Maintenir nos collectivités en mouvement Politique nationale d’Unifor en matière de transport en commun

Sommaire exécutif

Le Canada est le seul pays du G7 à ne pas avoir de stratégie nationale en matière de transport en commun. En tant que plus grand syndicat du secteur privé au Canada, ayant une voix et une influence politiques fortes, il nous appartient de veiller à ce que toute stratégie de transport en commun élaborée soit centrée et réponde aux besoins des travailleuses et travailleurs, et des usagers du transport en commun, ainsi qu'à ceux de nos collectivités au sens large.

Élaborée en collaboration avec les dirigeant(e)s des sections locales du secteur du transport en commun et les représentant(e)s nationaux, la politique nationale de transport en commun d'Unifor définit les priorités du syndicat en matière de défense des intérêts, au niveau national, afin de garantir que le Canada s'emploie à développer et à soutenir un système de transport en commun solide, durable et accessible. Le cadre de notre politique en matière de transport en commun porte sur six domaines clés:

  1. Qualité et sécurité des emplois, et droits des travailleuses et travailleurs: Les travailleuses et travailleurs assurent l’exploitation des transports en commun, et nous devons nous assurer que les emplois dans le secteur restent de bons emplois et que la technologie soit utilisée pour faciliter le travail des travailleurs du transport en commun, et non pour les déplacer. Nous devons également continuer à lutter contre la précarité de l'emploi et le transfert de contrats qui se normalisent dans le secteur des transports.
  2. Protection de l’environnement: Le transport en commun est un élément clé de notre lutte contre les changements climatiques en réduisant les émissions de carbone, en protégeant la qualité de l'air et, de ce fait, notre santé en général. Nous devons continuer à investir dans des véhicules de transport en commun à émission zéro et à encourager une plus grande utilisation des transports en commun.
  3. Sécurité des travailleurs et des passagers: La sécurité est une préoccupation majeure pour les travailleuses et travailleurs et les usagers des transports en commun, et nous devons intégrer des mécanismes visant à garantir que nous éliminons tous les cas de violence et de harcèlement dans nos systèmes de transport en commun. Dans le contexte de la COVID-19, les ressources et les mesures visant à assurer la sécurité et la protection des usagers et des travailleuses et travailleurs contre le virus doivent être mises en œuvre, maintenues et appliquées.
  4. Équité et accessibilité: Le transport en commun n'est pas seulement une question de transport, mais aussi une question de justice sociale. Des transports publics accessibles et abordables permettent aux travailleuses et travailleurs d’accéder aux emplois et aux services, et relient nos communautés. Cela est essentiel pour les groupes qui dépendent davantage du transport public, notamment les personnes ayant une incapacité, les groupes à faible revenu, les personnes âgées, les jeunes, les personnes de couleur et les femmes.
  5. Développement et croissance économiques: Les embouteillages coûtent chaque année des milliards à notre économie. Les transports publics doivent être considérés comme un investissement dans le développement et la croissance économiques, facilitant la circulation des biens et des services et réduisant la durée globale des trajets. Nous devons travailler à une plus grande intégration des réseaux de transport en commun actuels ainsi qu'à l'expansion dans les zones où les niveaux de service de transport en commun sont faibles ou inexistants.
  6. Investissement dans les services publics de transport en commun et dans l’infrastructure: Un financement fédéral permanent pour l'exploitation, l'entretien, l'infrastructure et la modernisation et le remplacement des véhicules/flottes est nécessaire pour accroître la vitesse, la fréquence, la couverture et la fiabilité des services de transport en commun. Nous devons également résister à toute nouvelle tentative de privatiser nos systèmes de transport locaux au profit de sociétés privées qui font passer les bénéfices avant les besoins de nos travailleurs et de nos usagers (y compris les usagers potentiels). Le transport en commun devrait être basé sur les besoins des personnes de nos collectivités, plutôt que sur les endroits où l'on peut faire le plus d'argent.

Dans ce cadre, la politique nationale de transport en commun d'Unifor comprend les six recommandations politiques clés suivantes:

  1. Le gouvernement fédéral doit élaborer une stratégie nationale de transport public en collaboration avec les principaux acteurs du transport en commun; 
  2. Le gouvernement fédéral devrait mettre en place un Fonds national permanent et durable pour les transports publics;
  3. Il faut soutenir la transition vers des véhicules de transport en commun et des parcs de véhicules électriques à émission zéro, achetés et fabriqués dans des installations canadiennes syndiquées;
  4. Il faut créer un système de transport public sûr, abordable, équitable et accessible;
  5. Il faut élaborer un ensemble de normes nationales de sécurité des transports en commun qui garantiront une meilleure santé et une plus grande sécurité tant pour les travailleuses et travailleurs que pour les usagers des transports en commun;   
  6. Il faut continuer à faire pression sur tous les paliers gouvernementaux en faveur de réformes des relations de travail et des normes d'emploi qui bénéficieront aux travailleuses et travailleurs du transport en commun et amélioreront la qualité générale des emplois.

