Unifor se penche sur la lutte contre l’intimidation et le harcèlement des journalistes au Conseil des médias

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Delegates at Media Council 2022
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Recevoir des menaces de mort. Évoluer dans des milieux de travail toxiques. Se faire suivre jusque chez soi. Faire divulguer publiquement ses données personnelles.

Voilà quelques exemples de mauvais traitements infligés aux journalistes dans le cadre de leur travail.

Le Conseil des médias d'Unifor a eu lieu du 28 au 30 octobre au Centre familial d’éducation d'Unifor à Port Elgin, en Ontario. L’accent a été mis sur le harcèlement – en ligne et sur le terrain – et ses répercussions sur les travailleuses et travailleurs du secteur des médias, ainsi que sur les mesures de soutien que le syndicat s'efforce de mettre en place, comme le site Web Vous trouverez de l’aide ici.

« Nos membres sont réellement mis à rude épreuve et coincés dans ces milieux de travail toxiques et, dans certains cas, leur santé mentale en souffre vraiment, a déclaré Jennifer Moreau, présidente du Conseil des médias. Dans certains cas extrêmes, les journalistes ont quitté le secteur. »

Le point culminant pour les journalistes canadiens a été en octobre 2021, lorsque le chef du Parti populaire du Canada, Maxime Bernier, a incité ses partisans à « jouer sale » avec les journalistes, ajoute Mme Moreau.

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Jennifer Moreau speaks at the mic

« Quand j'entends les histoires de nos membres, qui se font piéger sur le chemin du travail ou de personnes qui ont trop peur d’afficher les couleurs de leur entreprise sur leur véhicule, je me dis que ce n'est qu’une question de temps avant que quelque chose de grave se produise et que quelqu’un ne soit blessé. Et ça ne fait qu’empirer », ajoute-t-elle.

Unifor a mené un sondage fin 2021-début 2022 pour recenser les expériences de harcèlement vécues par les journalistes. Mme Moreau souligne que les points essentiels à retenir sont que les femmes, les journalistes de couleur et les membres de la communauté LGBTQ2S sont touchés de manière disproportionnée par le harcèlement, que les travailleuses et travailleurs des médias aimeraient avoir une personne à qui s’adresser en cas de harcèlement, et que les conventions collectives soient claires sur la manière de signaler les cas de harcèlement.

Lors d’un débat d’experts animé par Shree Paradkar, chroniqueuse au Toronto Star, les journalistes Angelyn Francis et Nora Loreto ont parlé en toute authenticité des attaques personnelles qu’elles reçoivent en ligne.

Mme Loreto a raconté qu'en 2018, elle a publié un gazoulli sur les 4 millions de dollars de dons (alors) amassés pour les victimes de l'accident d'autobus des Broncos de Humboldt, soulignant que « le fait que les victimes soient des hommes, qu’ils soient jeunes et qu’ils soient blancs [avait], bien sûr, joué un rôle important. » Elle continue encore aujourd’hui de subir de la haine à cause de cela, le harcèlement allant jusqu’à des dénonciations aux services de protection de l’enfance et à des menaces contre sa grand-mère.

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Panels on an online harassment panel

« Cela a provoqué un gigantesque feu de forêt, a expliqué Mme Loreto sur scène. Jason Kenney et Sarah Palin s’en sont mêlés. J’ai eu 35 millions de réactions sur Twitter en quatre jours et je recevais un message toutes les huit secondes, que ce soit sur Facebook, Twitter ou par téléphone. Ces tactiques sont cruelles. »

Ce type de mauvais traitements peut engendrer une frilosité journalistique, en ce sens que les journalistes peuvent hésiter à couvrir certains sujets s'ils sont continuellement harcelés et que les employeurs peuvent décider de freiner et de retirer les journalistes de certaines tâches ou de limiter d'autres occasions, selon Mme Francis.

