
L'envie de se débarrasser d'un gouvernement en place en période électorale peut non seulement être forte, mais elle peut aussi être dangereuse. Partout au Canada cette année, ce danger est grand.
Le Canada se prépare à des élections possiblement porteuses de changement cette année – des élections fédérales sont prévues l'automne prochain et le premier gouvernement néo-démocrate de l'Alberta devra livrer une lutte acharnée pour se faire réélire ce printemps. Des élections vont aussi avoir lieu à Terre-Neuve-et-Labrador et à l'Île-du-Prince-Édouard, et peut-être même au Nouveau-Brunswick.
En Alberta et à Ottawa, les chefs politiques progressistes se heurtent à l'opposition des politiciens conservateurs qui feraient reculer le pays de plusieurs décennies s'ils prenaient le pouvoir.
Nous ne pouvons les laisser faire. Avant de succomber à l'envie de chasser tout parti au pouvoir, il est de leur devoir – et de celui du pays – d'en savoir le plus possible pour qui ils votent.
Le chef du Parti conservateur fédéral Andrew Scheer et le chef du Parti conservateur uni de l'Alberta, Jason Kenney, faisaient tous deux partie du désastreux gouvernement Harper à Ottawa et aspirent tous deux à prendre le pouvoir aujourd'hui en proposant des plateformes électorales qui nuiraient aux travailleuses et travailleurs ordinaires.
Pas plus tard que cette semaine, M. Kenney a dit qu'il abrogerait la sécurité au travail, les normes d'emploi et la protection contre les blessures pour les travailleurs agricoles en Alberta.
La semaine dernière, à l'occasion de la Journée internationale des femmes, il a essuyé des critiques lorsqu'il a semblé prétendre que les femmes politiciennes ne sont pas aussi compétentes que les hommes.
C’était le bon moment.
En fait, si vous cherchez sur Google « Kenney sous le feu des critiques », vous obtiendrez des nouvelles au sujet d'un tollé sur ses dépenses de logement, des démentis selon lesquels Kenney aurait tenté à tort de critiquer un candidat du NPD en l'appelant un gai de 19 ans et un candidat du PCU qui remettait en question la légitimité du changement climatique, pour ne citer que quelques cas.
Pendant ce temps, un gouvernement de l'Alberta dirigé par Kenney réduirait les impôts de 700 millions de dollars pour le 1 p. 100 le plus riche de la province, avec des réductions dans les secteurs de l'éducation et de la santé pour tous les autres.
C'est l'homme que les Albertains éliraient s'ils votent contre la première ministre du NPD, Rachel Notley.
Mme Notley a été une ardente défenseure de sa province et a apporté des réformes indispensables aux lois du travail de l'Alberta, notamment un salaire minimum de 15 dollars et des services de garde d'enfants abordables, parmi d'autres réformes.
Malgré cela, un désir de changement pourrait l'obliger à quitter le pouvoir, comme si elle était à blâmer pour les bas prix du pétrole qui ont nui à l'économie de la province.
Comme Kenney, Scheer semble espérer pouvoir devenir premier ministre simplement en critiquant la titulaire actuelle du poste et en espérant apparemment que les électeurs ne remarquent pas tous les signes troublants du genre de chef qu'il serait.
Les électeurs doivent toutefois se rappeler qu'il s'agit d'un homme qui s'est tenu fièrement aux côtés des soi-disant manifestants en gilet jaune lorsqu'ils sont arrivés sur la Colline du Parlement, malgré les commentaires racistes très médiatisés au sujet des immigrants et des réfugiés de la part des membres de ce groupe.
La semaine dernière, Scheer a affirmé qu'il n'avait pas entendu un commentaire sur la théorie discréditée de la conspiration du « pizzagate » lors d'une assemblée publique en Ontario, et s'est fait critiquer pour ne pas avoir rapidement dénoncé ce commentaire. Une caricature politique cette semaine a même surnommé son parti le Parti de la conspiration du Canada.
L'Ontario constate actuellement le danger de permettre qu'un soi-disant désir de changement guide la façon dont les gens votent. En moins d'un an au pouvoir, le premier ministre de l'Ontario, Doug Ford, a abrogé des réformes indispensables du droit du travail, a rétabli un programme désuet d'éducation sexuelle et fait adopter des réformes en matière de santé qui, selon les critiques, jettent les bases de la privatisation.
Il a également réduit le financement nécessaire pour aider les enfants autistes, annulé les plans de campus satellites de trois universités pour les familles des régions mal desservies, retiré le financement de la première université francophone de la province et éliminé les frais de scolarité gratuits pour les étudiants défavorisés de niveau postsecondaire tout en rendant l'aide financière plus difficile à obtenir.
Pour plusieurs, la défaite précédente des conservateurs comme Stephen Harper au fédéral, Jim Prentice en Alberta et Tim Hudak en Ontario semblait saluer le début d'une nouvelle ère progressiste dans ce pays. La montée en puissance de Ford et les menaces que représentent Kenney et Scheer montrent toutefois que la lutte pour un Canada qui accorde la priorité aux besoins des travailleuses et travailleurs est loin d'être terminée.
Cette année, où que vous viviez et quel que soit votre désir de changement, examinez attentivement ce pour quoi vous votez – et faites plus que simplement voter contre quelque chose ou quelqu'un.