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« Quand les choses sont difficiles, que la journée se fait sombre, notre force en tant que syndicat est de ne jamais abandonner. »
La veille du deuxième anniversaire de la pandémie mondiale de COVID-19, la secrétaire-trésorière d’Unifor, Lana Payne, a souligné ce que les travailleuses et les travailleurs du monde entier ont perdu et les défis auxquels ils continuent de faire face.
« À travers la planète, au-delà de 6 millions de décès sont imputables à la COVID-19, dont plus de 37 000 uniquement au Canada », a déclaré Mme Payne dans son discours d’ouverture de la deuxième journée du Conseil régional de l’Ontario qui se tenait en ligne.
« Depuis deux ans, les travailleuses et les travailleurs de première ligne ont porté le fardeau le plus lourd, contraints de se battre pour obtenir des protections de base et, dans bien des cas, un salaire décent. Les travailleuses et les travailleurs ont été bien souvent laissés à eux-mêmes pour naviguer dans des environnements de travail potentiellement dangereux, faire face au risque élevé de transmission, aux comportements hostiles, au harcèlement et à l’absence de soutien au revenu ou de congés de maladie payés. »
Mme Payne a précisé que si la population est lasse des restrictions imposées par la pandémie, les organisateurs à l’origine des convois de camionneurs opposés aux mesures sanitaires ne sont pas les amis des travailleuses et travailleurs et de leurs syndicats. Elle a souligné que la politique de vaccination d’Unifor accorde la priorité à la santé et à la sécurité des membres.
« Ce sont les mêmes individus qui, il y a deux ans, se sont rangés du côté du patronat et ont attaqué notre ligne de piquetage à Regina », a-t-elle ajouté.
« S’ils croient pouvoir faire évoluer le Canada vers la haine et la division, nous leur disons : ‘Pas question’, car la direction de ce pays doit être celle des syndicats - celle de la solidarité et du soutien collectif les uns envers les autres. C’est ce Canada-là que nous aspirons à bâtir ».
Au moment où les restrictions se relâchent dans de nombreuses provinces, le combat du syndicat est loin d’être achevé. Unifor poursuit son plaidoyer pour l’équité en matière de vaccins, à renforcer le droit des travailleuses et des travailleurs à refuser les travaux dangereux, à faire pression pour la modernisation des systèmes de ventilation et à faciliter l’accès à la syndicalisation.
« Je comprends que l’envie de ‘revenir à la normale’ est très forte en ce moment, mais n’oublions surtout pas que déjà, au départ, cette normalité n’était pas acceptable », de dire Mme Payne, en faisant référence à la guerre en Ukraine, aux Noirs, aux Autochtones et aux personnes de couleur confrontés à des obstacles considérables pour accéder aux services de base, ainsi qu’aux femmes qui subissent encore chaque jour des violences, du sexisme et des discriminations salariales.
« Nous allons nous battre pour mieux. Pour un monde qui fonctionne pour les travailleuses et les travailleurs. »
Dans le cadre de cette stratégie, Unifor s’efforce notamment d’améliorer de façon permanente le programme d’assurance-emploi du Canada, de lutter contre la privatisation du corridor de VIA Rail et d’élaborer une nouvelle politique d’Unifor sur l’automobile afin de soutenir une industrie automobile robuste au Canada. Le syndicat a aussi négocié des augmentations de salaire ‘substantielles’ dans les entrepôts d’épicerie et surveille le projet de loi C-11 afin de protéger les emplois canadiens dans l’industrie des médias.
Faisant écho aux propos tenus la veille par Naureen Rizvi, la directrice régionale de l’Ontario, Mme Payne a critiqué le gouvernement de Doug Ford qui a refusé d’abroger le projet de loi 124, lequel plafonne les salaires des travailleuses et travailleurs de la santé et de l’éducation.