Pendant la conférence, les délégués ont participé à des ateliers en petits groupes sur le harcèlement en ligne et les milieux de travail toxiques, notamment sur les points suivants :

  • Les employeurs ont la responsabilité de veiller à ce que le lieu de travail soit exempt de violence et de harcèlement, et pour les journalistes, le lieu de travail comprend la sphère publique et les espaces en ligne.
  • Le harcèlement des journalistes est une question de santé et sécurité, d'équité, et de liberté de presse. Les femmes, les journalistes de couleur et les membres de la communauté LGBTQ+ sont touchés de manière disproportionnée, et l'objectif est de réduire au silence les travailleuses et travailleurs des médias.
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Delegates discussing during training module

« Ce fut un week-end riche en discussions sur ces questions relatives aux salles des nouvelles, a déclaré Randy Kitt, directeur du secteur des médias d’Unifor. Nous devons éduquer nos dirigeants syndicaux sur cette forme de harcèlement, sur la manière de le combattre et de soutenir nos journalistes et travailleuses et travailleurs des médias. »

Dans son allocution, la présidente nationale d’Unifor, Lana Payne, qui est une ancienne journaliste, a déclaré que le syndicat s'oppose toujours avec force au harcèlement, au sexisme et au racisme et que les syndicats des médias, les employeurs des médias et les gouvernements ont tous un rôle à jouer pour démanteler la misogynie et le racisme qui alimentent cette culture.

« Les employeurs du secteur des médias doivent cesser de se déresponsabiliser sous prétexte que le harcèlement se produit en ligne ou dans les espaces publics, a déclaré Mme Payne. C’est tout de même votre lieu de travail. »

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Lana Payne

Mme Payne a déclaré que lors de ses entretiens avec certains des principaux intervenants des médias au cours des deux dernières semaines, cette question a été l'une des priorités qu'elle a mises de l’avant.

« Les journalistes travaillent partout. Il est de la responsabilité des employeurs d'en faire plus, a-t-elle déclaré. Mais comme c'est souvent le cas, ils ont besoin qu'on les pousse. Ils auront besoin d'être convaincus, ils auront besoin que nous proposions des solutions. »

Matthew Pearson, professeur à l’université Carleton – qui a présenté un exposé sur les traumatismes et le journalisme – a expliqué aux délégués du conseil que les journalistes qui couvrent des histoires traumatisantes vivent des répercussions sur le plan de la santé mentale, et sont notamment exposés à des risques élevés d'épuisement professionnel, d’anxiété, de colère, de cauchemars, d’incapacité à dormir et de pensées suicidaires.

« Le traumatisme dépasse la capacité d'une personne à faire face à la situation et implique une expérience de perte de contrôle, a-t-il déclaré. Une partie du problème est que personne ne veut passer pour faible [aux yeux des employeurs]. Il faut un changement de culture. »

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Matthew Pearson speaks at podium

Les délégués ont également entendu le récit déchirant de la fuite du journaliste de télévision et satiriste afghan Siar Mateen, qui a quitté son pays lorsque les talibans l'ont envahi en août.

M. Mateen est arrivé au Canada avec sa famille à la fin du mois de septembre, grâce au partenariat d’Unifor avec Journalistes pour les droits de la personne, qui ont travaillé ensemble pour faire venir huit familles et d'autres personnes – une cinquantaine au total – et les aider à obtenir l'asile, tout en fournissant un soutien et des ressources à de nombreux autres Afghans en fuite.

Le syndicat national Unifor, le Fonds de justice sociale et les médias locaux ont donné plus de 200 000 $ pour venir en aide aux travailleuses et travailleurs des médias afghans, à Femmes canadiennes pour les femmes en Afghanistan et à d’autres organisations.

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Siar Mateen

M. Mateen a annoncé au public qu'il avait produit un spectacle de comédie critique qui dénonce les injustices subies par les femmes en Afghanistan. Il jouait souvent des femmes dans ses œuvres, ce qui lui valait des menaces de mort de la part des talibans et du gouvernement corrompu. Il s'est mis à pleurer en décrivant comment ses collègues ont été assassinés pendant l'enregistrement d'une émission.

Lui et sa famille se sont précipités vers l'aéroport en août, mais celui-ci avait déjà été envahi par les soldats talibans. Il a pu fuir avec d'autres journalistes et leurs familles, qui ont prétendu être des invités célébrant un mariage pour passer les postes de contrôle des talibans et, finalement, se mettre en sécurité.

« Le jour le plus heureux de ma vie, celui où j'ai pu fuir, a déclaré M. Mateen. Il y a toujours de la lumière au bout du tunnel et je suis très reconnaissant envers le peuple canadien. »

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A delegate speaks at the mic at Media Council
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