Une victoire syndicale dans une usine automobile du Mexique redonne espoir aux travailleuses et travailleurs

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GM Silao plant in Mexico
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Cet article a d’abord été publié dans le Hill Times.

Par Angelo DiCaro et Laura Macdonald

Les militantes et militants des droits des travailleuses et travailleurs du Mexique ont remporté une grande victoire le 26 mai dernier lorsque les employés de la plus grande usine automobile de General Motors, située dans la ville de Silao, ont ratifié une première convention collective négociée par leur nouveau syndicat élu de façon indépendante, le Syndicat indépendant des travailleurs de l’industrie automobile du Mexique (SINTTIA).

L’usine de camions de Silao, construite en 1996 dans la foulée de l’Accord de libre-échange nord-américain (ALENA), est devenue le symbole de l’échec lamentable du libre-échange pour les travailleuses et travailleurs. Aujourd’hui, elle est un exemple de ce qu’il est possible de réaliser après la renégociation de l’ALENA, qui comprenait des dispositions visant à renforcer la voix des travailleurs au Mexique.

Les travailleuses et travailleurs de l’automobile de Silao assemblent certaines des camionnettes les plus lucratives vendues en Amérique du Nord, mais ne gagnent qu’une fraction des salaires versés aux travailleurs des États-Unis et du Canada, un déséquilibre qui a contribué à l’érosion collective des normes de travail, nuisant aux travailleurs de tout le continent.

Jusqu’à récemment, les travailleuses et travailleurs de Silao (comme la plupart des travailleuses et travailleurs industriels au Mexique) étaient représentés par un syndicat associé à l’ancien système corrompu de relations de travail du pays, dirigé par une fédération notoirement antidémocratique.

Dans le cadre de ce système, les entreprises pouvaient conclure des ententes et signer des conventions collectives sans l’avis ou même à l’insu de leurs employés, parfois même avant leur embauche. Ces ententes, connues sous le nom de « contrats de protection », maintenaient les salaires artificiellement bas au Mexique, sapaient la démocratie industrielle, et encourageaient l’abus des droits des travailleurs.

Étonnamment, l’entente conclue est l’une des premières à émerger d’un nouveau processus novateur mis en place après la signature de l’Accord Canada–États-Unis–Mexique (ACEUM). Ce processus avait pour but de soutenir les efforts de réforme du Mexique, entrepris en 2019, afin de promouvoir la démocratie industrielle et d’éradiquer la corruption syndicale. La réforme du travail vise à légitimer les conventions collectives dans chaque milieu de travail en imposant des votes libres et secrets, harmonisant la législation mexicaine avec les normes internationales du travail. Elle a également établi de nouveaux tribunaux administratifs pour faire appliquer la loi, ainsi qu’un nouveau centre fédéral de conciliation et de registre du travail pour superviser les élections syndicales et la ratification des ententes.

Les militants espéraient que cet effort de réforme du travail donnerait une nouvelle orientation aux relations de travail dans ce pays. D’autres pensaient qu’il était naïf de croire qu’une telle initiative pourrait apporter des changements significatifs en raison de la corruption profondément enracinée dans le système mexicain. La lenteur abyssale avec laquelle la réforme a progressé depuis 2019 semblait donner raison aux sceptiques.

Puis, l’ACEUM et ses règles beaucoup plus strictes en matière de commerce et de travail sont entrées en jeu.

Une disposition spéciale de l’accord appelée le mécanisme syndical de réponse rapide, qui est propre à chaque entreprise et défendue par les démocrates américains, a accentué les pressions exercées sur les entreprises mexicaines pour qu’elles soutiennent la mise en œuvre de la réforme du travail. Ce mécanisme novateur permet à une partie de déposer une plainte directe et de demander une enquête indépendante à un groupe d’experts du droit du travail si elle estime qu’une entreprise porte atteinte aux droits des travailleuses et travailleurs de former des syndicats et de participer à des négociations collectives dans une entreprise spécifique. Les sanctions prévues pour une telle ingérence comprennent une interdiction totale au chapitre des exportations.

L’usine de Silao est l’un des nombreux milieux de travail où le mécanisme syndical de réponse rapide a été appliqué, à la suite d’accusations de falsification des votes, de truquage des bulletins de vote et d’intimidation des travailleurs par le syndicat de l’ancienne garde lors des premiers votes de légitimation.

Les 6 300 travailleuses et travailleurs de l’automobile de Silao ont non seulement utilisé la plateforme d’un vote libre, équitable et secret pour rejeter massivement le syndicat corrompu, mais ils ont également élu le SINTTIA, un syndicat indépendant, pour les représenter à la table de négociation avec General Motors et obtenir leur première convention collective équitable.

Cette nouvelle convention de 2 ans, ratifiée par les travailleurs de l’usine la semaine dernière, comprend une hausse salariale de 8,5 %, une amélioration considérable par rapport à la hausse de 3,5 % offerte initialement par l’entreprise. En plus des autres avantages prévus dans la convention, l’augmentation totale s’élève à 13,8 %. La nouvelle convention collective a reçu un soutien retentissant : 85 % des travailleuses et travailleurs qui ont voté se sont prononcés en faveur de sa ratification.

Les travailleurs mexicains font toujours face à des défis de taille, et des dizaines de milliers de contrats de protection sont encore en vigueur au pays. La victoire des travailleuses et travailleurs de Silao constitue toutefois un signal fort pour les employeurs et les autres travailleurs, qui savent qu’ils peuvent contester les conditions de leurs anciennes ententes et qu’un changement positif est possible pour les travailleurs mexicains.

Le mécanisme syndical de réponse rapide offre également un nouveau cadre prometteur pour les conflits de travail, lequel pourrait être adopté dans d’autres accords de libre-échange afin de garantir que la hausse des échanges commerciaux et des investissements ne se fasse pas au détriment des droits fondamentaux de la personne.

Angelo DiCaro est directeur du Service de recherche d’Unifor, le plus grand syndicat du secteur privé au Canada. Laura Macdonald est professeure au département de sciences politiques de l’Université Carleton.