Réponse d'Unifor au projet de règlement sur l'équité salariale dans les secteurs sous règlementation fédérale

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Lori Straznicky, Directrice exécutive, Projets spéciaux

Objet:   Observations d’Unifor concernant la Gazette du Canada, Partie I, volume 154, numéro 46 : Règlement sur l'équité salariale, 14 novembre 2020

Nous écrivons au nom d'Unifor en réponse au texte du projet de règlement par le gouverneur en conseil et publié dans la Gazette du Canada, Partie I, volume 154, numéro 46 : Règlement sur l'équité salariale (le « règlement »), qui a été diffusé le 14 novembre 2020. Unifor souhaite profiter de cette occasion pour présenter ses observations en réponse au projet de règlement.

Unifor est heureux que le gouverneur en conseil prenne des mesures pour mettre en œuvre la Loi sur l'équité salariale, S.C. 2018, c. 27, art. 416 (la « Loi »). Cette Loi promet, enfin, de mettre en œuvre un régime proactif d'équité salariale qui permettra de remédier à l'écart salarial entre les sexes pour les travailleuses et travailleurs sous réglementation fédérale dans les catégories d'emploi à prédominance féminine.

Le règlement tel que rédigé contient néanmoins plusieurs défauts qui, selon Unifor, empêcheront les travailleuses des catégories d'emploi à prédominance féminine de réaliser la promesse d'équité salariale. Ces défauts doivent être corrigés si l'on veut que la Loi soit efficace pour combler l'écart salarial entre les sexes.

Nous apprécions l'objectif du règlement de simplifier l'analyse de l'équité salariale et de donner des conseils pour aider les utilisateurs. Les représentants des travailleuses et travailleurs sont des profanes et il est peu probable qu'ils aient une expérience préalable de l'application de divers facteurs, méthodes et formules d'équité salariale. Le manque de ressources est particulièrement vrai pour les représentants des travailleuses et travailleurs, mais peut également l'être pour les petites entreprises. Il est important que les règlements facilitent une analyse efficace de l'équité salariale. Le règlement actuel ne le fait pas, risque de faire échouer l'exercice et d'empêcher les travailleuses des catégories d'emploi féminines de parvenir à l'équité salariale entre les sexes. Unifor invite donc le gouvernement à simplifier autant que possible les facteurs, les méthodes et les calculs figurant dans le règlement.

Unifor exhorte donc le gouvernement à simplifier le projet de règlement autant que possible. Unifor exhorte également le gouvernement à ajouter dans le règlement une exigence pour les employeurs de fournir une formation sur le fonctionnement de la Loi et de ses règlements aux membres de son comité, lorsqu'un comité est en place. Nous demandons que ces révisions soient faites le plus rapidement possible afin que la Loi puisse entrer en vigueur le plus tôt possible.

À PROPOS D’UNIFOR

Unifor est le plus grand syndicat du secteur privé au Canada. Nous représentons 315 000 travailleuses et travailleurs des secteurs privé et public dans toutes les régions du Canada, travaillant dans plus de 20 secteurs définis de l'économie, y compris les ressources, la fabrication, l'hôtellerie et le transport. Plus d'un tiers de nos membres sont des femmes. Environ 77 000 des membres d'Unifor travaillent dans des secteurs sous réglementation fédérale, notamment les télécommunications, la pêche, les médias, l'énergie et les transports (y compris le transport ferroviaire, aérien, maritime et routier).

Unifor a été fondée le jour de la Fête du travail en 2013, par la fusion des anciens syndicats des Travailleurs canadiens de l'automobile et du Syndicat des communications, de l'énergie et du papier. Unifor s'est engagé dans une vision de syndicalisme démocratique, innovant et social. Nos documents fondateurs reconnaissent que la responsabilité du syndicat en tant que voix des travailleuses et travailleurs doit s'étendre au-delà du lieu de travail et de la table de négociation collective, dans la société dans son ensemble, et que nous travaillons à défendre et à promouvoir les intérêts de tous les travailleurs et travailleuses au Canada, de leurs familles et de leurs communautés, pas seulement ceux de nos membres.

