
Cette fin de semaine, une vaste coalition de travailleuses et travailleurs, de militantes et militants pour les droits des femmes, de travailleuses et travailleurs des droits de la personne, de groupes d’immigrantes et immigrants, de militantes et militants pour la communauté LGBTQ et de chefs syndicaux marcheront dans les rues de Winnipeg pour commémorer la transformation de notre pays qui a commencé dans ces mêmes rues il y a 100 ans. La grève générale de Winnipeg a commencé lorsque les opératrices téléphoniques de la ville, toutes des femmes non syndiquées, ont décidé de débrayer. En quelques heures seulement, plus de 30 000 travailleuses et travailleurs syndiqués et non syndiqués se joignaient à elles pour réclamer de meilleures conditions de travail et un meilleur salaire.
La Première Guerre mondiale venait de se terminer. Les profits énormes réalisés par les entreprises qui nourrissaient l'effort de guerre ne s’étaient pas répercutés encore dans la réalité des familles de la classe ouvrière là où elles travaillaient et vivaient. Les emplois, lorsqu’il était possible d’en trouver un, n’étaient pas bien rémunérés et les conditions de travail étaient dangereuses.
Les soldats revenant de la guerre se sont joints aussi aux grévistes. Ils étaient furieux de s’être battus pour leur pays et que ce dernier ne puisse leur offrir qu’une vie de pauvreté et de misère.
« En Allemagne, je me suis nourri d’herbe et de rats, a écrit un ancien combattant, dans le journal des grévistes. Je préférerais remanger de l’herbe plutôt que de renoncer à la liberté pour laquelle j’ai combattu et tant souffert. »
La grève prenant de l’ampleur, la ville a dû cesser ses activités. Un comité de grève a dirigé la ville, s’assurant que les services essentiels étaient fournis sans menacer la viabilité de la grève.
Les employeurs n’écoutaient pas les revendications des grévistes. Le gouvernement n’écoutait que les dirigeants. La grève a été violemment interrompue, après six semaines, mais son impact et son importance se font encore sentir un siècle plus tard.
Le fait est que les grévistes ont presque atteint leur objectif, si près en réalité que l’État s’est senti obligé de mettre fin à la grève par la force et la mort. La grève représentait une vaste coalition de travailleuses et travailleurs, d’immigrantes et immigrants, de travailleuses et travailleurs qualifiés et non qualifiés, syndiqués ou non syndiqués, et de soldats de retour au pays. Chacun d’entre eux a reconnu qu’ils n’étaient pas l’ennemi des uns et des autres, mais que c’étaient plutôt les employeurs et les gouvernements qui donnaient des ordres.
Une telle coalition était impensable pour plusieurs à l’époque et représentait une réelle menace pour le statu quo, non seulement pour un système économique profondément inégal, mais pour le mouvement syndical lui-même.
En 1919, il n’était pas courant que des employés qualifiés et non qualifiés travaillent ensemble. En réalité, les grands syndicats de l’époque se sont opposés à la grève. Dominées par les grands syndicats internationaux, les fédérations étaient menacées par un mouvement de la base comme la grève de Winnipeg. Ses racines dans une large coalition de tous les travailleurs et travailleuses de toutes les races constituaient un défi direct à l'importance qu'ils accordaient aux métiers spécialisés et aux politiques souvent racistes et sexistes.
À Winnipeg, les travailleuses et travailleurs se sont non seulement serré les coudes, mais ont également accueilli d’autres groupes, notamment des immigrants, des femmes et des soldats de retour au pays. Leur message a été entendu par les autres travailleuses et travailleurs, qui ont organisé des grèves de solidarité dans l’ensemble du Canada. La grève de Winnipeg a même retenu l’attention de la communauté internationale, inspirant des travailleurs du monde entier quant aux possibilités d’une véritable solidarité.
Leurs revendications allaient former la base du mouvement syndical au Canada pour les générations futures. Les difficiles leçons apprises dans les rues de Winnipeg ont amené les dirigeants issus de la grève à continuer de lutter pour les droits des travailleuses et travailleurs et une vie meilleure pour leur famille.
Au bout du compte, il aura fallu 30 autres années, une autre guerre et une autre génération de travailleurs revenant de la guerre pour que les choses commencent à s’améliorer.
La grève et ses principes fondamentaux continuent d’être une source d’inspiration encore aujourd’hui. Ce n’est pas la poursuite de nos intérêts personnels qui fait notre force, mais plutôt notre solidarité en tant que vaste coalition et nos efforts de lutte pour le bien de tous, et aussi longtemps qu’il le faudra, malgré ce que les patrons et les gouvernements cherchent à nous imposer.
Voilà pourquoi Unifor travaille fort pour s’assurer que les femmes, les communautés racialisées, la communauté LGBTQ, les personnes ayant une incapacité, les jeunes travailleuses et travailleurs, et les autres groupes en quête d’équité deviennent des fers de lance de notre syndicat et dans l’ensemble du mouvement syndical. Si Winnipeg a prouvé quoi que ce soit, c’est bien qu’une véritable force et un réel changement ne sont possibles que lorsque nous décidons de lutter ensemble et de s’unir.