-out in frigid conditions thanks to replacement workers.
C’est équitable. C’est la bonne chose à faire. Ce serait certainement bien de ne pas avoir à se soucier des briseurs de grève la prochaine fois que nous nous lancerons dans des négociations. Ce serait génial. Cela aurait beaucoup changé les choses pour nous, et pour d’autres lieux de travail, syndicats et conflits du travail. Nous voulons faire tout ce que nous pouvons pour mettre en place des lois anti-briseurs de grève en Saskatchewan et dans d’autres provinces. Lorsque les employeurs peuvent recourir à des briseurs de grève pour poursuivre la production et les ventes, cela leur enlève le pouvoir qu’une grève ou un lock-out est censé donner aux travailleuses et travailleurs pour mettre fin à un conflit.

Comment vous êtes-vous senti en termes de sécurité de retour au travail, sachant qu’il y avait des briseurs de grève qui travaillaient là depuis sept mois que vous étiez sur la ligne de piquetage?

Tout d’abord, ces travailleurs ne connaissaient pas nécessairement l’installation et certains des équipements spécifiques qui s’y trouvaient. Mais ils n’ont pas non plus d’intérêt direct dans cet endroit - ils y sont pendant toute la durée du conflit de travail et ensuite, ils sont partis, parfois pour briser des grèves ailleurs.

Donc oui, il y avait des inquiétudes absolues. Et l’usine n’était pas en bon état quand nous sommes revenus. Très peu de temps après notre retour, en fait, il y a eu un incendie assez important sur une pièce d’équipement. Je suppose qu’on ne peut pas nécessairement attribuer la faute directement aux briseurs de grève, mais c’était une pièce d’équipement qui aurait dû être réparée pendant de cette période, mais ce travail a fini par être reporté à cause du conflit de travail. C’était des choses de ce genre – elles étaient très évitables, mais elles se sont produites et continueront probablement à se produire dans un proche avenir jusqu’à ce que l’endroit tout entier soit à nouveau remis en ordre.

Qu’en est-il de l’impact des briseurs de grève sur la ligne de piquetage? Comment leur présence a-t-elle affecté la nature du conflit?

Il y a tout un niveau de risque et de sécurité pour la communauté. Pas seulement en pensant que c’était une raffinerie de la ville de Regina à côté de gens habitant dans des quartiers résidentiels, mais aussi en pensant aux autres problèmes de santé et de sécurité suscités par un tel conflit.

L’utilisation de briseurs de grève a des répercussions qui vont bien au-delà de l’usine ou du lieu de travail, mais jusque dans la communauté. Même sur les lignes, en les regardant traverser toute la journée, vous savez, en allant joyeusement faire notre travail – et même se moquant de nous. Cela a fait beaucoup de dégâts. En fait, cela finit par pousser les gens à un niveau de stress beaucoup plus élevé, et des choses se produisent qui n’arriveraient pas normalement. Et nous avons fini par avoir des problèmes sur la ligne de piquetage que nous traitons encore par le biais de griefs et d’autres mesures. C’était en grande partie à cause du stress introduit par les briseurs de grève.

Vous avez dit que votre employeur a déployé des briseurs de grève à la fois pour poursuivre ses activités commerciales, mais aussi comme outil d’intimidation. Dans ces conditions, comment vous sentez-vous par rapport à l’utilisation de briseurs de grève face aux négociations à venir?

Unifor National President Jerry Dias was one of 19 activists arrested by the Regina Police Service on the Co-op Refinery Picket line during one of the nastiest labour disputes in Unifor’s history.
Vous voulez dire pour ce qui est d’avoir une relation raisonnable avec l’employeur, ce genre de choses? Après le conflit de travail, la compagnie ayant eu recours à des briseurs de grève pendant toute la durée du conflit, il est certainement difficile d’essayer de reconstruire la relation avec l’employeur.

Nous avons beaucoup travaillé sur ce point et en ce qui concerne les futures négociations, c’est une énorme préoccupation. Je pense que la compagnie a constaté que lorsqu’elle a la possibilité d’utiliser ces travailleurs de remplacement, les briseurs de grève, elle n’est pas incitée à négocier une entente avec la section locale. Si elle choisit d’aller dans cette direction à l’avenir, il sera vraiment difficile à la table des négociations d’arriver à quelque chose et de ne pas se retrouver à nouveau en lock-out sur une ligne de piquetage.

Tout le conflit de travail, au cœur de celui-ci, portait essentiellement sur notre régime de retraite, pour nous en tout cas. Mais je ne doute pas que l’objectif final, du point de vue de l’employeur, était de briser ce syndicat. Ils ne voulaient pas négocier. C’est pourquoi ils ne nous ont même pas fait d’offre avant que le lock-out ne soit bien avancé. Il s’agissait de briser le syndicat, purement et simplement, et c’est ce que nous disaient tous les jours les briseurs de grève qui passaient par là, et leurs gardiens de sécurité. Ils nous narguaient en nous disant : « Vous ne reviendrez jamais ici. Vous êtes finis, les gars. Ils n’ont pas besoin de vous. » C’était psychologique, c’est sûr, et ils savaient ce qu’ils faisaient. Il s’agissait de démanteler le syndicat, mais ils n’ont pas réussi.

Si vous pouviez parler à l’un des briseurs de grève qui a franchi la ligne de piquetage, que lui diriez-vous?

Unifor National Secretary Treasurer Lana Payne speaks to reinforced picket lines at the Co-op Refinery lock-out.
Je lui demanderais simplement quelle est sa justification, quelle est sa motivation. Je comprends que les gens ont besoin d’être employés, mais parmi tous les types d’emplois qu’une personne peut occuper, pourquoi être un briseur de grève alors que 750 personnes sont en train de souffrir sur une ligne de piquetage? Tout le monde sait que ce n’est pas un emploi à long terme. Je n’arrive pas à comprendre pourquoi quelqu’un voudrait le faire de son plein gré et comment il peut se sentir à l’aise avec cela.