La présidente nationale d'Unifor Lana Payne dit démissionner en silence ne suffit pas. Les travailleuses et travailleurs doivent se faire entendre.

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Unifor National President Lana Payne
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Il est évident que le monde du travail a changé en raison de la pandémie. 


Si le scénario type veut que les travailleuses et travailleurs exigent mieux de leurs patrons, les salaires demeurent modestes par rapport à la hausse de l’inflation, alors que les avantages sociaux sont maigres et les régimes de retraite inaccessibles. 


En dépit de l’explosion des profits et des allégations de pénurie de main-d’œuvre, la majorité des travailleuses et travailleurs sont toujours perdants. 


Toujours figés dans les emplois précaires qui définissaient notre réalité pré pandémique, les employeurs ne savent plus où jeter le blâme – que ce soit l’éthique de travail des millénariaux, la formation inadéquate des compétences par le gouvernement, les règles strictes, les impôts élevés ou la concurrence mondiale.


Je vais vous révéler un petit secret. Le problème, c'est eux, pas nous. 


Pour trop de gens, la réalité du milieu de travail d’aujourd’hui est plutôt terne. C’est une voie sans issue. Il faut travailler jusqu’à s’écrouler. C’est quand les entreprises ne prétendent même plus que l’excellence du travail, le dévouement et la loyauté des employés signifient quelque chose. 


Lorsque Bell Media a décidé d’évincer Lisa LaFlamme de son poste de chef d’antenne qu’elle avait légitimement mérité, uniquement par un caprice de l’entreprise, une corde sensible a été touchée. Un message clair a été envoyé, non seulement aux employés de la salle de presse, mais aussi à tous les travailleuses et travailleurs canadiens, pour leur rappeler qui est aux commandes et qui n’est pas indispensable. 


Depuis des années, les entreprises, grandes et petites, suppriment des postes à temps plein et des avantages sociaux pour les remplacer par des emplois temporaires, à temps partiel et précaires, conditionnant les travailleuses et travailleurs à « s’estimer privilégiés d’avoir un emploi », tandis que l’écart salarial entre les salariés et les PDG ne cesse de se creuser. 


Les travailleuses et travailleurs en ont assez du statu quo. 


La question qui se pose maintenant est la suivante : que comptent-ils faire? 


À une époque de grande résignation et, maintenant, avec l’émergence de la démission silencieuse, terme rendu populaire par le TikTokeur Zaid Khan dans une vidéo virale, il semble que bon nombre de travailleuses et travailleurs, jeunes et vieux, se rebellent en se désengageant passivement du travail.

Une telle réaction est bien compréhensible. Les travailleuses et travailleurs, nous tous, consacrons tellement de temps, d’énergie et d’attention au travail que nous accomplissons au quotidien, pour faire fonctionner les entreprises, pour faire avancer notre économie. La plupart du temps, tout ce que l’on fait est considéré comme acquis. Les patrons reçoivent des primes. Les actionnaires touchent des dividendes. Mais qu’en est-il des travailleuses et travailleurs? Pour un trop grand nombre d'entre eux, ils ont droit à un emploi précaire et de mauvaises conditions de travail.


Je saisis parfaitement le phénomène de la démission silencieuse, surtout après deux années de montagnes russes à faire face à cette pandémie.


Je m’y connais aussi un peu en matière d’évolution sociale. Et si l’intention de réclamer le pouvoir individuel est un premier pas dans la bonne direction, à elle seule, cette démarche ne changera rien. 


La démission silencieuse est essentiellement une « grève du zèle », une tactique souvent utilisée par les syndicats pour intensifier la pression sur les employeurs. Dans ce cas, les travailleuses et travailleurs n’accomplissent que les tâches prévues dans leur contrat de travail, sans plus.


Ce qui diffère, pour les membres des syndicats, c’est que ce n’est qu’une des nombreuses flèches à leur arc. Et s’il peut paraître gratifiant de montrer au patron que vous avez raison, cette approche passive agressive ne comprend aucune exigence de changement. 


La démission silencieuse ne suffit pas. Les travailleuses et travailleurs doivent se faire entendre.


Si nous voulons vraiment réimaginer nos milieux de travail, les travailleuses et travailleurs doivent être présents, ne pas avoir peur et réclamer haut et fort leur siège à la table. Il leur faut des syndicats, tout simplement.


Un travail convenable, des salaires justes, un traitement équitable entre les sexes et entre les races, ou la sécurité sur le lieu de travail ne relèvent pas de l’automatisme. Ce ne sont pas des conditions accordées systématiquement aux travailleuses et travailleurs par des employeurs bienveillants ou des gouvernements bien intentionnés. Elles ne résultent pas du refus d’un employé mécontent de travailler dix minutes de plus ou de répondre à un courriel après les heures de travail. 


Des générations entières de travailleuses et de travailleurs nous ont précédés et ont lutté pour obtenir les droits dont nous jouissons aujourd'hui, et ce, principalement par le biais des syndicats. Alors que la disparité entre les revenus se creuse, que les nouveaux risques pour la santé au travail augmentent, que les emplois sont de moins en moins sûrs, les syndicats et la négociation collective sont plus que jamais indispensables. 


Le fait que la plupart des gens le comprennent encore me rassure. La récente montée du militantisme syndical dans des endroits comme les entrepôts d’Amazon, les centres de service à la clientèle de WestJet et les cafés Starbucks, montre qu’une lueur de changement se pointe à l’horizon. D’ailleurs, depuis un an, un nombre record de membres d’Unifor ont déclenché des grèves pour obtenir de meilleurs salaires et des pratiques de travail plus équitables.


Avec la transition de la COVID-19 vers la phase endémique, les employeurs redéfinissent leurs modèles d’entreprise, donnant ainsi aux travailleuses et travailleurs une occasion unique de se syndiquer et de lutter ensemble pour des emplois convenables à temps plein, une rémunération équitable et un meilleur équilibre entre vie professionnelle et vie privée.


Les syndicats doivent continuer à faire pression en faveur d’un renforcement des lois et des normes du travail et d’une amélioration des politiques publiques afin d’armer les travailleuses et les travailleurs dans leur lutte pour un avenir meilleur. 


La réforme de l’assurance-emploi, l’élimination des entraves qui empêchent les travailleuses et travailleurs de se doter d’un syndicat et l’élargissement de la portée de la négociation collective ne sont que quelques-uns des changements nécessaires, comme le souligne le nouveau plan d’action d’Unifor


Le temps est venu de renforcer le pouvoir des travailleuses et des travailleurs. Le temps est venu de se lever et de lutter pour la justice économique et sociale. Le temps est venu d’adhérer à un syndicat.


En cette fête du Travail, et par la suite, les travailleuses et travailleurs ne seront plus silencieux.