Une lutte pour de bons emplois dans le commerce de détail est souhaitable depuis longtemps

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Jerry Dias, président national d’Unifor

La grève des 1 400 travailleuses et travailleurs des épiceries Dominion appartenant à Compagnies Loblaw limitée à Terre-Neuve-et-Labrador, maintenant dans sa 11e semaine, restera dans l’histoire comme le plus important conflit de travail canadien de la pandémie de COVID-19.

Il s’agit d’abord d’un conflit portant sur les normes fondamentales du travail, les salaires et la sécurité d’emploi. Mais en creusant un peu plus, nous nous rendons vite compte que ce conflit est en fait une question d’équité, de décence et de respect dans le secteur de la vente du détail à faible salaire au Canada.

Les négociations, qui avaient bien commencé avant le début de la pandémie, portaient essentiellement sur les mauvais traitements infligés aux travailleuses et travailleurs à temps partiel, les réductions constantes des emplois à temps plein, les salaires de misère, les heures de travail limitées, ainsi que l’absence de congés de maladie payés et d’avantages sociaux.

Malheureusement, cette situation, qui dure depuis des décennies, est caractéristique pour la plupart des travailleurs du commerce de détail, l’un des plus grands secteurs d’emploi au Canada.

Depuis 1987, la croissance des emplois à temps partiel dans le commerce de détail a largement dépassé celle du travail à temps plein. En 2019, le salaire moyen du personnel à temps plein dans le commerce de détail était de moins de 15 $ l’heure à l’échelle nationale, l’un des plus bas de toutes les professions évaluées par Statistique Canada, loin d’être un salaire de subsistance dans la plupart des villes.

La décision de Loblaw d’annuler une indemnité spéciale de 2 $ l’heure, alors que la pandémie persiste et que les bénéfices augmentent, n’a pas été le catalyseur de ce conflit en réalité. C’est simplement la goutte qui a fait déborder le vase.

La campagne a bénéficié d’un soutien quasi universel de la part du public et conquis le cœur et l’esprit de nombreuses personnes, notamment de politiciens locaux, de célébrités et d’auteurs-compositeurs. Il est difficile de ne pas sympathiser avec un groupe de travailleuses et travailleurs, dont certains sont si peu payés qu’ils ne peuvent même pas se permettre de faire leurs courses là où ils travaillent.

Le fait que cela se produise sous le toit du détaillant le plus riche du Canada, appartenant à Weston, une famille canadienne milliardaire incroyablement riche, rend la situation encore plus exaspérante.

Les pourparlers ont repris brièvement la semaine dernière, mais Loblaw refuse toujours de céder. L’employeur refuse de reconnaître que la pandémie a modifié les attentes des travailleurs du commerce de détail envers leurs employeurs.

Refuser obstinément de reprendre des discussions sérieuses avec notre syndicat revient à pointer du doigt des centaines de milliers de travailleuses et travailleurs de première ligne du commerce de détail qui gagnent présentement des salaires inférieurs aux normes.

Le rejet constant par Loblaw de politiques globales sur les salaires de subsistance signifie que plus de 2 millions de travailleuses et travailleurs de l’industrie sont condamnés à lutter pour joindre les deux bouts.

La situation soulève la question suivante : que faut-il faire?

Comment les travailleuses et travailleurs du commerce de détail du Canada peuvent-ils renverser la vapeur?

Bien franchement, c’est compliqué.

Les emplois peu rémunérés entraînent souvent un grand roulement de personnel. Il n’est pas rare que des travailleurs du commerce de détail quittent un mauvais emploi plutôt que de rester et se battre pour le changement.

La pandémie a également accéléré les changements des habitudes d’achat, alors que les clients sont moins nombreux à se rendre dans les magasins et que les entreprises se tournent vers l’automatisation. Les répercussions sur les travailleurs restent à déterminer et, à l’instar d’autres secteurs, elles pourraient entraîner une redistribution du travail plutôt que son élimination, à mesure que les services en ligne et de livraison gagnent en popularité.

Malgré les difficultés, le changement doit commencer quelque part.

Comme les Terre-Neuviens le montrent au reste du pays, il s’agit peut-être de commencer simplement par dire non.

Non aux bas salaires, non aux mauvais traitements, non à l’inégalité.

Ce sont des principes que tous les Canadiens et Canadiennes peuvent défendre.

Il est difficile de savoir si ces efforts inciteront des dizaines de milliers d’autres travailleuses et travailleurs de Loblaw à prendre position contre un employeur cupide, ou si un plus grand nombre d’entre eux exerceront leur droit de se syndiquer.

La situation déclenchera peut-être des réformes du travail attendues depuis longtemps, rendant obligatoires un salaire minimum de 15 $ l’heure, des congés de maladie payés et d’autres mesures nécessaires.

Cette lutte historique dans la province inspirera peut-être des millions de travailleuses et travailleurs du commerce de détail, syndiqués ou non, à débrayer lors d’une journée nationale de protestation.

Quelle que soit la manière de faire, il faut agir.

Les travailleuses et travailleurs du commerce de détail du Canada attendent déjà depuis trop longtemps.