Accord de libre-échange nord-américain (ALENA)
Les pourparlers en vue de renégocier l’Accord de libre-échange nord-américain durent plus longtemps que prévu et vont se prolonger jusqu’en 2018. Unifor continue de faire entendre sa voix.
Le président national d’Unifor, Jerry Dias a participé à chaque ronde de pourparlers en tant que membre d’un groupe d’intervenants prodiguant des conseils aux négociateurs canadiens. Il a aussi continué de rencontrer des dirigeants syndicaux du Canada, des États-Unis et du Mexique, alors que les discussions se sont déplacées d’un pays à l’autre.
En novembre, Jerry Dias a fait les manchettes au Canada et au Mexique lorsqu’il a rendu visite à une mine au Mexique, appartenant à une compagnie canadienne, où deux travailleurs en grève ont été tués sur la ligne de piquetage quelques jours plus tôt. Unifor a aussi tenu une manifestation à l’extérieur des bureaux de la société Torex Gold Resources Inc. à Toronto en soutien aux grévistes. Les initiatives s’inscrivaient dans l’approche d’Unifor à l’égard des pourparlers de l’ALENA, qui insiste pour que tout accord renouvelé aide les travailleuses et travailleurs des trois pays signataires.
La renégociation de l’ALENA a commencé après que le président américain Donald Trump ait fait campagne en 2016 en soutenant que l’ALENA était inéquitable pour les travailleuses et travailleurs américains, surtout dans l’industrie manufacturière.
Cette renégociation nous donne une occasion historique de corriger les failles fondamentales de l’ALENA. Les syndicats ne cessent de répéter que l’ALENA cause du tort aux travailleuses et travailleurs du Canada, des États-Unis et du Mexique depuis qu’il est entré en vigueur en 1994. Les décennies leur ont donné raison.
La renégociation de l’ALENA est au cœur de la campagne générale d’Unifor sur le commerce citoyen, lancée au Conseil canadien, à Winnipeg. Comme le dossier progresse rapidement à Ottawa et à Washington, Unifor joue déjà un rôle actif, notamment :
- Lettre à la ministre des Affaires étrangères, Chrystia Freeland, au sujet des modifications proposées à la législation du travail au Mexique
- en produisant une déclaration commune avec les Travailleurs unis de l’automobile sur l’ALENA et l’industrie de l’automobile au Canada, aux États-Unis et au Mexique;
- en organisant une discussion ouverte à Ingersoll, en Ontario, pour discuter d’un programme commercial axé sur les intérêts de la population et de ce que les membres aimeraient inclure dans le nouvel ALENA;
- en présentant un énoncé de position détaillé sur l’ALENA, dont un sommaire, au ministère des Affaires mondiales alors qu’il se prépare à amorcer les pourparlers.
- Pour connaître la façon dont les calculs ont été effectués dans l'annonce ci-dessus, cliquez ici.
- Une lettre ouverte du représentant américain au Commerce, Robert Lighthizer, soulignant le besoin de faire appliquer des normes du travail.
De plus, Jerry Dias, président national d’Unifor, s’est rendu à Washington à deux reprises pour rencontrer Wilbur Ross, secrétaire américain au commerce, pour lui faire valoir les arguments d’Unifor voulant qu’un nouvel ALENA réponde aux besoins des travailleurs et de la population en général.
Un programme commercial axé sur les intérêts de la population commence par faire passer les besoins des travailleurs et de leur famille avant ceux des grandes entreprises. En 1994, l’ALENA a malheureusement fait l’inverse. Nous ne pouvons pas commettre de nouveau cette erreur.
Pour mieux comprendre l’incidence de l’ALENA sur l’économie canadienne, Unifor s’est penché sur plusieurs secteurs :
Automobile
- Les investissements dans le secteur de l’automobile se sont surtout faits au Mexique, principalement en raison des faibles salaires et d’une réglementation minimale. Au cours des 5 dernières années, 9 des 11 nouvelles usines d’automobiles annoncées en Amérique du Nord ont été implantées au Mexique.
