
En général, les députés d’un parti politique au pouvoir depuis 10 ans ont tendance à être arrogants et à se croire tout permis. La situation en Saskatchewan en est un exemple patent.
Dernièrement, Unifor a qualifié le premier ministre de la Saskatchewan, Brad Wall, de menteur. Il n’y a pas de pire insulte pour un politicien, dont la carrière repose sur la confiance. Unifor est-il allé trop loin ou Brad Wall mérite-t-il en effet ce qualificatif?
L’accusation selon laquelle Brad Wall a menti à l’électorat est basée sur des faits : les déclarations publiques de celui-ci lors de la campagne électorale de 2016, le projet de loi adopté par son gouvernement au printemps 2017 et les nouvelles révélations voulant que ses ministres soient activement à la recherche d’acheteurs pour certains biens publics, dont les sociétés de la Couronne de la province.
Laissez-moi récapituler et vous expliquer pourquoi Brad Wall mérite le titre de menteur. Tout a commencé par un moment plutôt prévisible de la campagne électorale 2016. Le 15 mars 2016, Cam Broten, alors chef du NPD de la Saskatchewan, a demandé à Brad Wall de confirmer si le Parti saskatchewanais avait l’intention ou non de liquider les sociétés de la Couronne de la province. Depuis des décennies, la position du NPD sur les sociétés de la Couronne de la Saskatchewan était l’une des principales différences qui le distinguaient des parties de droite dans la province.
Le NPD voulait souligner le fait qu’un grand nombre d’entités ou de biens publics avaient été privatisés pendant les neuf premières années de Brad Wall au pouvoir. Il voulait aussi solidifier sa position en tant que défenseur des sociétés de la Couronne en Saskatchewan.
Par le passé, en réaction à cette tactique, le Parti saskatchewanais avait laissé entendre qu’il envisageait la privatisation (ce qui lui avait sans doute coûté la victoire aux élections de 2003) ou adopté la position populiste de garder les plus grandes sociétés de la Couronne entre les mains du gouvernement.
Ce jour-là, Brad Wall a semblé prendre la même tangente que lors des élections précédentes. Dans une entrevue à la SRC, il a affirmé ce qui suit :
« Nous avons souscrit à une loi qui s’intitule Loi sur la protection des sociétés de la Couronne, ou qui va en ce sens. Au fond, elle protège les sociétés d’État contre la privatisation. Si nous sommes élus, nous n’y apporterons qu’une modification, et ce sera à la vente d’alcool au détail dans la province. Par ailleurs, nous l'avions déjà annoncé. » (NDP vows not to sell off Crown corporations, CBC.ca, 15 mars 2016)
C’était clair comme de l’eau de roche. L’homme même qui souhaitait être réélu premier ministre de la Saskatchewan a explicitement mentionné que la loi empêchant la privatisation des sociétés de la Couronne demeurerait inchangée, à l’exception des dispositions sur la distribution d’alcool.
Brad Wall a même énuméré les sociétés de la Couronne qui seraient protégées :
« [La Loi] sera-t-elle modifiée à l’égard de [SaskTel]? Non. SaskPower? Non. SaskEnergy? Non. SGI? Non. Pour ce qui est de nos principales sociétés de la Couronne, nous ne la modifierons pas si nous sommes réélus. » (NDP vows not to sell off Crown corporations, CBC.ca, 15 mars 2016)
Les déclarations de Brad Wall n’avaient rien d’ambigu. Il a dit aux électeurs qu’il ne privatiserait pas les sociétés de la Couronne s’ils votaient pour lui.
Dans le prolongement de l’entrevue, un journaliste de la SRC qui était apparemment sceptique a envoyé un courriel à la permanence du Parti saskatchewanais pour s’assurer qu’il avait bien entendu. Trois fois plutôt qu’une. Et il a obtenu une confirmation :
« Dans un courriel adressé à la SRC, un représentant du Parti saskatchewanais a précisé que son parti ne privatiserait pas les sociétés de la Couronne indiquées dans la Loi de 1993 sur les sociétés de la Couronne. » (NDP vows not to sell off Crown corporations, CBC.ca, 15 mars 2016)
Affaire classée? Les électeurs qui souhaitaient que les sociétés de la Couronne de la Saskatchewan demeurent publiques pouvaient voter pour Brad Wall en toute confiance, n’est-ce pas?
Eh bien, non!
Six mois à peine après les élections, le Parti saskatchewanais a déposé le projet de loi 40, qui autorisait la privatisation de 49 % de n’importe quelle société de la Couronne du Saskatchewan. Les membres du cabinet se sont immédiatement mis à chercher des acheteurs, comme le ministre responsable des sociétés de la Couronne l’a récemment admis à CTV.
Brad Wall a donc menti. Qu’est-ce qui est en jeu maintenant?
Les nombreuses sociétés de la Couronne de la Saskatchewan, berceau des services publics, sont prospères et prisées. Elles permettent aux Saskatchewanais de réduire leurs coûts d’énergie et leurs factures de téléphone tous les jours. Les services publics essentiels tels que les hôpitaux et les écoles sont financés en partie par les dividendes provenant des sociétés de la Couronne. Enfin, elles représentent une source d’emplois syndiqués de qualité dans la province.
D’après un sondage réalisé par Unifor en 2016, 87 % des habitants de la Saskatchewan croient qu’il est important que le gouvernement possède et exploite lui-même les sociétés de la Couronne.
Unifor n’exagère pas en traitant Brad Wall de menteur. Il se fie à l’écart entre ses déclarations publiques et ses actions postélectorales.
Sa malhonnêteté affaiblit les résultats des élections 2016 et menace les fondations de l’économie de la Saskatchewan. Compte tenu de ses mensonges pendant la campagne électorale, il n’a pas le mandat de mettre en branle la privatisation des sociétés de la Couronne. Il doit démissionner et déclencher des élections s’il a l’intention de privatiser réellement des sociétés de la Couronne.