OBSERVATIONS D’UNIFOR SUR LE PROJET DE RÈGLEMENT

  1. Conditions préalables à l'application de valeurs professionnelles prédéterminées 

Unifor s'oppose fermement à l'amendement du paragraphe 41 (2) de la Loi, qui permet à un employeur ou à un comité d'équité salariale (« comité ») d'adopter et d'appliquer des valeurs d'emploi qui avaient été précédemment déterminées par la méthode d'évaluation des emplois préexistants d'un employeur. Selon Unifor, le fait de permettre aux employeurs de se fonder sur ces évaluations préalables est contraire à la Charte canadienne des droits et libertés. Cette disposition présente un risque important que les travailleuses des catégories d'emploi à prédominance féminine dans ces lieux de travail soient soumis à des systèmes d'évaluation des emplois qui perpétuent la discrimination sexuelle dans l'évaluation de leur travail et qui se traduisent par le refus continu d'un salaire égal pour un travail de valeur égale à celui des catégories d'emploi à prédominance masculine.

L'amendement contenu dans la section 417 de la Loi no 2 d'exécution du budget 2018, présente quatre risques importants. Premièrement, la position d'Unifor est que cet amendement, s'il entre en vigueur, aura pour conséquence l'approbation automatique de systèmes d'évaluation des emplois qui ont été développés par les employeurs sans aucune contribution des travailleuses et travailleurs ou de leurs agents de négociation et qui peuvent ne pas être véritablement neutres en termes de genre. Il n'y a aucune garantie dans le règlement qui assurera que ces évaluations préalables des emplois reflètent exactement les compétences, les efforts, les responsabilités et les conditions de travail des catégories d'emplois qu'ils évaluent sans préjugés sexistes. Si cette modification devait entrer en vigueur sans garanties supplémentaires importantes, les résultats des évaluations d'emplois dans lesquelles les employés et les agents négociateurs n'avaient pas ou peu leur mot à dire seront importés dans l'analyse de l'équité salariale de la Loi sans autre examen. 

Il est vrai que la Loi prévoit que les résultats de toute évaluation préalable des emplois qui sont adoptés aux fins du processus d'équité salariale en vertu de la Loi doivent « ne pas faire de discrimination fondée sur le sexe » et doivent « permettre de déterminer la valeur relative du travail effectué dans toutes les catégories d'emplois à prédominance féminine et à prédominance masculine... ».  Pourtant, la structure décisionnelle des comités telle que définie au paragraphe 20(1) de la Loi permettra effectivement de ne pas tenir compte de cette exigence si un employeur est en mesure de semer la discorde parmi les représentants des employés au sein du comité.

La structure décisionnelle des comités prévue au paragraphe 20(1) de la Loi permet aux employeurs de passer outre les souhaits des représentants des travailleuses et travailleurs au sein du comité si ces derniers ne sont pas en mesure de parvenir à un consensus entre eux sur la manière d'exercer leur vote au sein du comité. Cela incite fortement les employeurs à alimenter le désaccord entre ces représentants dans l'espoir d'imposer unilatéralement les résultats de leur évaluation préalable des emplois. Si les employeurs parviennent à persuader un seul représentant des employés au sein du comité de voter en faveur de l'utilisation des résultats des évaluations préalables des postes, les représentants des employés ne pourront pas exercer leur vote et l'employeur pourra adopter unilatéralement les évaluations préalables des postes pour l'exercice d'équité salariale en vertu de la Loi, que ces évaluations préalables des postes répondent ou non aux exigences des paragraphes 42 et 43 de la Loi.

Deuxièmement, cette perspective d'importer les résultats de l'évaluation préalable des emplois dans l'analyse de l'équité salariale de la Loi crée un risque de long contentieux pour savoir si le système antérieur de l'employeur répond aux exigences de la Loi. Les litiges portant sur la question de savoir si les systèmes d'évaluation préalable des emplois répondent aux critères énoncés dans les articles 42 et 43 de la Loi entraîneront sans aucun doute de longs litiges au début du processus d'équité salariale. Cela prolongera inutilement le processus et retardera encore la réalisation de l'équité salariale pour les employées dans les catégories d'emploi à prédominance féminine.

