
Les négociations en vue du renouvellement de l’Accord de libre-échange nord-américain (ALENA) étaient déjà précipitées, et il y avait déjà de quoi s’inquiéter. Les négociations bousculées des derniers jours empirent la situation et mettent en péril les besoins des travailleuses et travailleurs.
La ministre canadienne des Affaires étrangères Chrystia Freeland s’est envolée précipitamment pour Washington la semaine dernière pour une ronde inattendue de négociations afin de convenir d’une « entente de principe » pour un nouvel ALENA. Les équipes de négociateurs sont retournées à Washington et une entente pourrait être conclue dans quelques jours.
Les contraintes de temps pour parvenir à un nouvel accord commercial s’intensifient. Les chefs d’État du Sommet des Amériques se rencontreront au Pérou cette fin de semaine. L’élection présidentielle mexicaine débutera peu de temps après, alors que le candidat s’opposant à l’ALENA gagne en popularité. Dans quelques mois, les élections américaines de mi-mandat battront leur plein.
Aussi, à la fin du mois, le répit temporaire accordé au Canada et au Mexique relativement aux tarifs sur l’acier et l’aluminium prendra fin, après quoi des tarifs de 25 % sur l’acier et de 10 % sur l’aluminium seront imposés sur les produits canadiens.
Lancer une guerre commerciale au sein du processus de l’ALENA rendra la conclusion d’un nouvel accord d’autant plus difficile. De même, le président américain Donald Trump a lié les tarifs à la conclusion d’une entente dans le cadre de l’ALENA.
Il n’est donc pas surprenant que les négociateurs ressentent une certaine urgence politique à conclure un accord.
Cependant, nous ne devrions pas nous laisser gagner par des échéances artificielles. Il ne faut pas oublier quels sont les vrais enjeux de ces négociations ou ce que doivent être les priorités des parties à la table de négociation.
Bref, pour être efficace, l’ALENA doit répondre aux besoins de l’ensemble des travailleuses et travailleurs.
Depuis un quart de siècle, les travailleuses et travailleurs de l’Amérique du Nord subissent les conséquences d’un ALENA qui a été mal négocié à l’origine, et qui est maintenant en voie d’être renouvelé.
Ils ont vu des usines qui étaient autrefois les piliers de leurs communautés réduire leurs effectifs et trop souvent même disparaître, éliminant de bons emplois et détruisant un avenir prometteur pour la prochaine génération.
Nous avons vu une économie ancrée dans des emplois stables, et espéré que la prochaine génération fasse mieux que la dernière, se transformer en une économie de petits boulots, et les jeunes se demandent s’ils pourront un jour s’en sortir aussi bien que leurs parents.
Nous pouvons et devons faire mieux. La renégociation de l'ALENA offre au gouvernement fédéral une occasion historique qui ne doit pas être gâchée ou précipitée. L'établissement d’un nouveau programme commercial, en commençant par l’ALENA, qui priorise les besoins des travailleuses et travailleurs et de leurs communautés est essentiel pour bâtir un avenir solide pour les travailleurs de l’ensemble de l’Amérique du Nord.
Le gouvernement ne peut pas abandonner cet idéal simplement pour répondre à un quelconque programme politique étranger.
Il y a beaucoup trop d’enjeux pour se tromper ou pour s’attendre à ce que les travailleurs, leurs familles et leurs communautés acceptent et croient les vagues promesses d’une entente de principe qui pourrait être conclue cette semaine.
Les travailleuses et travailleurs ont déjà emprunté cette route auparavant dans le cadre d'accords commerciaux et il ne faut donc pas s’attendre à ce qu’ils vivent d’espoir et croient aux vaines promesses d’une entente de principe qui offre bien peu de détails pour appuyer ce qui devrait être de grandes promesses en matière d’emplois et de prospérité future.
Sans connaître les dispositions qui ont été négociées pour le secteur de l’automobile et les règles d’origine, par exemple, une importante cause de retard dans les négociations jusqu’à maintenant, il est impossible d’évaluer l’impact potentiel sur l’industrie ou les communautés qui comptent sur elle.
De même, les belles paroles d’une entente de principe sur la protection des droits des travailleuses et travailleurs sont dénuées de sens s’il n’existe aucun réel moyen d’action. Les travailleuses et travailleurs et leurs familles de ces trois pays ne méritent rien de moins.
Jusqu’à présent, l’ALENA a encouragé le mouvement d’un grand nombre d’emplois vers le Mexique en quête de salaires moins élevés. Une nouvelle entente qui permet aux travailleurs mexicains de continuer d’être payés une fraction de ce que les travailleurs canadiens et américains gagnent ne vaudra pas le papier sur lequel elle est rédigée.
Le Canada ne doit pas être contraint ou poussé à conclure une entente. La ronde de négociations actuelle, et manifestement cruciale, se fait discrète, et au lieu de la ronde habituelle de pourparlers à laquelle on s’attendait cette semaine, elle fait l’objet d’une surveillance encore plus grande de la part du public.
Ce n’est pas une façon de renégocier un accord commercial ayant un impact aussi considérable sur notre économie et des milliers d’emplois. Il s’agit de notre avenir. Il faut établir un nouveau modèle de règles commerciales mondiales. Le gouvernement fédéral doit bien faire les choses et prendre le temps nécessaire pour le faire.