Notre organisation mobilisera ses dirigeant(e)s et ses membres autour de ces priorités politiques et travaillera avec ses alliés et partenaires pour plaider en faveur d'un système de transport en commun plus solide pour tous les Canadiens et Canadiennes. 

Introduction

Le besoin d'améliorer les transports en commun  au Canada n'a jamais été aussi grand. Nos villes et nos collectivités sont de plus en plus densément peuplées et s'étendent sur de plus grands espaces. Nos routes sont donc de plus en plus congestionnées, ce qui affecte gravement notre qualité de vie, notre santé et notre environnement, tout en nous coûtant du temps et de l'argent. Malgré le consensus sur le fait que les transports publics sont essentiels pour nos communautés, il existe des défis importants. Nos systèmes de transport en commun, nos parcs de véhicules et nos véhicules vieillissent. Tous les systèmes de transport en commun restent soumis à des pressions importantes, car nous constatons des retards, des surcharges et une frustration accrue des usagers. Certaines zones n'ont que peu ou pas d'accès au transport en commun, tandis que nos systèmes publics continuent de subir la menace d'une privatisation excessive. 

Il est clair que les gouvernements, à tous les paliers, ont négligé de fournir les ressources nécessaires pour maintenir et développer les opérations et les infrastructures de transport en commun. Pour les travailleuses et travailleurs des transports en commun, le manque de financement durable entraîne une érosion de la qualité des emplois, la santé et la sécurité sont mises en danger par l'augmentation du harcèlement et des agressions contre le personnel des transports en commun, ainsi que par les préoccupations et l'incertitude quant à la manière dont la technologie est utilisée sur le lieu de travail. De plus, avec la pandémie de la COVID-19, des pressions supplémentaires ont été exercées sur nos systèmes de transport en commun. Les autorités de transport en commun ont eu des difficultés financières, car le nombre d'usagers a chuté en raison du ralentissement économique, tout en faisant face à des pressions pour maintenir les itinéraires opérationnels pour les personnes et les travailleuses et travailleurs essentiels qui dépendent le plus des services de transport en commun. Il faut en outre élaborer des lignes directrices et des protocoles efficaces sur les véhicules de transport en commun et dans les stations afin de garantir la sécurité des travailleurs et des usagers.   

Il est clair qu'une vision audacieuse et ambitieuse du transport en commun fait défaut dans ce pays. Le transport en commun est souvent considéré comme un problème local, mais il existe de nombreuses juridictions dans le monde où la planification et le financement du transport en commun font l'objet d'une forte implication nationale et fédérale, notamment en Corée, en France et en Allemagne . En fait, le Canada reste le seul pays du G7 à ne pas avoir de plan ou de stratégie nationale de transport en commun . Un leadership fédéral est nécessaire pour inciter les gouvernements provinciaux et locaux à investir dans nos systèmes de transport en commun, à faciliter une plus grande intégration régionale, et à mettre à jour et étendre les infrastructures afin de créer des systèmes de transport en commun de classe mondiale d'un océan à l'autre. 

S'engager dans un tel projet au niveau fédéral n'est pas nouveau. En 2016, le gouvernement fédéral a entamé le processus d'élaboration d'un plan national stratégique pour soutenir l'avenir du système de transport canadien. Transport 2030 a examiné comment les secteurs du transport routier, ferroviaire, aérien et maritime du Canada peuvent être modernisés et améliorés en ce qui concerne la sécurité, le commerce et la croissance économique, la protection de l'environnement et l'expérience des passagers/consommateurs. Bien qu'il s'agisse d'un oubli flagrant, l'examen n'a pas inclus le transport en commun dans son mandat, il est clair que le rôle économique et social du transport en commun ne peut être surestimé. 