Troisièmement, bon nombre des systèmes d'évaluation des emplois en place sur les lieux de travail des membres d'Unifor ont été créés il y a des années et n'ont peut-être pas été maintenus. L'entrée en vigueur de l'amendement permettra aux employeurs d'utiliser des valeurs dépassées qui ne reflètent plus les compétences, les efforts, les responsabilités et les conditions de travail des catégories d'emploi auxquelles ils s'appliquent. Cela aura pour effet d'occulter l'identification et la correction des écarts de rémunération entre les sexes.

Enfin, Unifor est profondément préoccupé par le fait que cet amendement est en violation de l'article 15 de la Charte canadienne des droits et libertés (la « Charte »). Dans l'affaire Syndicat de la fonction publique du Québec inc. c. Québec (Procureur général), la Cour supérieure du Québec a jugé qu'une disposition similaire de la Loi sur l'équité salariale du Québec était discriminatoire à l'égard des employées en raison de leur sexe, contrairement à l'article 15 de la Charte

La loi en question dispensait les employeurs de se conformer à cette loi s'ils avaient établi un programme d'équité salariale avant l'introduction de la loi. Elle privait également les employés concernés et les agents négociateurs de ces employeurs de droits procéduraux. Dans sa décision, le tribunal a estimé que la loi avait créé une catégorie de travailleuses avec un ensemble de droits moindre et avait donc permis à l'écart de rémunération entre hommes et femmes de se poursuivre. Ce faisant, la Cour a conclu que le gouvernement du Québec avait violé le droit des femmes à ne pas subir de discrimination.

La modification contenue dans l'article 41 (2) révisé de la Loi, si elle était proclamée, créerait une catégorie de travailleuses qui n'auraient pas le même droit de bénéficier d'une méthode d'évaluation des emplois véritablement neutre sur le plan du genre et qui saisit avec précision la valeur de leur travail. Cela aura pour conséquence de perpétuer l'écart de rémunération entre les sexes pour ces travailleuses et violera leur droit à l'égalité en vertu de l'article 15 de la Charte. Il est choquant et inacceptable que le gouvernement du Canada adopte et applique sciemment des mesures législatives qui ont déjà été jugées inconstitutionnelles.

La Loi habilite clairement le gouverneur en conseil à imposer des exigences qui doivent être satisfaites pour qu'un employeur ou un comité adopte des valeurs d'emploi prédéterminées aux fins de son analyse de l'équité salariale. L'article 41 (2) de la Loi prévoit qu'un employeur ou un Comité peut déterminer que la valeur d'une catégorie d'emploi est une valeur qui a déjà été déterminée, à condition qu'elle satisfasse aux exigences des articles 42 et 43 de la Loi ainsi qu'à « toute autre exigence prescrite par règlement ». Ces exigences, si elles sont adoptées, pourraient remédier à l'inconstitutionnalité probable de cette disposition en créant des conditions préalables qui garantiront que les valeurs d'emploi prédéterminées sont réellement neutres en termes de genre, sont actuelles et reflètent précisément les compétences, les efforts, les capacités et les conditions de travail des catégories d'emploi dans le cadre du programme d'équité salariale.

Dans nos observations en réponse à la consultation sur les règlements d'équité salariale lancée par le Programme du travail d'Emploi et Développement social Canada en 2019, Unifor a proposé un certain nombre de garanties supplémentaires pour s'assurer que toute valeur d'emploi prédéterminée utilisée par les employeurs lors de l'établissement de leur(s) plan(s) d'équité salariale satisferait aux exigences et à l'objet de la Loi. Ces demandes comprenaient, entre autres, les éléments suivants:

  • exiger d'un employeur qu'il convainque la commissaire à l'équité salariale que ses valeurs d'emploi prédéterminées satisfont aux exigences de la Loi avant de pouvoir les utiliser pour établir l'équité salariale conformément à la Loi; 
  • exiger que les employeurs divulguent les détails de la méthode d'évaluation préalable des emplois utilisée pour déterminer la valeur des emplois, et les résultats de son application, aux agents négociateurs et aux employés avant de l'adopter aux fins de l'établissement de l'équité salariale en vertu de la Loi;
  • accorder aux agents négociateurs la possibilité d'entamer des négociations avec les employeurs sur l'utilisation du plan d'évaluation préalable des emplois; et
  • un droit clair et sans entrave pour les agents négociateurs et les employés de déposer des plaintes auprès de la commissaire à l'équité salariale concernant l'utilisation par les employeurs de leur système d'évaluation des emplois préexistant lors de la mise en œuvre de l'équité salariale conformément à la Loi.

