Suivi de l’exposé prébudgétaire à la ministre Fortier

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L’honorable Mona Fortier

Ministre de la Prospérité de la classe moyenne et ministre associée des Finances

 

Merci de nous avoir récemment donné l’occasion de discuter de l’urgent besoin d’un plan de relance économique féministe intersectionnel. Le budget est un élément clé pour faire de ce plan une réalité.

Unifor représente plus de 315 000 travailleuses et travailleurs dans tous les secteurs de l’économie canadienne. Les femmes comptent pour presque le tiers de nos membres. Nous avons également un nombre important de membres qui s’identifient comme étant des personnes non binaires, transgenres ou de diverses identités de genre. Nous intégrons les expériences vécues, les attentes et les aspirations de nos membres dans les politiques que nous élaborons dans l’ensemble du syndicat.

Nous avons appris avec plaisir que le Groupe de travail sur les femmes et l’économie a enfin été créé et que son travail a véritablement commencé. L’adoption d’une approche pangouvernementale en matière d’égalité des sexes est essentielle au succès des recommandations que fera le Groupe de travail.

La pandémie de COVID-19 a provoqué énormément de bouleversements sociaux et économiques et mis en évidence les criantes inégalités économiques et le manque flagrant de sécurité du revenu auxquels sont confrontés des millions de travailleuses et travailleurs canadiens. Au début de la pandémie, un grand nombre d’entre eux étaient déjà marginalisés et désavantagés par notre système économique, et nous savons qu’il s’agissait en grande partie de femmes, de Noirs, d’Autochtones et de personnes de couleur, de queer et de transgenres et, bien sûr, de femmes ayant une incapacité.

Nous appuyons les nombreuses observations présentées par les divers groupes lors de notre récente réunion, notamment la nécessité de répondre aux besoins des plus marginalisés. Les commentaires ont souligné l’impact de nos structures économiques sur les femmes, les non-binaires et les personnes de diverses identités de genre, à toutes les étapes de leur vie. L’insécurité de revenu a des effets particuliers et durables sur les femmes, les non-binaires et les personnes de diverses identités de genre à divers moments de leur vie : pendant l’enfance, à l’arrivée sur le marché du travail, pendant la période de procréation et de parentalité et, bien sûr, au moment où les femmes âgées quittent la population active. À toutes les étapes de leur vie, il y a des impacts supplémentaires pour les femmes qui font face à la discrimination fondée sur des identités multiples et croisées.

Notre lettre de suivi portera sur les points soulevés à propos de la sécurité du revenu.

Nous savons que la plus grande partie des pertes d’emplois survenues pendant la pandémie a touché les travailleuses et travailleurs à petit salaire – un groupe qui, nous le savons, est majoritairement composé de femmes et de personnes très racialisées, entre autres, les personnes qui font face aux plus grands obstacles à l’emploi, comme les femmes qui ont une incapacité. Nous savons que ce sont les travailleuses et travailleurs faiblement rémunérés qui ont le moins de protections juridiques et le moins de ressources pour surmonter cette crise. Le rapport du Réseau d’action des femmes handicapées du Canada (RAFHC) publié la semaine dernière souligne également que les personnes ayant une incapacité ont subi un nombre disproportionné de pertes d’emploi temporaires et permanentes, soit près de deux fois plus que les personnes sans déficiences. Cette tendance est systémique; elle n’est pas nouvelle, mais la pandémie a exacerbé les inégalités existantes.

Pour la majorité des femmes au Canada, l’emploi est la principale source de revenu. Même lorsqu’elles travaillent, bon nombre d’entre elles ont de la difficulté à joindre les deux bouts et n’ont pas d’économies. Certaines cumulent des emplois ou font face à une grande instabilité dans leur vie professionnelle et personnelle. Il faut mettre en place des normes d’emploi rigoureuses et des lois du travail énergiques afin de transformer les emplois précaires en emplois stables et de garantir aux travailleuses et travailleurs un salaire suffisant pour maintenir un niveau de vie décent. Nous savons aussi que les femmes ont davantage recours aux soutiens sociaux que les hommes. Il existe peu de statistiques sur les non-binaires et les personnes de diverses identités de genre, mais leur situation est probablement semblable à celle des femmes. L’importance de programmes sociaux bien développés est vraiment une question de genre.

