Une stratégie industrielle qui donne du souffle à l’économie canadienne

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--Lana Payne

L’économie industrielle du Canada reprend de la vigueur.

En avril dernier, Volkswagen annonçait son intention de construire sa toute première usine nord-américaine de fabrication de cellules de batteries en Ontario. Cette décision faisait suite à une impressionnante et historique série d’investissements dans le secteur automobile au cours des trois dernières années, catalysés par les engagements obtenus par notre syndicat lors des négociations de la convention 2020 avec les constructeurs automobiles de Détroit, notamment chez Ford, Stellantis et, plus tard, chez General Motors. Et malgré des mois de négociations complexes et difficiles, Stellantis et LG Energy ont repris la construction de leur mégaprojet automobile à Windsor - un pilier de l’empreinte croissante de Stellantis en matière de production de véhicules électriques au Canada. 

En moins de trois ans, l’industrie automobile canadienne est passée de « désuète » à « toute puissante » dans le domaine de la fabrication au niveau mondial.  Les constructeurs automobiles investissent des dizaines de milliards de dollars dans des usines de production et des villes-usines à travers le pays - soit quelque 25 milliards de dollars au dernier recensement - pour créer un secteur automobile véritablement pancanadien, depuis les minéraux essentiels jusqu’à l’assemblage des véhicules. Les deux plus importants investissements dans des usines de l’histoire du Canada sont survenus au cours des douze derniers mois. 

Des dizaines de milliers d’emplois sont créés et conservés dans le secteur manufacturier, sans compter les dizaines de milliers d’emplois dérivés qui s’ajoutent à l’empreinte de l’emploi au Canada. Les espaces industriels inoccupés redeviennent des centres de production et de recherche de la prochaine génération, ce qui permet au Canada d’atteindre l’objectif de l’énergie nette zéro. L’industrie manufacturière est depuis longtemps un bastion de bons emplois syndiqués dans le secteur privé et un moteur économique pour les économies régionales, et elle reçoit maintenant une véritable bouffée d’oxygène.

Précisons toutefois que ce qui se passe dans le secteur de l’automobile n’est pas le fruit du hasard.

Aucune force théorique du marché ne nous guide vers de nouveaux programmes d’assemblage et de nouvelles usines de batteries, ce qui rend un peu nerveux certains économistes dans leur tour d’ivoire, adeptes des réductions d’impôts. 

Le fait est que cette renaissance industrielle se produit parce que les gouvernements investissent dans sa réalisation. 

Il n’y a pas si longtemps, le secteur manufacturier canadien - et les quelque 2 millions de travailleuses et travailleurs qu’il emploie - était considéré par beaucoup comme pratiquement mort.

D’une certaine manière, la volonté de produire physiquement des biens au Canada était devenue un symbole d’échec économique. Des politiciens étaient réfractaires à l'idée que les gouvernements investissent des fonds pour cibler et remporter de nouveaux mandats de produits mondiaux - des investissements directs qui se traduiraient en une croissance de l'emploi, des retombées industrielles et une nouvelle activité économique. 

Malheureusement, au cours des dernières décennies, le Canada préférait emprunter la voie de la facilité. Les gouvernements ont poursuivi sans relâche la mise en place d’accords de libre-échange, principalement pour aider à vendre des ressources naturelles au monde entier, sans ancrage industriel national. Les milieux d’affaires ont bénéficié d’une réduction de l’impôt sur les sociétés et d’un assouplissement des règles, sans aucune obligation d’investir dans notre pays ou dans nos travailleuses et nos travailleurs. Rappelons que le gouvernement Harper a amputé le budget du Canada de 60 milliards de dollars par le biais de cadeaux fiscaux aux entreprises, sans que cela ne rapporte quoi que ce soit.

Le problème est le suivant :  Sans investissements stratégiques ni vision économique, ce sont les les travailleuses et les travailleurs qui sont toujours les perdants.

Pendant des décennies, nous avons sonné l’alarme quant aux risques de cette pratique, une preuve supplémentaire ayant été fournie par la COVID qui a mis en évidence la fragilité et les risques des chaînes d’approvisionnement.

Cette délocalisation du travail explique en partie pourquoi l’industrie automobile canadienne a reculé de manière aussi marquée en 20 ans, réduisant presque de moitié sa capacité de production, fermant quatre usines d’assemblage de véhicules et supprimant près de 50 000 emplois.

C’est également la raison pour laquelle le Canada est à la traîne dans d’autres secteurs industriels, tels que la sidérurgie, la construction navale, les chemins de fer, la fabrication d’autobus et l’aérospatiale, et bien d’autres encore.

Se croiser les doigts et espérer que tout ira pour le mieux en matière de développement économique n’est jamais une bonne stratégie.  Aujourd’hui, les gouvernements investissent enfin dans de véritables lieux de travail et dans l’emploi.

En investissant directement dans de grands projets industriels, les pouvoirs publics disposent d’un nouveau levier, en tant que parties prenantes, pour maximiser les retombées économiques pour les Canadiennes et les Canadiens. En échange de la signature d’un accord de soutien à la nouvelle usine de batteries de Windsor, les gouvernements ont posé comme condition que Stellantis respecte les mandats de production pour son usine d’assemblage de Brampton. C’est de bon augure pour les membres d’Unifor à l’usine. 

Unifor attend des sociétés recevant des fonds publics qu’elles ne se limitent pas à respecter les droits des travailleuses et travailleurs à se syndiquer, mais qu’elles leur permettent d’exercer ces droits - par le biais d’ententes de reconnaissance volontaires et en s’engageant à rester neutres et non conflictuels lors des campagnes de recrutement.  La tolérance zéro doit être de mise pour tout manquement à cette règle.

Le renforcement de l’économie par le biais d’une stratégie industrielle était autrefois tabou au Canada. Le voilà désormais de retour et nous en sommes d’autant plus ravis.

Cette stratégie nous libère des croyances qui lient le destin économique du Canada au libre marché, aux caprices du capital mondial - et à la ligne de chômage.

Cela nous permet enfin de croire en l’avenir, de construire en grand et de maximiser les avantages pour les travailleurs et les travailleuses à travers le pays.