
Après une course désordonnée à la direction se terminant par un congrès du parti encore plus désordonné, le Parti progressiste-conservateur de l’Ontario a choisi un nouveau chef qui est dans la même lignée que les autres.
Par hasard, l’expression dumpster fire, synonyme de « désastre », a été ajoutée au dictionnaire Merrimack Webster la semaine dernière.
Parfaite synchronisation.
Conseiller d’un mandat à la ville de Toronto et candidat défait à la mairie, Doug Ford a été déclaré chef du parti avec quelques heures de retard, à cause des hostilités menées en coulisse.
C’est un homme qui a déjà fait une scène dans un foyer pour enfants autistes, imaginez-vous. « J’ai beaucoup de compassion pour les enfants atteints d’autisme. Mais personne ne m'avait dit qu’ils allaient quitter la maison. »
Cet homme a des opinions réactionnaires. Il voudrait aussi revenir en arrière pour limiter l’accès aux avortements, à l’éducation sexuelle, annuler les hausses du salaire minimum, mettre fin à toutes les tentatives de tarification du carbone. Il promet des réductions d'impôt qui entraîneront probablement des réductions de services.
Il a déjà traité une journaliste du Toronto Star de « salope » et dit à une journaliste du Globe and Mail d’arrêter de se « grouiller les fesses ».
Quand il a lancé sa campagne à la direction, il s’est désigné lui-même comme une personne de l’extérieur, en disant que : « les élites de ce parti, celles qui ont exclu les citoyens ordinaires, ne me veulent pas dans cette course. » Il a ensuite dit à Radio-Canada que les gens de l’élite buvaient leur champagne « en levant le petit doigt dans les airs ».
Il se retrouve maintenant à la tête du parti dont il a déjà dit qu’il lui donnerait « un lavement du haut vers le bas ».
Quand Ford a finalement été déclaré le nouveau chef du parti, seule la candidate Tanya Granic Allen, qui a fait campagne sur un seul thème, se tenait à ses côtés.
En fait, la deuxième de la course, Christine Elliott, ne lui a concédé la victoire que le lendemain. Christine Elliott a, après tout, remporté le vote populaire et obtenu le plus grand nombre de circonscriptions, mais comme Ford a gagné le plus grand nombre de points, c’est lui qui a gagné la course.
Ce serait tentant, très tentant en fait, de dire, après tout ce remue-ménage, tous les conflits internes et les coups bas, plus le fait que Ford n’ait pas réussi à remporter le vote populaire ni le plus grand nombre de circonscriptions, que lui et ses idées de la droite sont condamnés à perdre l’élection de juin.
Mais ce serait une terrible erreur, surtout dans l’ère de Trump. Un sondage publié dans le Toronto Star lundi dernier a révélé que les conservateurs pourraient remporter une majorité de sièges, même avec un chef dont la majorité des membres ne veut pas.
Ford serait un premier ministre dangereux et désastreux.
Rob Ford, son frère, a remporté l’élection à la mairie en 2010 en exploitant un réel sentiment de désenchantement de la part des électeurs, qui avaient l’impression de ne pas être entendus et que le gouvernement ne faisait rien pour les aider. Doug a brigué un siège de conseiller à la Ville dans le sillage de la réputation de son petit frère.
Donald Trump a été porté à la Maison-Blanche en raison du ressentiment des travailleurs qui voyaient les riches s'enrichir de plus en plus pendant que leur situation empirait et que l'avenir de leurs enfants était de plus en plus sombre, cantonnés à des emplois précaires et peu rémunérés.
Une victoire de Ford en Ontario amènerait les politiciens de droite du pays à suivre son exemple.
Le chef du Parti conservateur fédéral, Andrew Scheer, se sentirait certainement encouragé à défendre un programme tout aussi sombre à l’échelle du pays lors des élections fédérales l’année prochaine. Les conservateurs fédéraux sous la direction de Scheer sont déjà dirigés en coulisse par des extrémistes de droite ayant de solides liens avec l’odieux journal The Rebel.
Une victoire de Ford en Ontario les mettrait à l’abri de la lumière du jour et leur permettrait de viser les postes politiques les plus puissants du pays. Il y a encore beaucoup de travail à faire pour bâtir une société plus équitable pour tous, mais donner à Ford et à sa cohorte les clés pour diriger Queen’s Park ferait reculer l’Ontario et le Canada. C’est quelque chose que nous ne pouvons pas laisser faire.
Jusqu’à présent, la flambée désastreuse du parti conservateur s’est limitée à l’Ontario. Au mois de mai, quand les élections seront déclenchées en Ontario, nous devrons éteindre ce feu avant qu’il ne se répande.