Les programmes de sécurité du revenu du Canada doivent s’articuler autour d’un ensemble de valeurs communes et de principes directeurs fondés sur l’universalité, l’accessibilité, l’équité, l’impartialité, la compassion, la souplesse et la simplicité.

Le régime d’assurance-emploi est la pierre angulaire du système de sécurité du revenu du Canada depuis 1940. Les changements apportés au cours des années 1990 ont entraîné une baisse de l’admissibilité, qui est passée de 80 % en 1990 à environ 40 % aujourd’hui, ce qui démontre l’abandon de la majorité des personnes sans emploi. De nombreux travailleurs et travailleuses cotisent au régime et n’accumulent jamais les heures nécessaires pour pouvoir bénéficier des prestations.

L’insécurité économique, la pauvreté et le chômage ne touchent pas tout le monde de la même façon. Ces déficits structurels touchent de façon disproportionnée les groupes historiquement marginalisés, dont les travailleuses et travailleurs faiblement rémunérés, les personnes racialisées, les Autochtones, les femmes, les jeunes, les migrants et les personnes ayant une incapacité.

En vue d’améliorer le système de sécurité du revenu et de favoriser une plus grande équité entre les sexes, Unifor fait au gouvernement fédéral les recommandations suivantes. 

  • Augmenter immédiatement le salaire minimum à 15 $ l’heure ou à un taux équivalent à 60 % du salaire horaire médian des travailleurs à temps plein, si ce taux est supérieur à 15 $. Les hausses annuelles devraient être indexées sur l’IPC ou sur l’augmentation salariale annuelle moyenne, la plus élevée des deux étant retenue. Le gouvernement doit mettre sur pied une « commission sur les bas salaires » indépendante, qui sera chargée de mener des recherches sur l’impact des politiques du salaire minimum sur les travailleuses et travailleurs.
  • Renforcer les normes d’emploi et les lois sur le travail afin d’offrir une stabilité aux travailleuses et travailleurs et de ne laisser personne sans protection. Prévoir des mesures de soutien comme des jours de congé de maladie payés permanents, et améliorer le congé d’urgence personnelle.
  • Apporter des changements permanents au régime d’assurance-emploi afin d’en élargir l’admissibilité et l’accessibilité et d’augmenter les prestations. Pour donner un nouvel élan au régime d’assurance-emploi, il faut :
    • Abaisser les conditions d’admission et les seuils d’admissibilité variables et les remplacer par un nombre fixe de 360 heures à l’échelle du pays.
    • Remettre en place les contributions du gouvernement fédéral.
    • Faire passer le taux de remplacement du revenu de 55 % à 75 %.
    • Éliminer toutes les périodes d’attente.
    • Prolonger la période d’accumulation des heures pour les travailleuses et travailleurs ayant pris des congés liés à des motifs protégés par des dispositions législatives sur les droits de la personne, notamment le congé de maternité, le congé parental ou le congé d’invalidité. Ainsi, ces travailleuses et travailleurs ne seront pas inadmissibles à l’assurance-emploi en cas de mise à pied.
    • Augmenter la durée des prestations de maladie d’assurance-emploi à 26 semaines et celle des prestations régulières à 50 semaines.
    • Éliminer le calcul des paiements de l’indemnité de départ, y compris de la cession d’emploi, aux premières étapes d’une demande d’assurance-emploi, ainsi que les dispositions de récupération des prestations d’aide sociale. Les travailleuses et travailleurs mis à pied ont besoin de ces sommes pour faire face à leur nouvelle situation. Les travailleuses et travailleurs devraient recevoir la totalité de ce qui leur est dû, sans subir de pénalités ni faire l’objet de dispositions de récupération.
    • Permettre l’accès aux travailleuses et travailleurs migrants qui cotisent au régime, mais qui font face à des obstacles importants les empêchant d’avoir accès aux prestations.
  • Promouvoir la sécurité de la retraite en instaurant, en consultation avec les provinces et les territoires, une assurance qui garantira le versement des prestations de retraite et en accordant aux bénéficiaires des prestations de retraite le statut de créanciers garantis en cas de faillite.
  • Faciliter la syndicalisation des femmes.
  • Mettre en œuvre le plan d’inclusion des personnes handicapées en plaçant au cœur des préoccupations les points de vue des personnes ayant une incapacité, entre autres celles qui sont les moins entendues, comme les femmes et les filles, les membres des Premières Nations, les Inuits et les Métis, les personnes sourdes et malentendantes, les personnes ayant une incapacité invisible et mal comprise, les personnes ayant une incapacité épisodique ou chronique, ainsi que les personnes ayant des incapacités intellectuelles et neurologiques.

