Mémoire d’Unifor au Gouvernement du Canada sur les pratiques commerciales injustes de la Chine

Pour assurer le développement et la durabilité de notre chaîne d’approvisionnement en technologies propres

Mémoire présenté dans le cadre des consultations du gouvernement du Canada sur de possibles surtaxes en réponse aux pratiques déloyales de la Chine dans les secteurs de fabrication essentiels

 

Division de la politique commerciale internationale
(consultation sur les secteurs de fabrication essentiels)

Ministère des Finances

 

Introduction

Unifor est le plus grand syndicat du secteur privé au Canada, représentant 320 000 travailleuses et travailleurs dans tous les grands secteurs d’activité. Unifor est également le syndicat des travailleuses et travailleurs de l’automobile du Canada, puisque plus de 40 000 de ses membres travaillent dans des usines de montage de véhicules lourds et légers et de groupes motopropulseurs, dans la fabrication et la distribution de pièces de véhicules automobiles, ainsi qu’en ingénierie, dans des bureaux et comme agentes et agents de sécurité. Des milliers d’autres membres d’Unifor travaillent pour des concessionnaires de véhicules automobiles et des entreprises d’entretien de véhicules dans tout le pays, ainsi que dans d’autres nœuds essentiels de la chaîne d’approvisionnement de l’automobile et des véhicules électriques au Canada, notamment dans le secteur minier et le secteur de la fabrication de produits chimiques. 

Au cours des derniers mois, Unifor a présenté au gouvernement du Canada trois mémoires contenant des recommandations sur la politique commerciale et tarifaire du Canada. Le premier de ces mémoires, destiné au ministère des Finances, portait sur les réponses stratégiques possibles aux pratiques commerciales déloyales de la Chine concernant les véhicules électriques[1]. Destiné au ministère des Affaires mondiales, le deuxième mémoire d’Unifor concernait les nouvelles mesures possibles pour défendre et faire avancer les intérêts du Canada en matière de sécurité économique[2]. Le troisième, également destiné au ministère des Finances, concernait l’imposition de surtaxes sur les produits d’acier et d’aluminium chinois[3]. Ces mémoires présentés par Unifor, et certaines des recommandations qu’ils contenaient, peuvent être appliqués directement à cette dernière consultation sur les pratiques commerciales déloyales de la Chine dans les secteurs de fabrication essentiels. C’est pourquoi Unifor réitère ci-dessous toutes les recommandations pertinentes à la présente consultation.

Recommandations d’Unifor au gouvernement du Canada

  1. Étendre les surtaxes imposées en vertu de l’article 53 aux produits stratégiques de batteries des véhicules électriques, notamment ceux qui correspondent aux tarifs douaniers de l’article 301 des États-Unis 
  • Unifor se réjouit de voir que le ministère des Finances a inscrit les batteries au lithium-ion dans sa proposition de liste des marchandises chinoises assujetties à une surtaxe en vertu de l’article 53, y compris les batteries pour VE (SH 8507.60.10) et les batteries pour motocyclettes électriques (SH 8507.60.20). L’imposition d’une surtaxe de 25 % sur ces produits et sur d’autres produits de batteries désignés harmoniserait les efforts du Canada avec ceux des États-Unis et donnerait suite à la recommandation formulée dans notre mémoire du 1er août 2024.  

  1. Élargir la liste de marchandises proposée à l’annexe 1 pour y inclure les composants critiques des batteries et des véhicules électriques
  • Le Canada a un intérêt stratégique à protéger ses investissements nationaux dans la chaîne d’approvisionnement des batteries de véhicules électriques, notamment au moins neuf grandes usines novatrices destinées à produire des cellules, des modules, des groupes, des séparateurs de batterie et des matériaux précurseurs (voir l’annexe 1), ainsi que des milliers d’emplois directs. Ces usines phares, dont l’usine NextStar à Windsor, en Ontario, desserviront l’industrie nord-américaine des véhicules électriques et généreront d’autres investissements dans la fabrication et la transformation en amont et des milliers d’emplois indirects. Il est essentiel de protéger ces investissements contre les importations chinoises, puisque la Chine surproduit intentionnellement depuis quelques années des cellules de batterie au lithium-ion et des matériaux pour batteries, ce qui menace la viabilité de nos futures usines de production si cette surproduction sature les marchés d’exportation[4]
  • La cellule de batterie est l’un des éléments clés de la chaîne d’approvisionnement des véhicules électriques du Canada, qui est en plein développement. Toutefois, des milliers d’emplois sont liés à la future production de composants critiques de batterie, qui méritent eux aussi d’être protégés en vertu de l’article 53. Ces composants comprennent notamment :