En tant que plus grand syndicat du secteur privé canadien, représentant près de 7 000 travailleuses et travailleurs du transport en commun dans tout le pays, Unifor représente l'une des voix politiques et influentes les plus fortes de toutes les autres organisations nationales. À ce titre, il est de notre devoir de veiller à ce que toute stratégie de transport en commun élaborée soit centrée et adaptée aux besoins des travailleuses et travailleurs et des usagers des transports en commun, et de nos collectivités au sens large. La politique nationale de transport en commun suivante décrit les priorités d'Unifor en matière de défense des intérêts au niveau national afin de s'assurer que le Canada travaille au développement et au soutien d'un système de transport en commun solide, durable et accessible.

Contexte

Pour un très grand nombre de personnes, le transport est essentiel pour se rendre à l'école, à des rendez-vous, aux services de garde, aux activités sociales, aux magasins et peut-être plus souvent encore, au travail. En 2016, 12 % des Canadiennes et Canadiens se rendaient au travail en utilisant les transports en commun. Le nombre de Canadiennes et Canadiens qui se rendent au travail en utilisant les transports en commun a augmenté de près de 60 % entre 1996 et 2016, contre une augmentation de 28 % des utilisateurs de la voiture.  Malgré cette augmentation, la grande majorité des navetteurs préfèrent toujours utiliser leur véhicule personnel pour des raisons de commodité (perçue) et de gain de temps. La durée moyenne des trajets pour ceux qui utilisent les transports publics est presque deux fois plus longue que pour ceux qui conduisent: 44,8 minutes en transport en commun contre 24,1 minutes en voiture. 

Le nombre croissant de voitures sur nos routes et autoroutes entraîne une augmentation des embouteillages qui coûtent à notre économie des milliards de dollars par an, en particulier dans les plus grandes zones urbaines du Canada. Dans la région du Grand Toronto, les pertes économiques sont estimées à 7 milliards de dollars par an, 1,7 milliard de dollars pour la grande région de Montréal et 1,4 milliard de dollars pour la région métropolitaine de Vancouver . Cela affecte également notre environnement, notre qualité de vie, notre niveau de satisfaction face à la vie et notre santé. 

Nos systèmes de transport public doivent répondre aux besoins de la population locale et refléter les réalités des passagers vivant dans nos centres urbains et les régions environnantes. Selon Statistique Canada, un nombre croissant de travailleuses et travailleurs dans certaines des plus grandes régions métropolitaines du Canada travaillent désormais en dehors des centres urbains et le nombre de banlieusards est en hausse.  Cependant, les banlieusards continuent à utiliser leur véhicule personnel plutôt que les transports en commun pour se déplacer. Avec un nombre croissant de personnes vivant et travaillant en dehors des centres urbains, il est impératif que tous les paliers de gouvernement investissent dans l'expansion des réseaux de transport dans ces zones qui ont traditionnellement été négligées ou mal desservies, tout en s'efforçant de les intégrer aux réseaux de transport régionaux et municipaux existants. 

Pour les usagers des transports en commun, l'absence d'investissements publics stables dans les transports publics entraîne une réduction générale de la qualité du service, des temps d'attente plus longs et un engorgement. En conséquence, les usagers expriment souvent leurs frustrations sur leurs collègues et sur les travailleuses et travailleurs des transports en commun, par le biais de harcèlement et d'agressions verbales et physiques. 

La sécurité des passagers et des travailleurs des transports en commun, en particulier des opérateurs, reste une préoccupation majeure. Les travailleuses et travailleurs sont souvent la cible de harcèlement verbal et physique et d'agressions de la part du public, ce qui non seulement entraîne des blessures physiques, mais constitue également un stress important pour la santé mentale. Unifor a mené une campagne active sur cette question et, en 2014, a réussi à obtenir du gouvernement fédéral qu'il modifie le code pénal canadien afin que les agressions contre les opérateurs de transport en commun se traduisent par des peines plus sévères pour leurs auteurs (Projet de loi S-221). Malheureusement, les travailleuses et travailleurs des transports en commun continuent d'être agressés au travail. Selon l'Association canadienne du transport urbain, environ 2 000 agressions contre des employés des transports en commun sont signalées chaque année dans tout le pays.  En 2018, 89 agressions ont été signalées par des chauffeurs de la compagnie de bus Coast Mountain à Vancouver ; entre 2014 et 2017, 193 incidents violents contre des travailleurs du transport en commun ont été signalés sur le service de transport en commun d'Edmonton ; et à Toronto, la Commission des transports de Toronto (TTC) estime qu'un travailleur du transport en commun est agressé tous les 1 à 2 jours.   