En plus des recommandations présentées ci-dessus, il est impératif que les gouvernements reconnaissent les contributions importantes à la sécurité du revenu qu’apportent les soins de santé universels, les services de garde universels, les transports en commun et les autres biens publics – à la fois en ce qui a trait aux services fournis et aux emplois permanents et stables que les programmes pourraient créer.

L’économiste Armine Yalnizyan a récemment indiqué que l’économie des soins, laquelle comprend notamment la santé et l’éducation, contribue pour 12,3 % du PIB et compte pour 21 % de tous les emplois du pays. C’est presque deux fois plus que le nombre d’emplois créés dans les secteurs générant le plus d’emplois après le secteur des soins, soit la vente au détail, la fabrication et la construction. Étant donné le vieillissement de notre population, ce secteur ne pourra que se développer.

Il faut mettre délibérément l’accent sur l’économie des soins et placer les emplois et les services au cœur des préoccupations afin d’améliorer le niveau de vie et de renforcer l’économie. En particulier, le développement d’un réseau national d’éducation préscolaire et de services de garde fondé sur la prestation de services de grande qualité, accessibles, adaptables et abordables à tous, financés et gérés par l’État, apporterait des avantages durables aux enfants, aux éducateurs et éducatrices de la petite enfance, aux parents et à l’économie. Le gouvernement a la responsabilité de créer le cadre nécessaire pour que la vie meilleure à laquelle nous aspirons devienne réalité.

Les femmes, les personnes racialisées, les Autochtones, les jeunes, les migrants et les personnes ayant une incapacité ont été systématiquement marginalisés par les politiques, les programmes et les normes sociales. Cette marginalisation est à l’origine de la pauvreté, de l’insécurité, du travail précaire et des inégalités.

Les gouvernements et les acteurs de la société civile doivent agir ensemble pour générer la volonté politique nécessaire pour mettre fin à la pauvreté et pour continuer de faire avancer les activités visant à mettre fin à l’insécurité du revenu longtemps après la fin de la phase aiguë de la crise.  Nous sommes ravis d’avoir l’occasion d’ajouter quelques réflexions sur la façon d’atteindre cet objectif, et comptons sur un engagement continu pour faire de cette vision une réalité.

Vous trouverez de plus amples informations sur la feuille de route d’Unifor pour une relance économique équitable, inclusive et résiliente, à l’adresse https://rebatirenmieux.unifor.org. N’hésitez pas à communiquer avec moi si vous avez des questions ou souhaitez discuter davantage de ce sujet.

Veuillez agréer, Madame la Ministre, l’expression de mes sentiments les meilleurs.

Lisa Kelly,
Directrice, Service de la condition féminine,
Unifor