Le Canada doit se remettre sur les rails et investir dans l’avenir de son système ferroviaire.

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Un train VIA Rail approchant la plate-forme de la gare
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Le fédéral doit investir dans la revitalisation de son service national de transport ferroviaire de passagers

Le gouvernement fédéral se doit d’intervenir et d’injecter des fonds substantiels dans VIA Rail, le service national de transport ferroviaire de passagers canadien, afin de rebâtir en mieux, à l’instar de nos homologues américains.

En novembre dernier, la Loi sur les investissements dans les infrastructures et les emplois (Infrastructure Investment and Jobs Act) du président américain Joe Biden a été promulguée, permettant d’investir la somme historique de 1 200 milliards de dollars dans toute une série de projets d’infrastructures nationales, notamment des routes et des ponts, des systèmes d’approvisionnement en eau et en énergie, des aéroports et des transports publics.

La Loi prévoit également de considérables investissements dans le transport ferroviaire de passagers – par exemple 12 milliards de dollars américains pour les services ferroviaires interurbains et les projets de trains à grande vitesse, et plus encore, 66 milliards de dollars américains consacrés à Amtrak, le service national de transport ferroviaire de passagers. Il s’agit du plus important investissement gouvernemental dans le transport ferroviaire de passagers depuis la création de la société il y a 50 ans.

En plus d’aider Amtrak à rattraper son retard en matière d’entretien, ces sommes lui permettront de moderniser les couloirs de déplacement et d’élargir les itinéraires et l’accès aux services ferroviaires.

Ces investissements pourraient engendrer un plus grand nombre de déplacements de passagers canadiens, avec des propositions de prolongement d’itinéraires, notamment sur les lignes Toronto-Chicago et Seattle-Vancouver.

Le hic, c’est que les responsables américains ont fait savoir que ces prolongements ne sauraient se concrétiser sans des engagements fermes de la part du gouvernement fédéral canadien et de VIA Rail.

Si l’histoire est garante de l’avenir, l’obtention de tels engagements pourrait prendre du temps.

Nous devons agir rapidement.

VIA Rail est aux prises avec de nombreux défis, tant systémiques qu’opérationnels, qui entravent la prestation d’un service ferroviaire de passagers adéquat et fiable aux Canadiennes et aux Canadiens.

Tout d’abord, VIA n’a pas de mandat législatif. Elle ne bénéficie pas de financement fédéral stable à long terme et son autonomie opérationnelle est limitée. Les équipements et infrastructures dont elle dispose pour transporter ses plus de cinq millions de passagers (chiffres de 2019) sont vétustes. En raison du partage des voies et de l’accès prioritaire du fret, la ponctualité de VIA pâtit toujours, entraînant souvent des retards qui se mesurent en jours.

VIA n’a jamais réussi à récupérer des coupes draconiennes imposées en 1989 par les conservateurs de Brian Mulroney, qui ont abouti à la suppression d’itinéraires (en particulier dans l’Ouest et l’Atlantique canadiens et dans le nord de l’Ontario) et à une diminution de près de 50 % du nombre d’usagers. Depuis lors, les différents gouvernements fédéraux qui se sont succédé ont échoué à faire du transport ferroviaire de voyageurs une priorité dans leur programme.

Mais il pourrait y avoir un semblant de lueur au bout du tunnel.

Récemment, des annonces ont laissé entrevoir un certain optimisme quant aux efforts déployés pour revitaliser notre service ferroviaire de passagers national. Citons notamment l’acquisition de 32 nouvelles rames modernes par VIA — un contrat de 989 millions de dollars imparti à des entreprises américaines, plutôt que de soutenir des emplois dans le secteur manufacturier canadien — et les investissements visant à améliorer le service grâce au projet de train à haute fréquence de VIA Rail – proposé pour la première fois en 2015 et qui progresse à pas de tortue.

Il est intéressant de souligner que ces investissements visent en grande partie le corridor Toronto-Québec, négligeant d’autant plus le service aux populations vivant dans d’autres régions du pays nécessitant un service de transport.

L’an dernier, par exemple, la décision de Greyhound Canada d’éliminer des itinéraires d’autobus nationaux montre clairement que l’on ne peut se fier au secteur privé pour assurer les services de transport essentiels.

Ce rôle, à titre de service public national de transport ferroviaire de passagers, doit être assumé par VIA – peu importe qu’un itinéraire soit considéré rentable ou non. Le besoin de services de transport fréquents et accessibles a également été identifié comme crucial dans l’Enquête nationale sur les femmes et les filles autochtones disparues et assassinées.

Il est fort probable que VIA ne puisse jamais fonctionner sans subventions fédérales, mais c’est pourtant la réalité pour de nombreux systèmes ferroviaires de passagers nationaux. De nombreux pays, comme le Royaume-Uni, la France, l’Allemagne, l’Afrique du Sud, l’Inde, la Chine, l’Italie et la Suède, subventionnent tous leurs réseaux ferroviaires de passagers. De surcroît, à l’instar des États-Unis, bon nombre de ces pays consentent d’importants investissements pour développer leurs services de transport ferroviaire de passagers. À titre d’exemple, en 2021, le Royaume-Uni a annoncé un investissement de 96 milliards de livres sterling pour agrandir et améliorer son réseau de transport ferroviaire de passagers.

Ces pays ont compris que, même si cela représente un coût, il s'agit également d'un investissement dont les retombées sociales, économiques et environnementales sont considérables.

Il est grand temps pour le Canada de monter à bord et d’investir dans son réseau de transport ferroviaire de passagers si nous ne voulons pas rater le train et rester à quai.