
La fin de semaine dernière, le Parti conservateur semble croire qu’il a trouvé la solution pour reconquérir les électeurs qui ont catégoriquement rejeté ses politiques néfastes et destructrices il y a 18 mois : en peignant un sourire sur le visage de son chef.
En choisissant Andrew Scheer comme nouveau chef, les conservateurs fédéraux ont envoyé le signal clair qu’ils chérissaient encore les politiques de leur ancien chef, voire son style. En effet, le consensus qui se dégage du congrès du Parti conservateur est le suivant : Scheer « n’incarne aucune rupture radicale avec l’ère Harper » et « ne remet pas en cause l’orthodoxie conservatrice ».
Scheer a lui-même dit que le ton des communications, et non les idées, des conservateurs était le principal problème du parti.
« Nous devons simplement faire davantage d’efforts pour que nos politiques trouvent un écho sur le plan pratique parmi les gens ordinaires », a-t-il déclaré à Global News.
Il fait totalement erreur.
Les politiques du Parti conservateur étaient le problème, pas la manière dont elles étaient présentées. Le ton était sans contredit mesquin, mais il y avait autre chose. Les politiques du Parti conservateur, qui fragilisaient l’industrie manufacturière, qui acceptaient des accords commerciaux motivés par des considérations idéologiques et qui sabraient les dépenses en santé et en éducation, étaient mesquines en soi.
C’étaient les politiques de saccage des services publics et de mépris à l’égard des droits des travailleurs et de la démocratie que la population canadienne a rejetées en montrant la porte aux conservateurs en 2015. Les sourires et les fossettes de Scheer, pour lesquels il est reconnu, ne sauront masquer le fait que le parti est carrément déconnecté des idées progressistes de la vaste majorité des Canadiens.
Lors des dernières élections, plus des deux tiers des Canadiens ont voté pour un parti autre que le Parti conservateur. Les électeurs n’étaient pas à la recherche d’un message plus amical. Ils cherchaient plutôt à mettre un terme aux politiques rétrogrades des conservateurs, qui constituaient une attaque fondamentale contre leurs droits et qui favorisaient l’élite.
En réalité, à de nombreux égards, Scheer représente le stratagème le plus dangereux des conservateurs, malgré son air enjoué.
Les positions qu’il a adoptées à la Chambre des communes révèlent une vision sociale conservatrice sur le mariage, les droits des LGBTQ et l’avortement, entre autres, laquelle est totalement décalée par rapport à la majorité des Canadiens. Les groupes anti-avortement considéraient sa feuille de route comme « impeccable », mais ils ont refusé de l’appuyer après qu’il a dit à des journalistes qu’il ne rouvrirait pas le débat sur l’avortement s’il était élu.
Les conservateurs ont été séduits par la promesse de Scheer de réduire le financement des établissements d’enseignement postsecondaire où les étudiants avaient manifesté contre des orateurs de la droite. Il invoque la défense de la liberté de parole, mais comment des compressions en éducation peuvent-elles être bénéfiques, surtout pour le libre échange d’idées?
D’un autre point de vue, on croit aussi que Scheer a remporté la course à la chefferie, par une infime marge à l’issue d’un vote préférentiel qui a nécessité 13 tours, en ralliant les conservateurs dont les premiers et deuxièmes choix s’étaient retrouvés hors-jeu.
Dans l’un de ses derniers discours à titre de chef intérimaire, Rona Ambrose a indiqué que rien ne clochait avec les politiques adoptées par son parti lorsqu’il était au pouvoir, et continuait d’appuyer. Elle a dit à la foule qu’elle avait invitée à un déjeuner de travail que les Canadiens leur avaient demandé de changer de ton et qu’ils les avaient écoutés.
Le parti n’a toujours rien compris si c’est ce que sa direction, passée ou actuelle, croit. Les électeurs ont rejeté le message conservateur, pas la façon dont il était communiqué.
C’est une insulte pour les électeurs de supposer que le large sourire du chef de parti le plus jeune au pays est suffisant pour faire oublier des politiques qui nuisent à la plupart des travailleurs au Canada.
Les Canadiens comprennent que les politiques commerciales qui fragilisent l’industrie manufacturière et qui confèrent trop de pouvoir aux sociétés sont néfastes pour eux et leur collectivité. Ils comprennent que les compressions en santé leur causent du tort lorsqu’ils sont en difficulté et vulnérables.
Les travailleurs d’un océan à l’autre savent que les attaques contre les droits des syndicats ne font qu’affaiblir l’influence collective et le pouvoir de négociation nécessaires pour élever la barre, contrer la précarité du travail et défendre les droits des travailleurs étrangers temporaires.
Bref, les Canadiens savent ce qui clochait avec le programme conservateur, et ce n’était pas la façon dont il était présenté.
Le Parti conservateur a peut-être troqué le rictus de Harper contre un sourire, mais les Canadiens voient ce qui se cache derrière le masque.