Dans le réseau de la TTC de Toronto, les conducteurs signalent un plus grand nombre d'incidences de troubles de stress post-traumatique que tout autre groupe de travailleurs, y compris chez les policiers . En réponse, la TTC a installé des boucliers en plastique sur les bus et les tramways pour protéger les conducteurs. Toutefois, dans les municipalités où le financement des transports en commun est limité, ces mesures de protection font défaut en raison de leur coût, ce qui rend les conducteurs vulnérables aux agressions et aux attaques. 

La sécurité des passagers est également une préoccupation croissante, en particulier celle des femmes dans les transports en commun. Dans un récent article d'enquête du Globe and Mail, près de 4 000 incidents d'agression ou de harcèlement sexuel ont été enregistrés sur 22 des plus grands réseaux de transport en commun du Canada entre 2013 et 2017.  La plupart des cas (90 %) ont été rapportés par des femmes contre des hommes. Outre le fait que de nombreux cas ne sont pas signalés, les systèmes de transport en commun n'ont pas réussi à recueillir des données adéquates sur ces incidents ni à fournir au personnel une formation adéquate sur la manière d'aider les passagers, ce qui rend difficile d'évaluer correctement l'ampleur du problème et de prendre les mesures nécessaires pour accroître la sécurité des passagers. Les femmes qui ne se sentent pas en sécurité dans les transports en commun se tournent souvent vers les applications de covoiturage comme mode de transport alternatif et apparemment plus sûr. Cependant, il est alarmant de constater que les médias, tant au Canada qu'aux États-Unis, font de plus en plus état d'agressions physiques et sexuelles contre les passagers qui utilisent ces plateformes. Rien qu'en 2018, près de 3 000 agressions sexuelles ont été signalées aux États-Unis par les utilisatrices de l'application de covoiturage Uber . 

Le manque de fonds fédéraux et provinciaux stables oblige également les municipalités à envisager de privatiser des itinéraires de transit ou des systèmes entiers et de réduire les itinéraires ou la fréquence des services. Pour les travailleuses et travailleurs du transport en commun, cette pénurie de fonds se traduit par une réduction des effectifs, des coupes dans les salaires et les avantages sociaux et un allongement des heures de travail ou un plus grand nombre de postes fractionnés. Cela ne fait que contribuer à une érosion supplémentaire de la qualité des emplois et à une précarité accrue. La détérioration de la qualité du service crée un cercle vicieux qui pousse les gens à abandonner les transports en commun, ce qui réduit le nombre d'usagers (et les recettes) et entraîne une augmentation des taux d'utilisation des véhicules personnels ou des services de covoiturage. Cette évolution vers la privatisation se traduit également par une réduction ou une suppression du service sur les lignes qui ne sont pas considérées comme « rentables », un risque de hausse des tarifs, une moindre intégration avec les autres réseaux de transport régionaux existants et peu ou pas de participation du public, de consultation et de responsabilité sur le fonctionnement du transport en commun dans leur communauté, car ces décisions sont prises uniquement par des intérêts commerciaux. 

Alors que des services de covoiturage tels que Uber et Lyft prétendent contribuer à réduire les embouteillages, ils contribuent en fait au problème. Une étude de l'Université Ryerson a constaté que les sociétés de transport privées (telles que Uber and Lyft) contribuent aux embouteillages et aux émissions des véhicules dans la ville de Toronto, et qu'elles détournent les usagers des transports en commun.  Certaines municipalités ont également abandonné les transports publics au profit d'applications de covoiturage. En 2017, à Innisfil, en Ontario, par exemple, la municipalité a décidé de faire appel à Uber au lieu de créer un système de transport public, affirmant que le coût serait trop élevé pour mettre en place des lignes d’autobus dans la ville. La municipalité subventionne chaque voyage à Uber et, bien que l'expérience soit un succès, le coût des services d'Uber pour la ville a maintenant dépassé le coût initial des lignes d’autobus proposées, tout en augmentant le nombre de voitures sur la route et en menaçant la sécurité et la qualité de l'air . 

En outre, sur le plan technologique, nous constatons des progrès plus importants dans la technologie des véhicules autonomes (ou sans conducteur). Cette tendance constitue également une menace importante en termes de sécurité des emplois dans les transports en commun. Actuellement, le service Sky Train de Vancouver est entièrement sans conducteur, et il est considéré comme le plus long système de transport rapide automatisé au monde. D'autres municipalités envisagent également d'introduire le transport en commun autonome dans leur parc de véhicules. Des villes comme Toronto, Montréal et Edmonton ont toutes des projets ou sont en train de tester cette technologie dans leur ville .