    • Matériaux actifs pour cathodes

    • Anodes

    • Séparateurs 

    • Électrolytes 

  • En outre, pour garantir les emplois et la production dans les usines de montage de groupes motopropulseurs déjà en place au Canada (c’est-à-dire celles qui produisent des moteurs, des transmissions et des pièces usinées connexes), il est impératif que ces installations soient réoutillées pour produire de nouveaux programmes de groupes motopropulseurs électriques, à mesure que diminuera la demande de moteurs à essence[5]. Étant donné la nécessité stratégique de produire ces produits au Canada, Unifor recommande que le gouvernement impose des droits de douane en vertu de l’article 53 sur les produits critiques suivants :
    • Moteurs électriques

    • Aimants 

    • Capteurs

    • Actionneurs

  • Enfin, comme la technologie des cellules de batterie pour les véhicules électriques continue de progresser et que de nouvelles technologies et de nouveaux composants chimiques sont utilisés pour les batteries, il incombe au gouvernement fédéral de surveiller et d’agir (si nécessaire) au cas où ces produits constitueraient une menace pour l’industrie nationale du Canada, qu’ils proviennent de Chine ou d’ailleurs. Cela inclut le développement de composants chimiques pour les batteries : nickel-métal-hydrure, sodium-ion, lithium-soufre, lithium-nickel-manganèse, halogénure de zinc, électrolyte solide. 
  1. Ajouter le nickel et le cuivre à la liste proposée des minéraux critiques assujettis aux surtaxes de l’article 53
  • L’extraction et le traitement du nickel et du cuivre au Canada jouent un rôle stratégique important dans le secteur minier, notamment au sein de la chaîne d’approvisionnement des véhicules électriques et des batteries.  Cependant, le Canada fait face à d’importantes menaces de la part de la Chine et d’entités sous contrôle chinois dans d’autres parties du monde. L’Indonésie, par exemple, fournit plus de la moitié du nickel utilisé dans le monde, dont la plus grande partie est contrôlée par des sociétés minières chinoises[6]. Outre les préoccupations environnementales majeures liées à ses pratiques minières[7], la forte augmentation de la production de nickel en Indonésie a eu une incidence sur les cours mondiaux et les emplois dans le secteur minier. Et malgré les promesses faites au début de l’année de réduire la production de cuivre raffiné de ses fonderies, l’expansion de la Chine dans le secteur des produits de cuivre transformés a eu des effets néfastes similaires sur les cours mondiaux ces derniers mois.    

  • Le Canada doit inclure le nickel et le cuivre dans sa liste des minéraux critiques assujettis aux surtaxes de l’article 53 et fixer ces surtaxes à 25 % au-dessus du taux de la nation la plus favorisée (NPF). 
  • Unifor recommande d’appliquer les codes SH suivants :

2604.00

 

7504.00

7508.00

7403.00

7407.00

7411.00

7415.00

7419.00

7501.00

 

7505.00

2603.00

7404.00

7408.00

7412.00

7416.00

 

7502.00

 

7506.00

7401.00

7405.00

7409.00

7413.00

7417.00

 

7503.00

 

7507.00

7402.00

7406.0

7410.00

7414.00

7418.00

 

  1. Développer le secteur canadien des minéraux critiques en soutenant la transformation faite au Canada et en mettant en place des mécanismes de contrôle des exportations