« Doug Ford est convaincu que son prochain mandat sera facile à remporter », a déclaré Mme Payne. « Or, nous connaissons les effets dévastateurs que ce mandat pourrait avoir sur les syndicats, les travailleuses et travailleurs et les communautés de la province. Unifor ne sera pas qu’un spectateur lors des élections en Ontario (le 2 juin). Nous participerons à l’élaboration de la résistance nécessaire pour battre Ford ou le freiner. »
Mme Payne a ajouté qu’Unifor national versera également 50 000 $ à l’initiative Imagine Build, pour laquelle le Conseil régional de l’Ontario et d’autres sections locales d’Unifor ont amassé plus de 200 000 $, présentés lors d’une remise de chèque le 9 mars 2022.
À l’instar de nombreuses sociétés et entreprises, les finances d’Unifor ont été mises à mal pendant la pandémie. En 2020, le syndicat a perdu plus de 9 millions de dollars en cotisations et 33 000 membres cotisants. Toutefois, grâce à 10 millions de dollars de revenus d’investissement, le déficit final n’aura été que de 3 millions de dollars.
« Il nous fallait assurer les assises financières de notre syndicat afin d’être en mesure de mener les batailles à venir », a dit Mme Payne.
« Nous nous attaquons au problème et nous bâtissons la solidarité - jamais, au grand jamais, nous ne la détruisons. La situation sera peut-être encore difficile pendant un certain temps, mais la seule façon de s’en sortir, c’est ensemble. »
Trois membres du personnel de la santé dans des foyers de soins de longue durée se sont assises avec l’adjointe de la présidente nationale d’Unifor, Katha Fortier, pour témoigner de leur expérience de travail pendant la pandémie ; des récits bouleversants qui n’ont laissé personne indifférent dans la salle.
En mars 2020, Jennifer Cloutier a vécu une explosion de code rouge sur son lieu de travail.
« En 24 heures, après la découverte de notre premier cas positif, quelque 64 membres sont partis en congé », dit-elle. « Ils étaient effrayés, anxieux, surchargés de travail, confrontés à des problèmes liés aux salaires, aux congés personnels et à la garde d’enfants. En moins de 72 heures, nous sommes passés de 92 cas. Nous n’étions plus que 42 membres pour assurer le fonctionnement d’un foyer de 140 résidents, 24 heures sur 24 et 7 jours sur 7. C’est impossible ».
Deux semaines plus tard, alors que le virus ravageait le foyer de SLD, Mme Cloutier s’est installée dans une roulotte dans le stationnement pour soutenir ses collègues, sans eau ni électricité et sans propane pour se chauffer. Pendant des mois, l’épuisement professionnel et le stress l’ont empêchée de s’alimenter correctement et ont eu de graves répercussions sur sa santé mentale.
« À mesure que la santé de nos résidents déclinait, mes journées de 12 à 16 heures se transformaient en journées de 16 à 20 heures », dit-elle, les larmes aux yeux. « Mon élément déclencheur, encore à ce jour, est lorsque j’ai dû emballer le corps d’un résident. Je l’ai fait à neuf reprises (parce que les pompes funèbres ne pouvaient pas venir). Nous étions désespérés. »
Une lueur d’espoir est apparue avec l’aide d’un hôpital de campagne - avec l’accord de l’employeur - et une prime de pandémie temporaire.
« Cela a sauvé des vies », a-t-elle déclaré. « Ils avaient des niveaux de personnel de soutien pour nos résidents malades. Leur ratio de personnel était de un pour cinq, tandis que le nôtre était de un pour 30 sur une base quotidienne. Le personnel de l’étage était composé d’infirmières autorisées et ils disposaient d’un médecin sur place, tous les jours, toutes les heures, pour les traitements, les changements de régime et les diagnostics. »
L’employeur a aussi accordé une augmentation salariale de 3 $/heure à l’échelle de son établissement jusqu’à la fin de mai 2020. Et quand le gouvernement a introduit une prime de pandémie de 4 $, cela a porté cette augmentation à 7 $ de plus l’heure.
« C’était une marque de respect et de solidarité qui, conséquemment, a permis d’améliorer le moral des troupes », a déclaré Mme Cloutier.
