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Comité permanent du commerce international
« Faits récents concernant le différend commercial entre le Canada et les États-Unis sur le bois d’œuvre »
Bonjour à vous, membres du Comité permanent du commerce international, députés et invités. Je m’appelle Lana Payne et je suis présidente d’Unifor, le plus grand syndicat du secteur privé au Canada, qui représente plus de 320 000 membres dans l’ensemble du pays qui travaillent dans tous les grands secteurs de l’économie canadienne.
Nos 22 100 membres du secteur forestier sont répartis dans 10 provinces canadiennes et occupent diverses professions liées à la foresterie et à l’exploitation forestière, ainsi que dans des usines de fabrication de produits du bois et de pâtes et papiers.
Le Québec accueille la plus forte concentration de membres du secteur forestier, soit 55 % de l’ensemble de nos membres du secteur, alors que l’Ontario et la Colombie‑Britannique en comptent respectivement 22 % et 14 %. Nous avons également des membres travaillant dans des usines situées dans le Canada atlantique et la région des Prairies.
Bien que le différend relatif au bois d’œuvre représente un danger manifeste, j’aimerais rappeler au Comité que le secteur forestier canadien est pris dans une tempête parfaite de crises récurrentes et entrecroisées, et qu’une combinaison de difficultés économiques, environnementales et mondiales continue de déstabiliser l’industrie forestière dans son ensemble.
Les feux de forêt ont été moins destructeurs cette année, mais tout de même graves.
D’importants efforts de conservation continuent de compliquer la planification à long terme dans le secteur.
La volatilité et la stagnation des prix amènent encore et toujours les entreprises à réfléchir à deux fois avant d’investir.
Les nouvelles réglementations de l’Union européenne pourraient avoir un impact négatif sur la capacité de vendre des produits forestiers canadiens sur ce marché et dans le reste du monde.
Toutes ces crises ont été catastrophiques pour les travailleuses et travailleurs forestiers, leur famille et leur communauté.
Le récent doublement des taux de droits combinés et la menace imminente de nouvelles hausses portent un coup dévastateur au secteur forestier canadien. Nous sommes certains que ces augmentations entraîneront des fermetures d’entreprises. Et c’est sans compter les tarifs douaniers supplémentaires de 25 % que Donald Trump menace d’imposer et qui, s’ils le sont, paralyseront le secteur.
Les parties prenantes de l’industrie forestière du Canada n’ont pas toujours formé un front uni sur cet enjeu, et c’est particulièrement vrai pour les entreprises forestières elles‑mêmes. Notamment, nous sommes très inquiets de constater que certaines entreprises forestières canadiennes dirigent leurs investissements vers leurs activités aux États-Unis alors qu’elles se retirent du marché canadien et abandonnent leurs activités au Canada.
Toutefois, il est important de reconnaître que de chercher un coupable n’aidera pas les travailleuses et travailleurs forestiers et leur famille, ni les centaines de communautés à la grandeur du pays qui dépendent de la foresterie pour assurer leur survie. Le profond déséquilibre de pouvoir dans nos relations commerciales avec les États-Unis demeure le principal enjeu auquel nous faisons face. Pointer du doigt le Canada ou lui en décharger la faute ne changera rien au fait que les États-Unis disposent de tous les atouts dans ce différend.
Mais tout n’est pas perdu. Malgré l’augmentation de la production chez les producteurs américains de bois d’œuvre, les entreprises américaines de bois d’œuvre ne disposent toujours pas d’une capacité suffisante pour répondre à tous les besoins du pays en la matière.
L’industrie américaine de la construction résidentielle a toujours besoin de bois d’œuvre canadien et ces tarifs douaniers punitifs font grimper les coûts de construction et rendent l’accession à la propriété moins abordable pour la main-d’œuvre américaine. De nombreux alliés se sont joints à notre combat et nous avons des arguments raisonnables à faire valoir en notre faveur.
Il est essentiel que nos dirigeants élus, les gouvernements de tout le pays, les travailleuses et travailleurs forestiers et leurs syndicats, ainsi que les autres parties prenantes du secteur forestier unissent leurs forces pour trouver des solutions à ce différend regrettable et inutile.
J’aimerais terminer mes observations sur une note d’espoir et d’optimisme, qui font défaut dans trop de discussions sur l’industrie forestière canadienne. Le différend relatif au bois d’œuvre rappelle que cette industrie demeure beaucoup trop tributaire de l’extraction de ressources brutes de premier ordre.
Nous avons une occasion unique de promouvoir et de soutenir une production de niveau supérieur, et d’y investir, et de créer des produits et des systèmes forestiers à valeur ajoutée ici même au Canada.
Les produits et les systèmes novateurs comme les produits en bois d’ingénierie, les constructions à charpente en bois, les composants modulaires et les biocarburants représentent une chance inouïe de développer le secteur, de créer de nouveaux emplois forestiers et d’accroître l’activité et la productivité du développement économique.
Nous avons besoin d’une stratégie industrielle coordonnée, exhaustive et inclusive pour contribuer à la transformation de notre secteur forestier. Il s’agit de la stratégie de redéveloppement la plus ambitieuse et la plus audacieuse des temps modernes.
Il faudra élaborer une approche sectorielle globale et collective mobilisant tous les ordres de gouvernement, les entreprises forestières, les groupes industriels forestiers, les communautés autochtones, le milieu universitaire, les experts, les écologistes, les écoles forestières, la main-d’œuvre, les syndicats et les communautés locales.
Cette transformation se traduira par de meilleurs emplois, des forêts plus durables et un développement économique plus responsable, mais elle nous protégera aussi mieux de la menace tarifaire permanente relative au bois d’œuvre.