  • Les minéraux critiques sont essentiels au plan du Canada pour une croissance économique à faible intensité de carbone. Dans son Plan pour les minéraux et les métaux, le Canada se présente comme un chef de file de l’exploitation minière et reconnaît que ces matières premières sont indispensables à la sécurité économique. Dans le contexte du développement du secteur des batteries et des matériaux pour batteries, par exemple, l’accès à ces minéraux représente un avantage industriel considérable.
  • Le Canada doit développer au maximum la valeur de ces ressources afin d’atteindre ses objectifs en matière d’économie, de croissance de l’emploi et de durabilité. L’affectation, dans le budget de 2022, d’un financement de 3,8 milliards de dollars pour accélérer la production et le traitement des minéraux critiques était une première étape importante, mais la mise en œuvre des procédés industriels (allant d’une nouvelle exploitation minière à la transformation) avance lentement. 
  • Comme le recommande Unifor dans sa politique de développement du secteur de l’automobile (2022) intitulée Tracer la voie vers la reconstruction du puissant secteur canadien de l’automobile[8], , le gouvernement doit tenir compte des possibilités de traitement au pays et des accords de traitement avant d’accorder des permis d’exploration minière et de mise en valeur des minéraux.  Ce processus peut exiger des sociétés minières de démontrer qu’elles font des efforts pour conclure des accords de ventes ou d’autres accords d’approvisionnement avec des entreprises de traitement et des raffineries établies au Canada. En outre, les gouvernements doivent intensifier leurs efforts pour simplifier les échéanciers et améliorer les délais en ce qui concerne le système des travaux d’évaluation de la prospection de minéraux ainsi que les processus de délivrance de permis, tout en gardant en place des mesures de protection strictes pour l’environnement et des normes du travail élevées, en plus d’exiger le respect de la souveraineté et des droits des Autochtones.   
  • Alors que fluctue la demande mondiale pour les véhicules électriques, les batteries et d’autres composants connexes, les gouvernements doivent jouer le rôle d’un filet de sécurité stratégique et stabilisateur pour un marché de minéraux critiques en plein essor.   Par conséquent, les gouvernements doivent envisager la possibilité d’acheter et de stocker des minéraux critiques, qu’ils pourront par la suite rediriger vers des entreprises de traitement avec des mesures d’incitation pour les encourager à installer des usines au Canada. 
  • Comme Unifor l’indique dans le mémoire présenté au ministère des Affaires mondiales, le Canada doit exercer une surveillance rigoureuse pour se protéger contre la propriété et le contrôle étrangers des minéraux critiques et des capacités de traitement, notamment en tirant parti des mesures de protection découlant de la Loi sur Investissement Canada (LIC) et en élargissant ces protections en fonction des besoins.  On ignore cependant si les modifications récemment apportées à la LIC, par le projet de loi C-34, permettront d’élargir suffisamment les paramètres d’essai déterminant l’« avantage net » pour empêcher les entités sous contrôle étranger d’avoir accès aux ressources canadiennes essentielles (comme ce fut le cas lorsque Paper Excellence a pris le contrôle des ressources forestières du pays).  S’il y a d’autres failles de ce genre dans la LIC, il est important de les corriger. 
  • Le Canada doit également identifier ses 34 minéraux critiques visés par sa Loi sur les licences d’exportation et d’importation, afin d’employer les contrôles commerciaux existants, le cas échéant, d’assurer l’utilisation et le déploiement stratégiques des minéraux critiques et de maximiser leurs retombées sur la population et l’économie canadiennes. 

Conclusion

Unifor a applaudi[9] la décision du gouvernement du Canada d’imposer des surtaxes temporaires en vertu de l’article 53 sur des importations ciblées de véhicules électriques chinois, qui sont entrées en vigueur le 1er octobre 2024. L’utilisation stratégique de ces politiques commerciales, qui servent de garde-fous pour assurer la croissance des industries stratégiques, axées sur une croissance propre et tournées vers l’avenir, est un élément essentiel de la stratégie industrielle du Canada.   


[1] Voir le mémoire d’Unifor (1er août 2024), Pour une industrie automobile canadienne dynamique et durablehttps://www.unifor.org/sites/default/files/documents/UniforSubmission-EVconsult-August12024-FR-v2.pdf 

 

[2] Voir le mémoire d’Unifor présenté à Affaires mondiales Canada (23 septembre 2024), Accroître les efforts du Canada pour élaborer des stratégies industrielles et promouvoir la sécurité économique. 

 

[3] Voir le mémoire d’Unifor (20 septembre 2024), Pour une industrie canadienne de l’acier et de l’aluminium prospère et durable https://www.unifor.org/sites/default/files/documents/Steel-Aluminum%20Consult-Unifor-Final-FR.pdf 

 

[4] Danny Lee, Bloomberg News : China Moves to Cool Battery Boom Amid Overcapacity Concerns, (8 mai 2024). https://www.bloomberg.com/news/articles/2024-05-08/china-moves-to-cool-battery-boom-amid-overcapacity-concerns

[5] Voir l’article sur les membres d’Unifor à l’usine GM de St. Catharines, qui assurent leur avenir avec des moteurs électriques, https://www.unifor.org/fr/nouvelles/toutes-les-nouvelles/les-membres-dunifor-lusine-gm-de-st-catharines-assurent-leur-avenir 

[6] Niall McGee, Globe and Mail : Nickel from China, Indonesia could face tariffs over market manipulation concerns, Ottawa says, (7 mars 2024). https://www.theglobeandmail.com/business/article-wilkinson-nickel-critical-minerals-china-indonesia/ 

[7] Reuters, Foreign-backed nickel hub in Indonesia causing mass deforestation – Rapport (18 janvier 2024). https://www.reuters.com/sustainability/land-use-biodiversity/foreign-backed-nickel-hub-indonesia-causing-mass-deforestation-report-2024-01-18/

[8] Unifor, Tracer la voie vers la reconstruction du puissant secteur canadien de l’automobile (août 2022)
https://assets.nationbuilder.com/unifortheunion/pages/3369/attachments/…   

[9] Unifor applaudit l’action du gouvernement sur les importations déloyales de véhicules électriques, d’acier et d’aluminium en provenance de Chine (1er octobre 2024) https://www.unifor.org/fr/nouvelles/toutes-les-nouvelles/unifor-applaudit-laction-du-gouvernement-sur-les-importations-0