
Comme la promesse du gouvernement de la Colombie-Britannique de créer des dizaines de milliers d’emplois dans une nouvelle industrie, le gaz naturel liquéfié (GNL), s’est envolée en fumée, l’industrie forestière, longtemps négligée, a enfin le potentiel de combler le fossé grandissant entre les zones densément peuplées, comme le Lower Mainland, et le reste de la province.
En quatre ans, le gouvernement provincial n’a proposé aucune politique concrète pour stimuler la croissance de l’emploi dans l’industrie forestière, bien qu’il la régisse et qu’il s’agisse historiquement du pilier économique de bien des régions rurales de la Colombie-Britannique.
La hausse du volume de bois non traité qui quitte la province tous les ans, ainsi que la contraction du nombre d’emplois par arbre coupé qui en résulte, est la conséquence la plus visible de ce laissez-faire.
Depuis la réélection du gouvernement de Christy Clark en 2013, près de 26 millions de mètres cubes de grumes, ayant une valeur de revente totale de plus de 3 milliards de dollars, ont été expédiés en dehors de la Colombie-Britannique. L’année dernière seulement, près de 6,3 millions de mètres cubes de grumes ont été exportés, une quantité suffisante pour construire 134 000 maisons, ou environ la moitié des maisons unifamiliales de Vancouver. Ces dernières années, bien plus de la moitié des grumes exportées provenaient de terres de la Couronne, plutôt que de terres privées, comme c’était la norme traditionnellement. Autrement dit, la majorité des grumes exportées provenaient de terres relevant de la compétence de la province.
En Colombie-Britannique, aucun autre gouvernement n’a sanctionné un niveau aussi élevé d’exportations de grumes ou n’a autant passé sous silence les conséquences de celles-ci. Or, il est grand temps que le silence ostensible du gouvernement soit brisé.
Une nouvelle étude publiée par le Centre canadien de politiques alternatives révèle que, si les grumes exportées l’année dernière avaient été transformées par des scieries de la province plutôt qu’ailleurs, 3 600 emplois supplémentaires auraient été créés, d’après une estimation prudente (et pour une fraction du coût d’investissement d’une seule usine de GNL).
Cette conclusion fait suite à d’autres études aussi menées par le Centre canadien de politiques alternatives qui démontrent de façon irréfutable que la Colombie-Britannique est profondément divisée entre des régions « riches », comme le Lower Mainland et la région de Victoria, où le nombre d’emplois a légèrement augmenté, et des régions « pauvres », c’est-à-dire le reste de la province. Le nombre d’emplois est légèrement en hausse dans les régions urbaines et populeuses, mais il est en baisse partout ailleurs. Le plan de création d’emplois de la première ministre, dont on a fait grand cas, ne remplit pas sa mission dans la majeure partie de la province.
Au cours des 10 dernières années, l’industrie forestière de la Colombie-Britannique a perdu 22 400 emplois, ou 27 % de ses emplois. Alors que ces emplois disparaissent, les arbres centenaires des forêts anciennes sont récoltés et expédiés dans leur forme la plus brute.
Près de 40 % du bois qui quitte la Colombie-Britannique sous forme de grume aujourd’hui provient de forêts anciennes. Le reste provient de peuplements de seconde venue, qui sont les forêts de l’avenir.
Il est aussi alarmant qu’une partie des principaux exportateurs de grumes de la province n’exploitent aucune scierie. Encore pire, une entreprise peut fermer une scierie existante et exporter des grumes à la place, selon les règles actuelles du gouvernement provincial.
Poursuivre dans cette voie nous conduirait à un désastre social, économique et environnemental à long terme. L’enjeu du bois doit faire partie de la conversation lors de la prochaine campagne électorale provinciale.
Cette conversation devrait se fonder sur le postulat que nous utilisons nos ressources naturelles d’une manière qui crée des milliers d’emplois pour les populations rurales et les communautés de Premières Nations, que ce soit des artisans qui produisent des œuvres d’art autochtones de grande valeur ou des travailleurs de scierie qui fabriquent les produits de bois servant à la construction de maisons et d’autres bâtiments.
Pour amorcer cette conversation, deux syndicats de l’industrie forestière, les Public and Private Workers of Canada et Unifor, et trois organisations de défense de l’environnement, l’Ancient Forest Alliance, Sierra Club de la Colombie-Britannique et le Wilderness Committee, demandent au gouvernement de passer à l’action en mettant en œuvre un plan simple à trois volets :
- interdire immédiatement l’exportation des grumes issues des forêts anciennes;
- imposer sur-le-champ des taxes qui augmenteront progressivement sur les exportations de grumes provenant des forêts de seconde venue pour encourager les investissements dans les scieries canadiennes;
- instaurer de nouvelles politiques visant à stimuler la fabrication à valeur ajoutée et l’emploi dans les régions rurales et les communautés de Premières Nations.
Il est temps que le gouvernement provincial mette fin à des années de politiques qui enlèvent de la valeur à nos forêts. Pourquoi les travailleurs d’ailleurs profiteraient-ils de notre capital naturel pendant que nos forêts et nos travailleurs de l’industrie forestière subissent les conséquences profondes et complètement inutiles d’une politique médiocre?
Scott Doherty est adjoint exécutif du président national d’Unifor, Jerry Dias. Ben Parfitt, qui analyse les politiques sur les ressources pour le bureau du Centre canadien de politiques alternatives en Colombie-Britannique, est l’auteur d’une nouvelle étude sur les exportations de grumes, consultable à l’adresse policynote.ca. Jens Wieting milite pour la forêt côtière pour le compte du Sierra Club de la Colombie-Britannique.