
Il sera enfin possible de corriger quelques-uns des problèmes très sérieux de l’Accord de libre-échange nord-américain (ALENA), car le processus de renégociation sera officiellement lancé dans quelques semaines.
Cette possibilité s’offre à nous pour la toute première fois depuis l’entrée en vigueur de l’ALENA en 1994. Et il est fort peu probable qu’elle se représente de sitôt.
Il est donc impératif de bien faire les choses. Les priorités dévoilées par l’administration Trump en vue des pourparlers soulèvent maintes préoccupations pour les travailleurs au Canada, mais aussi aux États-Unis et au Mexique.
Malgré ses promesses audacieuses, Trump ne propose pas grand-chose pour aider les travailleurs.
L’année dernière, Trump a été élu en voguant sur la vague de ressentiment des travailleurs et en exploitant leur peur et leur amertume à l’égard des accords commerciaux et de leurs effets dévastateurs sur les emplois de qualité à la grandeur des États-Unis, en particulier dans l’industrie manufacturière.
Il a froidement excité les sentiments xénophobes dans les coins les plus sombres de son pays pour bâtir sa réputation de défenseur des travailleurs et des emplois de qualité. Il a promis de retirer les États-Unis du Partenariat transpacifique et de renégocier ou de déchirer l’ALENA, soutenant que les deux accords nuisaient à l’emploi.
Cette stratégie a fonctionné. Il a tiré parti du malaise grandissant au sujet du commerce, mis le feu aux poudres et remporté les élections.
Nous devons mettre les choses au clair. Donald Trump n’est pas le sauveur des travailleurs. À la lumière des propositions de son administration pour l’ALENA, il est évident que sa rhétorique électorale n’était que fanfaronnade.
Le programme corporatiste de Trump ne ferait que renforcer le pouvoir des grandes entreprises. Il évoque la possibilité de déplacer les dispositions sur le travail et l’environnement dans l’accord principal, sans toutefois donner des détails. Il fait aussi vaguement référence à la « participation des parties prenantes ».
Il ne mentionne aucunement de supprimer le chapitre 11, qui accorde aux sociétés le droit de poursuivre des gouvernements si une loi ou un règlement compromet leurs profits. Les grandes entreprises canadiennes ont tendance à avoir gain de cause dans ces affaires, le plus souvent au détriment des Canadiens.
Qui plus est, Trump a emprunté une page du PTP, qu’il avait pourtant abandonné avec fracas, pour critiquer notre système de gestion de l’offre, réclamer un élargissement des droits de brevet qui risque de faire augmenter le prix des médicaments au Canada et s’en prendre à nos règles sur la propriété étrangère dans le secteur des télécommunications.
Bref, il a simplement remplacé le PTP par une version plus courte de celui-ci, mais tout aussi discutable.
Nous ne pouvons pas permettre cela.
Pendant des dizaines d’années, des groupes progressistes, dont des syndicats et des ONG, ont souligné les nombreuses failles de l’ALENA. Ces derniers mois, ce message s’est transmué en propositions précises de la part de groupes de travailleurs, notamment, réclamant une refonte de l’ALENA et une nouvelle vision des accords commerciaux qui fait passer les travailleurs et l’environnement en premier.
Ces propositions doivent former la base du plan d’action du gouvernement canadien lorsqu’il entamera les négociations du 16 au 20 août à Washington.
Le gouvernement fédéral a affirmé qu’il souhaitait adopter un programme commercial progressiste à l’avenir. Pour ce faire, il doit exiger des règles rigoureuses et applicables sur le travail et l’environnement qui élèveront la barre pour tous, abolir le chapitre 11, actualiser les règles sur le commerce transfrontalier dans le secteur de l’automobile, protéger la gestion de l’offre et les industries culturelles, maintenir les règles sur la propriété étrangère dans le domaine des télécommunications, exclure les services publics de l’ALENA et concevoir un modèle équitable pour que les gouvernements puissent attribuer des marchés publics à leurs fournisseurs nationaux. Il doit également abolir l’obligation du Canada d’envoyer du pétrole et du gaz aux États-Unis, même en cas de pénurie.
En veillant à ce que les droits des travailleurs soient protégés par l’ALENA, notamment en subordonnant la libéralisation du commerce au respect scrupuleux des dispositions sur le travail, il sera possible d’éviter les instruments néfastes comme les droits de douane.
Depuis que l’ALENA est entré en vigueur et que le Canada a signé d’autres accords de libre-échange, les échanges commerciaux sont passés d’un excédent de 12 milliards de dollars à un déficit de près de 120 milliards de dollars dans l’industrie manufacturière. Il est clair que nous avons besoin d’une nouvelle approche au commerce qui répond aux besoins des travailleurs et de leurs familles, en commençant par l’ALENA.
Or, ne soyons pas dupes.
La colère à l’égard des emplois perdus et des perspectives réduites des jeunes est réelle et justifiée. Les groupes progressistes doivent travailler ensemble pour que le fort désir de changement de la population se traduise par un changement positif, et non l’élection d’autres personnages comme Trump.