Emily Coulter a raconté que, lorsque la pandémie a éclaté, ses collègues et elle se sont battus avec leur employeur pour obtenir des équipements de protection individuelle.
« On nous disait de ne pas les utiliser pour ne pas effrayer les résidents et que, de toute façon, nous n’en avions pas besoin », a-t-elle expliqué. « Nous nous conformions aux consignes que le foyer nous communiquait ; mais ces informations étaient erronées et il nous a fallu continuer à nous battre. »
Elle a été l’un des premiers membres du personnel de son foyer de SLD à avoir contracté la COVID-19 en raison de l’absence d’ÉPI.
« C’était absolument terrifiant », se souvient-elle. « Je me rappelle avoir reçu ce coup de fil ; l’infirmière m’a demandé si j’étais bien assise et elle m’a dit que j’étais positive. La défaite était totale. J’étais très furieuse, vu à quel point je m’étais battue pour ne pas l’attraper. »
Mme Coulter, qui travaille dans un foyer de SLD à but non lucratif, est couverte par le projet de loi 124, qui limite la rémunération totale à 1 % chaque année.
« J’ai l’impression que ce gouvernement nous a menti », explique-t-elle. « C’est un manque de respect. Ils ne semblent pas comprendre que les services que nous fournissons sont indispensables et inestimables. On vous dit que vous ne valez que 1 %, mais que vous êtes quand même essentiels, que vous êtes des héroïnes et des héros - mais leurs discours et leurs actes ne concordent pas. »
Theresa Quinto, infirmière dans un foyer de soins de longue durée, raconte que 17 résidents sont morts sur son lieu de travail, de même que Sheila, un membre du personnel dont elle était proche. Même si les quarts de travail sont difficiles, elle y reste, parce qu’elle a un lien avec ses résidents.
« J’aime ce que je fais et ils sont ma famille », a-t-elle déclaré.
Marc Hollin, chercheur chez Unifor, a demandé aux membres de s’adresser aux politiciens provinciaux et fédéraux pour exiger une loi anti-briseurs de grève vigoureuse. Il a indiqué que le Parti libéral fédéral avait présenté un projet de loi anti-briseurs de grève, mais qu’il se limitait à interdire aux employeurs d’utiliser des travailleuses et travailleurs de remplacement en cas de lock-out. Le libellé doit inclure les grèves, a-t-il souligné.
« Certains prétendent que la loi anti-briseurs de grève existe déjà, mais qu’elle est toutefois déficiente et qu’une simple lecture rapide révèle ses nombreuses failles », a-t-il ajouté.
Le Conseil régional de l’Ontario s’est conclu par un émouvant discours d’acceptation prononcé par Ed Steers, de la section locale 199, après avoir accepté le prix Bud Jimmerfield, qui doit son nom à un machiniste qui travaillait dans une usine de pièces automobiles à Amherstburg, en Ontario.
Après trois décennies d’exposition à des liquides métallurgiques cancérigènes, en 1998, Bud Jimmerfield succombait à un cancer de l’œsophage.
Cette distinction annuelle est décernée à une militante ou un militant qui a fait preuve de leadership en aidant ses collègues de travail à prévenir les maladies, les décès et les blessures sur le lieu de travail.
En 2019, le Canada a enregistré 925 décès en milieu de travail et 271 806 réclamations admises pour perte de temps due à une blessure ou une maladie professionnelle.
Ed Steers a tenu à rendre hommage à un collègue qui, le 22 octobre 2021, a perdu la vie sur le lieu de travail à l’usine de propulsion de St. Catharines.
« Ç’a été le pire jour de ma vie, littéralement », a-t-il avoué d’une voix tremblante.
« Par la suite, je me suis senti comme dans l’œil d’un ouragan pendant deux à trois semaines. Quand je rentrais à la maison le soir, je regardais mon épouse et j’imaginais à quel point notre famille serait transformée et l’effet sur ma conjointe si un jour je ne rentrais pas du travail. Chaque fois que des travailleuses et des travailleurs sont victimes d’une tragédie, il y a des êtres chers, des membres de la famille et des collègues qui sont directement touchés. »