- Les travailleurs mexicains de l’automobile n’ont pas les moyens de s’acheter les voitures qu’ils fabriquent, car les travailleurs des usines d’assemblage ne sont payés que 6 dollars l’heure et ceux des pièces automobiles gagnent la moitié de ce salaire.
- Plusieurs véhicules autrefois fabriqués au Canada ont été transférés au Mexique et de récentes annonces ont été faites pour transférer la production du modèle GMC Terrain d’Ingersoll et la Toyota Corolla de Cambridge.
- Il n’y a eu que 1,6 million de véhicules vendus au Mexique en 2016, alors que le pays en a fabriqué 3,6 millions. Le Mexique représente juste 8 % du marché nord-américain en termes de ventes, mais 20 % en termes d’assemblage final.
- Le Mexique regroupe maintenant près de 900 000 emplois dans le secteur de la fabrication automobile, soit 45 % du total nord-américain. Le Canada ne compte que 125 000 emplois, soit 6 %.
- Les emplois canadiens chez les trois grands fabricants d’automobiles de Detroit ont été coupés de plus de la moitié depuis la mise en œuvre de l’ALENA, de 52 000 en 1993 à seulement 23 000 l’année dernière.
- Le déficit commercial du Canada dans le secteur de l’automobile avec le Mexique a triplé depuis 2008 pour atteindre 12 milliards de dollars. Pour chaque dollar d’importations d’automobiles provenant du Mexique, le Canada n’envoie que 14 ¢ de l’autre côté. Le déficit avec le Mexique a maintenant atteint plus du double de celui que nous avons avec le Japon.
- En 1999, le Canada était le quatrième producteur mondial d’automobiles et enregistrait un excédent commercial de 14 milliards de dollars dans le secteur. Le Canada est maintenant le dixième producteur, et son déficit atteint 18 milliards de dollars.
- Pour obtenir des précisions sur l’ALENA et l’industrie de l’automobile, cliquez ici.
Énergie et mines
- Le secteur de l’énergie et le secteur minier ont connu une croissance commerciale vigoureuse et soutenue au tournant du 21e siècle.
- Les échanges bilatéraux avec les États-Unis et le Mexique ont passé de 18 milliards de dollars en 1993 à près de 82 milliards de dollars en 2016.
- À l’heure actuelle, le Canada affiche un excédent commercial de 55 milliards de dollars avec les États-Unis dans le secteur de l’énergie et le secteur minier, malgré un déficit commercial modeste de 300 millions de dollars avec le Mexique.
- Dans les secteurs de l’énergie et des minéraux, le Canada fait la très grande partie de ses échanges commerciaux avec les États-Unis. En effet, ceux-ci représentent 99,8 % des exportations nord-américaines du Canada. Les exportations d’énergie et de minéraux vers les États-Unis comptent pour 14 % des exportations mondiales totales du Canada.
- En 1994, la mise en œuvre de l’ALENA a coïncidé avec l’adoption d’une série d’incitatifs fiscaux par le gouvernement fédéral, sous forme de montants déductibles aux fins de l'impôt pour les investissements de capitaux, et l’instauration de redevances par le gouvernement de Klein en Alberta, afin de stimuler la production de sables bitumineux.
- Au chapitre 6 de l’ALENA, le Canada a accepté une « clause de proportionnalité » (article 6.05) qui limite sa capacité à réduire ses exportations d’énergie vers les États-Unis. Cette clause nuit à notre capacité souveraine à gérer nos niveaux de production d’énergie (afin d’atteindre nos cibles en matière d’émissions de carbone, par exemple).
Agriculture et industrie alimentaire
- La fabrication et la transformation de denrées alimentaires forment un secteur commercial majeur et extrêmement actif. Dans le secteur agroalimentaire, les échanges bilatéraux avec le Mexique et les États-Unis, qui s’élèvent à 42 milliards de dollars par année, croissent rapidement.
