
Le commerce est en passe de devenir le principal sujet du débat public au Canada.
Le commerce avec les États-Unis et le Mexique, le commerce avec les pays autour du Pacifique, le commerce avec l'Europe, le commerce avec la Chine, le commerce dans le secteur de l'automobile et des pièces automobiles, le commerce dans le secteur des produits laitiers, le commerce dans le secteur de la culture… le commerce est indéniablement le sujet de discussion de l’heure.
Pensons à la renégociation actuelle de l’Accord de libre-échange nord-américain entre le Canada, les États-Unis et le Mexique. La dernière ronde des pourparlers a commencé cette semaine.
Comme si ce n’était pas assez, le gouvernement canadien a annoncé la semaine dernière qu’il sollicitait l'avis du public sur la relance du Partenariat transpacifique présentement au point mort. En même temps, l’accord commercial avec l’Europe, c’est-à-dire l’AECG, est maintenant partiellement en vigueur et le Canada examine la possibilité de signer un pacte commercial avec la Chine.
En bref, les accords commerciaux semblent être partout, et il est essentiel que la gauche progressiste au Canada reste active et vigilante devant toutes les menaces que pourraient poser les accords commerciaux.
Pendant trop longtemps, les accords commerciaux ont été rédigés pour servir les besoins des entreprises et les riches investisseurs, dans l’espoir qu’il y aurait des effets de retombées sur les travailleurs et leurs communautés.
Mais cette prévision ne s’est pas réalisée. À la place, le libre-échange n’a fait qu’entraîner un nivellement vers le bas qui a dressé les travailleurs les uns contre les autres. Le fait de faciliter à moindre coût le commerce transfrontalier des entreprises leur a donné plus de pouvoir sur leurs travailleurs. Ce type de « discipline liée au libre-échange » est évident en ce moment à l’usine de production du véhicule Equinox à Ingersoll, en Ontario, alors que General Motors a annoncé avec arrogance qu’elle redoublerait ses efforts de production du véhicule au Mexique en réaction à la grève de nos membres qui demandent une plus grande sécurité d’emploi. GM va répondre à la demande du marché nord-américain pour les véhicules Equinox simplement en les exportant du Mexique plutôt que du Canada, sans tarif douanier en vertu de l’ALENA. La compagnie peut menacer les travailleurs canadiens sans aucune impunité.
En revanche, le PTP n’a jamais été un accord positif pour le Canada, mais on avait dit aux Canadiennes et Canadiens que le pays devait conclure un accord parce que nous ne pouvions permettre aux États-Unis d’avoir un accès privilégié au commerce de la région.
Lorsque les États-Unis se sont retirés, on croyait que l'accord était mort. Maintenant, le gouvernement fédéral semble avoir un nouveau plan et nous demande s'il devrait relancer le PTP avec les autres pays.
En un mot, non. Nous ne devrions pas relancer le PTP. Le Canada devrait plutôt concentrer ses efforts sur la refonte de l’ALENA. C’est l’occasion de rétablir les priorités commerciales du Canada et de rédiger un nouveau modèle pour les accords commerciaux à l’avenir.
Unifor et d’autres syndicats, ainsi que des ONG progressistes, ont mis de l’avant plusieurs idées audacieuses sur comment corriger les failles de l’ALENA et réformer les règles du commerce international. À son crédit, le gouvernement Trudeau a pris position sur d’importantes questions sociales. Des positions vigoureuses et positives ont été prises sur les droits des travailleurs. Toutefois, il reste encore beaucoup d’éléments négatifs dans les accords commerciaux. Comme toujours, nous devons faire mieux.
J’ai eu la chance de faire partie de l’équipe de conseillers auprès des négociateurs canadiens pendant les pourparlers de l’ALENA. En tant que dirigeant syndical, il n’est pas surprenant que je sois souvent sollicité pour commenter les questions liées au travail.
Tous les travailleurs, peu importe où et qui ils sont, méritent un emploi décent. Les accords commerciaux ont empêché les droits des travailleurs de progresser en accordant trop de pouvoir aux grandes entreprises et en établissant des protections insignifiantes. Des changements en profondeur doivent être apportés.
Rien de tout cela ne peut être réglé par une clause ou un chapitre ici et là, qu'il s'agisse de droits des travailleurs, de l'égalité des genres, de l'environnement ou des droits des Autochtones. L’engagement de mettre en avant les intérêts des gens avant ceux des entreprises doit être à la base même des accords commerciaux modernes.
Pendant trop longtemps, les accords commerciaux n’ont pas vraiment porté sur le commerce, mais ont plutôt visé à restreindre le rôle des gouvernements à établir des politiques sociales ou à influencer le développement économique. Ayant vu de près les négociations de l'ALENA, j'ai pu constater à quel point ce point de vue est ancré dans les pourparlers. Pour véritablement aborder les lacunes de nos accords commerciaux et répondre aux besoins d'équité de notre société, cette réalité doit changer.
Alors que le Canada défend son programme commercial, nous avons tous besoin que les voix progressistes, individuelles et collectives, s'expriment et soient prêtes à se faire entendre haut et fort. Il est temps maintenant de faire entendre nos voix et de contribuer à ce que les prochains accords commerciaux aident à bâtir des communautés plus équitables pour tous.