Partager
Je salue les honorables membres du Sénat et mes collègues panélistes.
Je m’appelle Lana Payne. Je suis la présidente nationale du syndicat Unifor, qui représente 320 000 travailleuses et travailleurs dans tout le pays, dont 70 000 travaillent dans des secteurs privés sous réglementation fédérale, comme les transports aérien, routier, ferroviaire et maritime, ainsi que les télécommunications et les médias.
Aujourd’hui, je vous parle de la Nouvelle-Écosse, au Canada atlantique, où 200 dirigeantes et dirigeants des sections locales d’Unifor se sont rassemblés pour leur assemblée annuelle.
Aujourd’hui, ils ont remercié nos 230 membres qui travaillent à Autoport, une filiale du très puissant et lucratif Canadien National. Ces membres ont été remerciés pour leur courage.
Pour leur courage, parce que pendant une grève de cinq semaines, ces travailleuses et travailleurs ont tenu tête à un employeur qui embauchait des briseurs de grève, du personnel de remplacement, pour les décourager, les démoraliser, les empêcher d’obtenir un contrat acceptable pendant une crise d’accessibilité financière.
Le CN engageait des briseurs de grève alors même que le projet de loi C-58 était débattu et appuyé par vos collègues de la Chambre des communes.
Imaginez à quel point ce fut difficile pour nos membres de prendre la décision de faire la grève contre un employeur comme le CN, qui engrange des bénéfices de plusieurs milliards de dollars et qui verse un salaire annuel de 13 millions de dollars à son président-directeur général.
Ce n’est jamais facile de prendre la décision de se mettre en grève, de tout risquer, de se priver d’un chèque de paye, dans le but de réparer les injustices de son milieu de travail et d’améliorer ses conditions de travail.
Le projet de loi C-58 est absolument nécessaire pour protéger les droits et la dignité des travailleuses et travailleurs canadiens. Les droits fondamentaux de négocier collectivement et de faire la grève en cas de besoin ont été conquis au bout de luttes ardues menées par la classe ouvrière pendant plusieurs générations, sont protégés dans la Charte des droits et libertés et ont été confirmés par la Cour suprême.
Cette loi est également nécessaire pour moderniser notre système de relations de travail afin de tenir compte du contexte social et économique actuel de notre pays et du monde d’aujourd’hui, où la puissance et la richesse accrues des entreprises nécessitent un contrepoids efficace.
Notre syndicat estime que le projet de loi C-58 est nécessaire pour rétablir l’équilibre dans les négociations entre travailleurs et employeurs, pour uniformiser les règles du jeu et faire respecter les principes d’équité et de justice dans les relations de travail.
Il est rare qu’un projet de loi important pour les travailleuses et travailleurs soit adopté avec l’appui de tous les membres de la Chambre des communes, comme ce fut récemment le cas pour le projet de loi C-58.
Ce large appui témoigne du succès de l’action militante menée pendant des dizaines d’années par les travailleuses et travailleurs pour défendre leurs droits.
Cependant, l’opposition manifestée contre l’ajout dans la législation de protections pour ces droits indique également que nous devons continuer notre œuvre afin de donner aux travailleuses et travailleurs la capacité d’améliorer leurs conditions.
Le but même d’une grève, qui consiste à appliquer des pressions économiques sur l’employeur afin de parvenir à une entente équitable, est radicalement mis en péril lorsque l’employeur emploie des briseurs de grève ou, comme c’est souvent le cas, s’il menace d’embaucher des briseurs de grève pendant que nous sommes assis en face de lui à la table de négociation.
Le recours à du personnel de remplacement accroît la virulence des conflits de travail et prolonge leur durée jusqu’à six fois de plus.
Les groupes de pression des entreprises du Canada (chambres de commerce, Employeurs des transports et de communications de régie fédérale, Manufacturiers et exportateurs du Canada, et la Fédération canadienne de l’entreprise indépendante) se sont énergiquement opposés à cette nouvelle loi.
Et je dois signaler qu’il y a au Canada beaucoup d’exemples d’employeurs qui sont prêts à violer les droits de négocier collectivement des travailleuses et travailleurs et à employer du personnel de remplacement. C’est pour cette raison que je suis devant vous aujourd’hui, pour insister une fois de plus sur l’absolue nécessité de cette loi.
L’expérience m’a appris que les travailleuses et travailleurs de remplacement n’aident pas les parties à parvenir à une entente négociée. Ils ne l’ont jamais fait et ne le feront jamais. Le recours aux briseurs de grève est l’un des moyens utilisés par les employeurs pour affamer les travailleuses et travailleurs, leur enlever leurs moyens de défense, les démoraliser et les obliger à se contenter de moins.
Les opposants n’ont pas cessé de réclamer des exemptions au projet de loi dans le but de protéger notre « sécurité économique » ou même nos soi-disant « intérêts nationaux ».
Je tiens à préciser que le fond du problème n’est pas que certains employés ont un trop grand pouvoir économique, ce qui est d’ailleurs une notion ridicule étant donné le régime économique dans lequel nous vivons.
Non, le problème de fond est que les employeurs ont un trop grand pouvoir économique et qu’ils n’ont pas investi dans la création de chaînes d’approvisionnement et d’infrastructures résilientes, dont ils sont en principe responsables.
Les grèves ne sont pas des situations aussi désastreuses que ce que prétendent les employeurs et la décision de faire la grève a pour conséquence d’immenses risques et sacrifices pour les travailleuses et travailleurs.
Les grèves sont des interruptions de travail d’une durée limitée, assorties de solutions connues et, souvent, de délais connus, pour lesquels il est possible de se préparer en conséquence par une réorientation en dehors des parties du système faisant l’objet du conflit.
D’autres problèmes, comme les changements climatiques, la montée de la haine dans le monde, la santé et les désastres économiques, représentent une bien plus grande menace pour nos chaînes d’approvisionnement, bien que leur impact ne soit pas encore connu ni prévisible.
Les relations de travail pacifiques au Canada - et dans le monde entier d’ailleurs - reposent sur les principes de la négociation collective libre et équitable. Des principes qui améliorent les conditions de vie et de travail des travailleuses et travailleurs canadiens.
Des lois anti-briseurs de grève ont été adoptées dans quelques provinces du Canada et ailleurs dans le monde. Le Québec et la Colombie-Britannique ont mis en place des lois anti-briseurs de grève et d’autres provinces ont entrepris de suivre leur exemple.
Nous demandons aux membres du Sénat de respecter le large consensus politique et démocratique qui a été établi et de rapidement donner leur aval au projet de loi C-58.
Je vous remercie de m’avoir donné l’occasion de vous parler aujourd’hui et je me ferai un plaisir de répondre à vos questions.