- Malgré la progression rapide des importations de denrées alimentaires mexicaines (environ 13 % par année), le Canada maintient une balance commerciale saine avec le Mexique et les États-Unis, soit plus de 6 milliards de dollars en 2016.
- Dans le secteur agroalimentaire, l’excédent commercial de 6 milliards de dollars du Canada s’explique en grande partie par les exportations d’animaux vivants et de produits animaux (près de 10 milliards de dollars l’année passée).
- Toutefois, ce ne sont pas tous les domaines qui s’en tirent aussi bien dans l’agroalimentaire. En réalité, l’excédent commercial dissimule une dégradation de la performance commerciale liée aux aliments transformés, comme les boissons, les céréales, le lait et le pain.
- Depuis 2008, le Canada enregistre des déficits commerciaux annuels dans le domaine des aliments transformés dans toute la zone visée par l’ALENA. En revanche, il a affiché des excédents commerciaux de 1995 à 2007 dans ce domaine.
- Ces déficits sont attribuables à l’augmentation des importations de denrées alimentaires américaines au Canada, à la diminution générale de la valeur des exportations de denrées alimentaires canadiennes vers le Mexique et à la croissance des importations mexicaines. L’ALENA a contribué à ces fluctuations.
Industrie laitière
- Selon une note de service rédigée par des dirigeants américains et divulguée au public, le système de gestion de l’offre du Canada serait une « préoccupation d’ordre commercial », ce qui alimente les spéculations selon lesquelles ce système sera l’une des principales cibles de Trump dans l’éventualité d’une renégociation de l’ALENA.
- Pour ce qui est des produits laitiers (p. ex. fromage, lait, babeurre, œufs), le Canada enregistre déjà un déséquilibre commercial totalisant 400 millions de dollars par année, dont la moitié avec les États-Unis.
- Le problème réside dans l’aversion des États-Unis pour le système de gestion de l’offre du Canada. Régissant le lait, les œufs et la volaille, ce système contrôle les importations et permet aux agriculteurs de négocier le prix de leurs produits.
- Les fournisseurs américains sont mécontents que la politique sur l’établissement du prix du lait, récemment mise à jour, s’attaque à l’importation de lait ultra filtré au Canada. Les lobbyistes américains de l’industrie font pression sur le bureau du président avec insistance.
- Le Canada a proposé des modifications majeures à ses quotas d’importation de produits laitiers dans le cadre de l’AECG et du PTP, ce qui a poussé le gouvernement à offrir aux producteurs laitiers un programme d’indemnisation de 4,3 milliards de dollars sur 15 ans pour réparer les dommages qu’ils subiraient.
- On ne connaît pas exactement les torts que provoquerait l’affaiblissement du système de gestion de l’offre dans le cadre de la renégociation de l’ALENA, mais ils pourraient être encore plus graves.
Aérospatiale
- Dans le secteur de l’aérospatiale, les échanges bilatéraux du Canada s’élèvent à près de 18 milliards de dollars. Presque la totalité des exportations canadiennes sont destinées au marché américain (98 %), et le Canada maintient un excédent commercial plutôt stable en Amérique du Nord (il a atteint 500 millions de dollars en 2016).
- Toutefois, pour ce qui est des composantes aérospatiales, le déficit commercial avec le Mexique croît de façon constante depuis 2008. Il se situe actuellement à un peu plus de 200 millions de dollars.
- D’après une note d’information de l’United States International Trade Commission, le nombre de fournisseurs aérospatiaux augmente rapidement au Mexique. En fait, le nombre de firmes a plus que doublé de 2006 à 2011.
- Selon des estimations récentes, près de 300 firmes aérospatiales mènent des activités au Mexique, alors qu’il n’y en avait qu’une centaine en 2006. L’emploi progresse simultanément dans le secteur.