Le transport urbain au Canada est largement dépendant des subventions gouvernementales pour fonctionner, car les tarifs passagers ne représentent que moins de la moitié de toutes les recettes d'exploitation en 2017 (pour chaque dollar de tarif, l'industrie du transport en commun reçoit 1,12 dollar de subventions d'exploitation).  C'est pourquoi un financement de tous les niveaux de gouvernement est nécessaire pour maintenir et développer le service de transport en commun dans tout le pays. En 2016, le gouvernement fédéral a annoncé la création d'un fonds d'infrastructure pour le transport en commun de 3,4 milliards de dollars à dépenser sur une période de trois ans, pour aider à améliorer l'infrastructure de transport en commun existante, soutenir les projets d’expansion prévus et financer le remplacement du parc automobile et des véhicules.  Ces types d'investissements se sont également avérés contribuer à stimuler l'augmentation des dépenses d'investissement des sociétés de transport dans leurs systèmes. En 2017, les sociétés de transport urbain ont augmenté leurs dépenses d'investissement de 50 % pour atteindre 8,7 milliards de dollars. L'augmentation des niveaux de service et l'extension des zones de service contribueront à accroître le nombre d'usagers, contrairement aux crédits d'impôt fédéraux qui n'ont pas réussi à attirer de nouveaux usagers.  Le succès de ce fonds a montré la nécessité d'un financement fédéral durable et à long terme pour le transport en commun. En fait, la Fédération canadienne des municipalités a demandé au gouvernement de fournir 3,4 milliards de dollars par an jusqu'en 2038 pour le transport en commun et de les allouer aux zones en fonction du nombre d'usagers .

Un transport public abordable, fiable et accessible n'est pas seulement une question économique, mais aussi une question de justice sociale, d'équité et d'environnement. Les utilisateurs les plus fréquents du transport public restent les personnes ayant une incapacité, les personnes de couleur, les nouveaux arrivants, les communautés à faible revenu, les femmes, les jeunes et les personnes âgées . Pourtant, pour ces groupes, l'accès au transport en commun reste un problème permanent et il leur est extrêmement difficile de posséder une voiture en raison des restrictions financières. On estime que près d'un million de résidents à faible revenu dans les huit plus grandes villes du Canada vivent dans des quartiers et des communautés qui ont un accès très limité aux transports publics . Cela affecte la capacité des gens à trouver un emploi décent, à accéder aux services publics et communautaires, à faire des achats, et à construire et entretenir des réseaux familiaux et sociaux. En outre, les emplois dans les transports en commun, en grande partie grâce à la syndicalisation et à l'accès aux négociations collectives, sont considérés comme de bons emplois avec un salaire et des avantages décents. Pour les groupes en quête d'équité, l'accès à ces emplois de bonne qualité est un moyen de maintenir une qualité de vie décente. 

Enfin, avec les appels de plus en plus nombreux à la lutte contre les changements climatiques, l'investissement dans les transports en commun (y compris les véhicules de transport en commun électriques à émission zéro) doit être considéré comme une stratégie clé pour réduire les gaz à effet de serre et les émissions de CO2. Le secteur des transports, dans son ensemble, produit 28 % de la pollution par le carbone au Canada . Les transports publics émettent 3,5 fois moins de gaz à effet de serre par passager que les véhicules personnels . La pollution atmosphérique est également une question de santé publique essentielle, et l'amélioration de la qualité de l'air urbain contribuera également à réduire les coûts des soins de santé, l'incidence des maladies respiratoires liées à la qualité de l'air et les décès prématurés. 

Politique nationale d’Unifor en matière de transport en commun

Unifor comprend que le développement d'un système de transport public solide et durable contribue au bien-être économique, environnemental et social de nos villes. Il contribue également à promouvoir des collectivités saines et vivables, tout en créant et en soutenant de bons emplois, et en veillant à ce que les communautés marginalisées disposent d'un moyen de transport sûr, accessible et abordable. À ce titre, nous pensons que toute politique de transport en commun doit être élaborée dans un cadre spécifique qui englobe un ensemble de valeurs et de principes clés. La politique d'Unifor en matière de transport en commun est centrée sur les six domaines clés suivants:

  1. Qualité et sécurité des emplois, et droits des travailleuses et travailleurs: Les travailleuses et travailleurs assurent l’exploitation des transports en commun, et nous devons nous assurer que les emplois dans le secteur restent de bons emplois et que la technologie soit utilisée pour faciliter le travail des travailleurs du transport en commun, et non pour les déplacer. Nous devons également continuer à lutter contre la précarité de l'emploi et le transfert de contrats qui se normalisent dans le secteur des transports
  2. Protection de l’environnement: Le transport en commun est un élément clé de notre lutte contre les changements climatiques en réduisant les émissions de carbone, en protégeant la qualité de l'air et, de ce fait, notre santé en général. Nous devons continuer à investir dans des véhicules de transport en commun à émission zéro et à encourager une plus grande utilisation des transports en commun.
  3. Sécurité des travailleurs et des passagers: La sécurité est une préoccupation majeure pour les travailleuses et travailleurs et les usagers des transports en commun, et nous devons intégrer des mécanismes visant à garantir que nous éliminons tous les cas de violence et de harcèlement dans nos systèmes de transport en commun. Dans le contexte de la COVID-19, les ressources et les mesures visant à assurer la sécurité et la protection des usagers et des travailleuses et travailleurs contre le virus doivent être mises en œuvre, maintenues et appliquées.  
  4. Équité et accessibilité: Le transport en commun n'est pas seulement une question de transport, mais aussi une question de justice sociale. Des transports publics accessibles et abordables permettent aux travailleuses et travailleurs d’accéder aux emplois et aux services, et relient nos communautés. Cela est essentiel pour les groupes qui dépendent davantage du transport public, notamment les personnes ayant une incapacité, les groupes à faible revenu, les personnes âgées, les jeunes, les personnes de couleur et les femmes. 
  5. Développement et croissance économiques: Les embouteillages coûtent chaque année des milliards à notre économie. Les transports publics doivent être considérés comme un investissement dans le développement et la croissance économiques, facilitant la circulation des biens et des services et réduisant la durée globale des trajets. Nous devons travailler à une plus grande intégration des réseaux de transport en commun actuels ainsi qu'à l'expansion dans les zones où les niveaux de service de transport en commun sont faibles ou inexistants. 
  6. Investissement dans les services publics de transport en commun et dans l’infrastructure: Un financement fédéral permanent pour l'exploitation, l'entretien, l'infrastructure et la modernisation et le remplacement des véhicules/flottes est nécessaire pour accroître la vitesse, la fréquence, la couverture et la fiabilité des services de transport en commun. Nous devons également résister à toute nouvelle tentative de privatiser nos systèmes de transport locaux au profit de sociétés privées qui font passer les bénéfices avant les besoins de nos travailleurs et de nos usagers (y compris les usagers potentiels). Le transport en commun devrait être basé sur les besoins des personnes de nos collectivités, plutôt que sur les endroits où l'on peut faire le plus d'argent.

Dans ce cadre, la politique nationale d’Unifor en matière de transport en commun comprend les six recommandations politiques clés suivantes:

  1. Le gouvernement fédéral doit élaborer une stratégie nationale de transport public en collaboration avec les principaux acteurs du transport en commun
    Le Canada est le seul pays du G7 qui n'a pas encore élaboré de stratégie nationale en matière de transport public. Une telle stratégie doit être élaborée en collaboration avec les principaux acteurs du transport en commun, notamment les municipalités, les syndicats, les organismes de transport privé et public, les universitaires, les urbanistes, les usagers des transports en commun et les associations d'usagers. La stratégie nationale en matière de transport en commun devrait contenir des dispositions qui englobent bon nombre des priorités que nous avons mentionnées précédemment : les droits des travailleuses et travailleurs, y compris la qualité et la sécurité de l'emploi; l'environnement et les changements climatiques; la sécurité des usagers et des travailleuses et travailleurs; l'équité et l'accessibilité; et le développement et la croissance économiques. Comme le transport en commun touche à une myriade de domaines de la politique sociale, il est impératif que de nombreux secteurs et ministères soient également impliqués et consultés, notamment ceux responsables du travail, du logement, des services communautaires, de la santé et des finances. 
  2. Le gouvernement fédéral devrait mettre en place un Fonds national permanent et durable pour les transports publics
    Il est clair que nous ne pouvons pas compter uniquement sur les boîtes de péage pour financer les transports publics et que des engagements de financement au niveau fédéral sont nécessaires pour soutenir les opérations et les infrastructures de transport en commun. Le Fonds fédéral pour l'infrastructure de transport en commun a joué un rôle essentiel en fournissant des fonds indispensables pour soutenir les projets locaux de transport en commun. Cependant, ces fonds devraient également être disponibles pour aider à soutenir les coûts d'exploitation. Des pays comme l'Allemagne et la Nouvelle-Zélande, par exemple, aident à couvrir plus de la moitié de tous les coûts d'exploitation des systèmes locaux de transport en commun . 
    Nous rejetons les initiatives politiques, telles que les crédits d'impôt, qui se sont révélées peu efficaces pour augmenter le nombre d'usagers des transports en commun et qui ne profitent qu'aux personnes à revenus élevés. Un fonds national permanent et prévisible pour les transports publics contribuera à soutenir l'exploitation et l'entretien, l'expansion des réseaux de transport en commun, les dépenses d'investissement et d'infrastructure et les mises à niveau, ainsi que le renouvellement et le remplacement des véhicules/flottes. 
    Nous encourageons également le gouvernement fédéral à travailler en étroite collaboration avec les gouvernements provinciaux et municipaux  pour explorer les moyens de financer le transport en commun local et de diversifier les sources de revenus afin de créer une meilleure stabilité de financement. Il peut s'agir de taxes de vente, de taxes sur l'essence, d'impôts sur les sociétés et de charges sociales pour les employeurs, car de nombreux travailleurs et travailleuses utilisent le transport en commun pour se rendre au travail. L'Oregon est un exemple de juridiction où les charges sociales contribuent à subventionner le coût des opérations de transport en commun local. 
  3. Il faut soutenir la transition vers des véhicules de transport en commun et des parcs de véhicules électriques à émission zéro, achetés et fabriqués dans des installations canadiennes syndiquées
    La protection de notre environnement et la réduction des émissions de CO2 en retirant les véhicules excédentaires de nos routes est une autre raison essentielle pour laquelle le soutien aux transports publics devrait être une priorité. Toutefois, les véhicules de transport en commun fonctionnant au diesel continuent de polluer et, à ce titre, nous devons nous orienter vers l'écologisation de nos parcs de véhicules de transport en commun en introduisant davantage de véhicules électriques à émissions zéro. Bien que des municipalités comme Toronto, Montréal et Vancouver se soient engagées à mettre en place des parcs de véhicules de transport en commun à émissions zéro, des mesures doivent être prises pour aider d'autres municipalités à suivre cet exemple. Toutefois, s'il a été constaté que les véhicules électriques permettent de réaliser des économies substantielles en termes de coûts d'exploitation, le coût d'achat initial élevé constitue un obstacle financier important pour de nombreuses municipalités . Une façon pour le gouvernement fédéral d'aider à compenser les coûts plus élevés de l'acquisition de véhicules de transport en commun électriques est d'accorder des rabais ou des subventions aux municipalités. Un tel programme de rabais pourrait être intégré au Fonds national pour le transport en commun.
    Soutenir les transports en commun écologiques contribue également à soutenir la juste transition vers une économie à faibles émissions de carbone. Nous devons nous assurer que tous les achats municipaux de véhicules de transport en commun électriques proviennent de lieux de travail manufacturiers canadiens syndiqués afin de soutenir la création d'emplois locaux. Nous devons tirer pleinement parti des installations canadiennes de fabrication de véhicules de transport et des travailleurs qualifiés dont nous disposons pour assumer ces contrats, comme New Flyer à Winnipeg, Nova Bus à Saint-Eustache et Bombardier à Thunder Bay. 
  4. Il faut créer un système de transport public sûr, abordable, équitable et accessible
