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Publié initialement dans le The Hill Times
Les 20 derniers mois ont été dévastateurs pour les travailleuses et travailleurs de l'aérospatiale du Canada.
Les analystes s'accordent à dire que même si le trafic aérien remplit à nouveau lentement le ciel, l'industrie aérospatiale n'est pas encore sortie d'affaire. Loin de là.
Le secteur dépend d'un écosystème délicat où les gouvernements et les entreprises planifient soigneusement à long terme pour assurer un flux constant de commandes d'avions et de pièces. Le succès dépend également d'une infrastructure de formation bien développée pour fournir une main-d'œuvre hautement qualifiée. L’achalandage des aéroports aide aussi.
Au Canada, le transport aérien ne transporte que 50 % des passagers qu'il transportait avant la crise actuelle. Les chiffres sont similaires dans la plupart des régions du monde. La lenteur de la reprise dans le secteur de l'aviation bloque le secteur aérospatial, à tel point que l'emploi est en baisse de 15 % et que la production du PIB a diminué de 20 % par rapport à 2019.
En 2018, environ 220 000 emplois directs et indirects ont été soutenus par les fabricants aérospatiaux. Aujourd'hui, des milliers de personnes ont été mises à pied ou, pire, ont complètement perdu leur emploi.
Un secteur aérospatial fort est d’une importance capitale pour l'économie du Canada. L'industrie aérospatiale a l'habitude de créer de bons emplois syndiqués avec des salaires supérieurs à la moyenne, une stabilité et des avantages de santé pour les travailleuses et travailleurs. C'est la norme absolue pour créer une croissance économique et une partie du secteur manufacturier de haute technologie si convoité par d'autres pays.
L'industrie aérospatiale consacre plus d'argent à la recherche et au développement que tout autre secteur manufacturier de pointe, contribuant ainsi à l'innovation de pointe et alimentant la croissance économique.
Ce genre d'innovation fait appel aux membres d'Unifor à l’emploi de la compagnie de technologie spatiale MDA qui contribueront à la prochaine génération du Canadarm pour la plate-forme orbitale lunaire – la prochaine frontière de notre présence permanente dans l'espace et un terrain d'essai pour l'exploration humaine future du système solaire.
Les travailleuses et travailleurs de Magellan Aerospace à Winnipeg construisent des composants pour le véhicule à décollage court et à atterrissage vertical F-35. L'innovation dans le secteur de la défense est généralement un terrain d'essai pour la prochaine génération d'applications commerciales, ce qui signifie un potentiel exceptionnel d'expansion de part de marché et de contribution économique à long terme.
Les travailleuses et travailleurs de Pratt and Whitney, au Québec, mettent au point une technologie hybride à turbopropulseurs pour réduire considérablement les émissions de carbone et aider l'industrie de l’aviation à atteindre ses objectifs climatiques.
Le Canada doit continuer à accueillir des projets comme ceux-ci. Pour ce faire, il faut équilibrer l'investissement dans les projets de recherche et de développement qui créent des emplois dans le secteur aérospatial, tout en mettant en œuvre les bonnes politiques pour les protéger, afin que les travailleuses et travailleurs canadiens prospèrent également.
Jusqu'à présent, le gouvernement fédéral s'est concentré sur le premier point, en engageant 2 milliards de dollars de son Fonds stratégique pour l’innovation dans le secteur au cours des sept prochaines années.
C'est un début, mais ce n'est pas l'approche globale dont les travailleuses et travailleurs canadiens de l'aérospatiale ont besoin.
Ce qui manque à l'équation, c'est le levier politique stratégique du gouvernement : l'approvisionnement.
Le Canada doit acheter des appareils de remplacement pour sa flotte vieillissante d'avions de patrouille Aurora Maritime et lutter contre les menaces très réelles que posent les changements climatiques. Cela signifie l'achat de nouveaux avions de lutte contre les incendies, de surveillance des inondations et de sauvetage. Chacun de ces projets doit être mis en route dès maintenant et le contenu canadien doit devenir une priorité absolue.
Il y a aussi la question de la commande d'avions de chasse du Canada. Des efforts considérables ont déjà été déployés pour mettre en contact les petites et moyennes entreprises canadiennes avec les soumissionnaires par le biais de la Politique des retombées industrielles et technologiques (RIT). Le contrat de l'avion de chasse sera attribué l'année prochaine, mais le programme des RTI doit se poursuivre et s'étendre à d'autres achats pour tirer parti du travail accompli.
Il manque également une approche visant à améliorer la qualité et la sécurité des emplois. Il faut pour cela s'attaquer aux agences de travailleurs temporaires dans l'industrie et garantir des salaires, des pensions et des avantages sociaux décents grâce à un meilleur accès à la syndicalisation et à de meilleures normes d'emploi. Le programme d'approvisionnement devrait établir des normes pour les contrats gouvernementaux qui vont au-delà du minimum et exigent des conditions de travail décentes et des emplois stables.
Le Canada a besoin d'une stratégie aérospatiale nationale qui consacre ces mesures et rassemble le gouvernement, les syndicats, les entreprises et les secteurs de la formation au sein d'un conseil de développement de l’industrie.
Lorsque le gouvernement canadien a défendu et soutenu notre industrie aérospatiale, cela a toujours porté ses fruits.
Nous avons les ressources, les compétences et la capacité nécessaires pour annuler les pires effets économiques de la pandémie et regagner le terrain que l'industrie a perdu au fil des ans.
Pour y parvenir, il faut redoubler d'efforts pour l'industrie aérospatiale canadienne et prendre des mesures audacieuses au-delà des investissements. Nous avons besoin d'une stratégie dirigée par le gouvernement qui garantisse ces investissements à long terme et qui fasse en sorte qu'ils profitent aux travailleuses et travailleurs de l'aérospatiale aujourd'hui et à l'avenir.