Lettre au Premier ministre Objet: Menaces de droits de douane américains sur les fournisseurs d'aluminium canadiens

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Le 23 juin 2020

ENVOYÉE PAR COURRIEL

Très honorable Premier ministre Trudeau, P.C., député
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Objet: Menaces de droits de douane américains sur les fournisseurs d'aluminium canadiens

Monsieur le Premier ministre,

Au nom des membres d'Unifor dans le secteur de l'aluminium, je vous écris pour vous faire part de notre indignation face aux mesures totalement injustifiées prises par les États-Unis. Les États-Unis menacent de réimposer des droits de douane de 10 % sur les exportations canadiennes d'aluminium à moins que le gouvernement canadien n'accepte de restreindre ses volumes d'exportation par le biais de quotas. Selon les informations publiées aujourd'hui, les États-Unis pourraient imposer ces droits dès le 1er juillet.

Je vous exhorte, Monsieur le Premier ministre, à rejeter toute demande de concession que les États-Unis adressent au Canada à ce sujet.

L'American Primary Aluminum Association (APAA) a récemment demandé au gouvernement fédéral américain de mettre fin à l'exemption des droits de douane en vertu de l’article 232 accordée au Canada, en prétendant qu'une « poussée » des importations canadiennes d'aluminium avait provoqué l'effondrement des prix de l'aluminium, mettant en danger la viabilité future de l'industrie américaine.

Ces arguments sont, très franchement, absurdes et totalement déconnectés de la réalité. Les chiffres que l'APAA a utilisés pour présenter son cas à l'ambassadeur Lighthizer ont été triés sur le volet pour masquer les faiblesses systémiques de l'industrie américaine de l'aluminium ainsi que le rôle central que la surcapacité chinoise et l'aluminium bon marché provenant de l'étranger ont joué dans la baisse des prix dans le monde entier. La pandémie de la COVID-19 a également joué un rôle clé dans la baisse générale des prix des métaux, la demande mondiale ayant dramatiquement chuté.

Ce que l'APAA néglige de mentionner, c'est que l'industrie américaine de l'aluminium a un problème de capacité intérieure qui pousse les fabricants américains à chercher leur aluminium ailleurs. Au cours des 20 dernières années, le nombre de fonderies d'aluminium aux États-Unis est passé de 23 à 5 seulement en 2017, principalement en raison de l'instabilité de l'approvisionnement énergétique et de la volatilité des prix mondiaux.

Par conséquent, le Canada n'est pas le seul pays à augmenter ses exportations d'aluminium vers les États-Unis. Les importations américaines d'aluminium de première fusion provenant de sources non canadiennes ont plus que doublé entre 2011 et 2019, alors que les niveaux canadiens en termes de tonnage n'ont connu qu'une augmentation marginale au cours de la même période. Alors que nous fournissions près de 50 % de la demande d'aluminium des États-Unis en 2010, ce chiffre a considérablement diminué depuis, tandis que les sources non canadiennes ont doublé pour représenter près de 40 % de la consommation américaine (contre 18 % en 2010).

En d'autres termes, les producteurs américains sont privés d'aluminium et se tournent naturellement vers l'étranger pour assurer leur approvisionnement. Et l'administration américaine a fait en sorte qu'il soit extrêmement simple de le faire, surtout lorsqu'il s'agit de fournisseurs non canadiens. Les produits chinois d'aluminium subventionnés ont bénéficié d'exemptions tarifaires de plusieurs milliards de dollars, ce qui a finalement fait baisser la demande d'aluminium primaire produit localement. L'administration américaine continue également à ignorer l'échec du Mexique à mettre en place un système robuste de surveillance des importations, qui a permis à un flot d'aluminium bon marché provenant de l'étranger de se faufiler par la porte de derrière, notamment de Russie.

Nous ne pouvons pas non plus ignorer le fait que l'industrie américaine de l'aluminium elle-même est très divisée sur la question. Même l'Association de l’aluminium des États-Unis – qui représente Alcoa Corp., le groupe Rio Tinto et de nombreux fabricants de pièces en aluminium – a confirmé que les importations canadiennes sont pratiquement inchangées depuis 2017 et que la surcapacité subventionnée de la Chine est le véritable problème. En d'autres termes, l'administration américaine choisit d'écouter un groupe restreint de lobbyistes de l'industrie qui ont des intérêts politiques particuliers à se battre contre les Canadiens, plutôt que de s'attaquer aux véritables problèmes qui affligent l'industrie américaine de l'aluminium.

Monsieur le Premier ministre, nous ne devons pas laisser ces tactiques d'intimidation réussir. Je vous demande instamment de faire preuve de fermeté face à cette campagne de désinformation et de rejeter tout quota qui perturberait une fois de plus l'industrie canadienne de l'aluminium et entraînerait des mises à pied inutiles. Des mesures de réciprocité fortes peuvent être justifiées et doivent être envisagées.

Nous devons refuser fermement le discours que les États-Unis tentent de colporter et exiger qu'ils s'attaquent à la véritable source du problème – la surcapacité chinoise et l'aluminium de l’étranger qui entre par la porte arrière – qui a eu un impact négatif sur les producteurs d'aluminium dans le monde entier.

Nos membres chez Unifor et des milliers de travailleurs de l'aluminium à travers le Canada comptent sur vous et sont prêts à offrir toute l'aide nécessaire.

Veuillez agréer, Monsieur le Premier ministre, l'expression de mes sentiments distingués,

Jerry Dias
Président national