    Le transport en commun doit rester un service public sûr, accessible et abordable pour tous. Il doit également être planifié et développé dans une optique d'équité, en tenant compte du fait que les groupes marginalisés, notamment les personnes ayant une incapacité, les personnes de couleur, les communautés à faible revenu, les nouveaux arrivants, les femmes, les personnes âgées et les jeunes, en dépendent et l'utilisent davantage. Les systèmes publics doivent relever de la responsabilité des personnes qui les utilisent – et non d'intérêts privés. Nous nous opposons à la privatisation de nos systèmes locaux de transport en commun qui fait passer les profits avant les travailleurs, les passagers et la communauté, y compris l'utilisation de PPP (partenariats public-privé) et l'utilisation de services de covoiturage pour remplacer le transport en commun.
  5. Il faut élaborer un ensemble de normes nationales de sécurité des transports en commun qui garantiront une meilleure santé et une plus grande sécurité tant pour les travailleuses et travailleurs que pour les usagers des transports en commun
    La santé et la sécurité des travailleurs et des usagers du transport en commun doivent être une priorité. Nous demandons au gouvernement de créer un ensemble de normes de sécurité nationales, à élaborer en collaboration avec les principaux acteurs du transport en commun, afin que des politiques, des pratiques, des outils et des programmes plus importants en matière de santé et de sécurité puissent être mis en œuvre de manière cohérente dans tout le pays. Cela engloberait des domaines tels que les blessures des travailleurs et des usagers, les accidents et les décès, l'accès à l'indemnisation des travailleurs, les incidences des agressions et du harcèlement (verbal, physique et sexuel) des usagers et des opérateurs, et la santé mentale. Nous encourageons l'examen de la législation adoptée dans d'autres juridictions, par exemple la Loi sur la protection des travailleurs et des piétons dans les transports en commun aux États-Unis (Transit Worker and Pedestrian Protection Act), lors de l'élaboration d'une telle politique . 
    Cela doit également comprendre le recensement et le signalement, sur une base régulière, des incidents de santé et de sécurité afin de suivre et d'évaluer les progrès accomplis et d'identifier les domaines dans lesquels des améliorations sont nécessaires. Cette stratégie peut être similaire à la « stratégie de sécurité routière » canadienne actuelle, produite par le Conseil canadien des administrateurs en transport motorisé (CCATM), qui élabore, surveille et évalue régulièrement les moyens d'améliorer la sécurité sur les routes canadiennes en utilisant diverses stratégies, notamment la sensibilisation et l'éducation du public, la recherche, l'examen des meilleures pratiques internationales et les réformes législatives et leur application.
    Alors que nous continuons à lutter contre la pandémie mondiale de la COVID-19, nous devons garantir les normes de sécurité les plus élevées pour protéger les travailleuses et travailleurs et les usagers des transports en commun contre la contraction et la transmission du virus. Cela comprend toutes les mesures, de l'accès à l'équipement de protection individuelle (EPI) à la désinfection fréquente des véhicules, en passant par la distanciation physique et d'autres mesures de protection. Unifor a récemment élaboré un ensemble complet de recommandations pour le transport de passagers et les services de transport urbain que nous utilisons pour plaider auprès des employeurs et du gouvernement afin de garantir le respect des normes de santé et de sécurité pour que les services de transport puissent se poursuivre sans interruption. Ces recommandations sont disponibles sur le site Web d’Unifor et ont été incluses dans l'annexe de ce document pour faciliter la consultation.
  6. Il faut continuer à faire pression sur tous les paliers gouvernementaux en faveur de réformes des relations de travail et des normes d'emploi qui bénéficieront aux travailleuses et travailleurs du transport en commun et amélioreront la qualité générale des emplois
    L'amélioration des normes d'emploi de base et l'accès à la syndicalisation sont deux des principaux moyens d'améliorer les conditions de travail des travailleuses et travailleurs du transport en commun. Bien que ces travailleurs relèvent de la compétence des provinces, le gouvernement fédéral peut toujours établir les normes au niveau fédéral et travailler avec ses homologues provinciaux pour améliorer et moderniser les normes de travail et d'emploi dans tout le pays. 
    En outre, les municipalités peuvent également exercer des pressions politiques pour soutenir l'amélioration des normes de travail et appuyer les politiques qui fixent des normes minimales à respecter pour tous les services sous-traités, à l'instar, par exemple, de la politique de salaire équitable de Toronto. Cela est particulièrement important pour les travailleuses et travailleurs du transport en commun du secteur privé, qui sont souvent confrontés à une plus grande insécurité de l'emploi en raison du transfert constant des contrats lorsqu'un nouveau fournisseur de services de transport en commun arrive. La nécessité de droits de succession et de protections pour les travailleurs précaires du transport en commun est essentielle pour assurer une plus grande stabilité non seulement pour les travailleurs, mais aussi pour les usagers. D'autres domaines doivent être améliorés pour promouvoir une meilleure qualité de l'emploi et la protection des travailleurs du transport en commun, notamment la limitation des tests de dépistage de drogues, l'accès aux toilettes et aux installations de pause et la garantie que la vidéosurveillance est utilisée strictement à des fins de sécurité et non comme un outil de l'employeur pour surveiller et discipliner injustement les conducteurs. 

Notre organisation mobilisera ses dirigeants et ses membres autour de ces priorités politiques et travaillera avec ses alliés et partenaires pour plaider en faveur d'un système de transport en commun plus solide pour tous les Canadiens et Canadiennes.