- De nombreux rapports avancent que la croissance de l’industrie aérospatiale mexicaine est liée à la recherche assidue d’accords de libre-échange et au laxisme de la réglementation en matière d’activités commerciales, de travail et de fiscalité.
- Au Canada, l’emploi demeure relativement stable depuis 2011 dans l’industrie aérospatiale. Par contre, il arrive que des contrats de composantes (même pour Bombardier) soient octroyés à des fournisseurs mexicains et que les produits soient ensuite expédiés au Canada, libres de droits de douane, dans le contexte de l’assemblage final.
- Comme l’industrie aérospatiale mexicaine ne cesse de prendre de l’expansion, les travailleurs canadiens subiront sans aucun doute des pressions concurrentielles. La menace de délocaliser des emplois au sud risque même de se concrétiser.
Médias et culture
- L’ALENA contient une exemption générale pour l’industrie culturelle canadienne qui nous permet de continuer à soutenir nos politiques culturelles. Or, l’exemption n’est pas inconditionnelle et a déjà fait l’objet de critiques.
- En définitive, malgré l’ALENA, les États-Unis ne peuvent pas intenter de recours pour empêcher le Canada d’imposer des règles sur le contenu canadien dans les médias. Le Mexique ne peut pas non plus prendre des mesures pour contester nos systèmes publics de radiodiffusion. Il s’agit d’exclusions importantes.
- La nature des exemptions culturelles se fragilise dans les accords commerciaux. Les dispositions relatives aux exemptions culturelles du PTP ont d’ailleurs suscité de vives préoccupations, car elles étaient inutilement plus laxistes que celles d’autres accords.
- Le plus préoccupant, c’est que les négociateurs canadiens du PTP ont accédé à une demande des États-Unis voulant que les radiodiffuseurs en ligne, comme Netflix, soient à jamais exemptés de la réglementation sur le contenu canadien. Une revendication similaire pourrait être exprimée lors de la renégociation de l’ALENA. Une telle disposition serait désastreuse pour la culture canadienne à long terme, étant donné que la télévision par ondes hertziennes poursuit sa migration vers les plateformes en ligne.
Métal et acier
- Dans le secteur de la première transformation des métaux (p. ex. usines sidérurgiques et aciéries), le commerce génère plus de 35 milliards de dollars en échanges transfrontaliers avec les États-Unis et le Mexique. Comme dans la plupart des industries manufacturières, la majeure partie des exportations canadiennes (96 %) sont destinées au marché américain. Dans cette industrie, l’excédent commercial du Canada, qui s’élève à 13 milliards de dollars, est considérable.
- Malgré le volume relativement élevé des échanges de produits sidérurgiques, de fer et de matériaux non ferreux, le commerce entre les États-Unis et le Canada n’a enregistré qu’une croissance modeste depuis la signature de l’ALENA (environ 4 % par année). En revanche, le commerce entre le Canada et le Mexique a augmenté environ trois fois plus rapidement par année, même si les échanges bilatéraux totalisent seulement 1 milliard de dollars.
- Comme dans l’industrie automobile nord-américaine, la pénétration des importations d’outre-mer dans le marché nord-américain est l’un des principaux problèmes auxquels l’industrie sidérurgique fait face, car elle gruge la part de marché de cette dernière.
- L’étude que le Comité de l’acier de l’OCDE a réalisée sur l’industrie sidérurgique nord-américaine en 2016 fournit des données sur l’érosion de la part de marché nord-américaine (les importations comprennent plus de 20 % du volume de l’acier en Amérique du Nord) et attire l’attention sur les pertes d’emplois (14 500 emplois américains) qui en résultent, les usines inactives et les faillites d’entreprises (US Steel, Essar Steel Algoma).
- Les principaux coupables incluent la capacité de production excédentaire et les importations d’acier subventionnées (dumping) de la Chine et d’ailleurs.