Unifor constate qu'aucune de ces demandes n'a été adoptée par le gouvernement dans le projet actuel de règlement. Unifor répète et s'appuie sur ces propositions et demande instamment au gouvernement de réviser le projet de règlement afin de les intégrer.

  1. Prévention de la manipulation de la méthode de la moyenne égale 

La Loi prévoit deux méthodes pour comparer la rémunération des catégories d'emploi à prédominance féminine avec la rémunération des catégories d'emploi à prédominance masculine de valeurs comparables. La première méthode est la méthode de la moyenne égale, qui est détaillée à l'article 49 de la Loi. Elle exige qu'un employeur ou un comité compare la rémunération moyenne associée aux catégories d'emploi à prédominance féminine dans une bande avec la rémunération moyenne des catégories d'emploi à prédominance masculine dans cette bande.

L'établissement et l'utilisation de « bandes » sont essentiels à cette méthode de comparaison des rémunérations des catégories d'emploi masculines et féminines. L'article 49(2) de la Loi, ainsi que l'article 1 du règlement, définissent une bande comme « ...une bande, déterminée par un employeur ou un comité, selon le cas, de valeurs du travail que l'employeur ou le comité considère comme comparables ». Cependant, ni la Loi, ni le règlement n'imposent de directives ou d'exigences sur la manière dont les employeurs ou les comités doivent établir ces bandes. Ils ne fournissent aucun paramètre concernant la bande de valeurs du travail qui devrait être incluse dans les bandes ou le nombre de bandes qui devrait être établi. 

Cette situation est très préoccupante car elle rend la méthode de la moyenne égale vulnérable aux manipulations des employeurs. Les employeurs seront fortement incités à manipuler les bandes afin de modifier les résultats de la comparaison des salaires entre les catégories d'emploi à prédominance féminine et masculine de manière à minimiser les ajustements d'équité salariale qu'ils devront effectuer. Ils le feront principalement en élargissant les bandes pour s'assurer que les catégories d'emplois à prédominance féminine sous-évaluées sont placées dans les mêmes bandes que les catégories d'emplois à prédominance féminine mieux rémunérées, ce qui augmentera le taux de salaire moyen des femmes de la bande. Ou bien, ils élargiront les bandes pour inclure des catégories d'emplois à prédominance masculine moins bien rémunérés, ce qui fera baisser le taux de salaire moyen des hommes de la bande. Ces manipulations réduiront les ajustements d'équité salariale qui seront dus par les employeurs aux catégories d'emplois à prédominance féminine sous-évaluées.

Le règlement tel qu'il est rédigé ne prévoit aucune limite à la capacité d'un employeur de manipuler les bandes de cette manière. Les employeurs qui n'ont pas de comité seront libres de manipuler les bandes comme ils le souhaitent lorsqu'ils procéderont à l'équité salariale en vertu de la Loi. Dans les lieux de travail où des comités sont établis, les employeurs peuvent toujours manipuler les bandes de cette manière lorsqu'ils sont en mesure de saper l'unanimité des représentants des employés au sein du comité de sorte que les représentants des employés ne puissent pas exercer leur vote. 

À moins que le règlement ne soit révisé pour inclure les paramètres guidant l'établissement des bandes dans le cadre de la méthode de la moyennes égale, Unifor s'attend à des litiges et des différends importants concernant l'établissement approprié des bandes dans le cadre de la méthode de la moyenne égale. Cela ne fera que prolonger le processus d'établissement de l'équité salariale et imposera des délais supplémentaires sur la capacité des employés dans les catégories d'emploi à prédominance féminine à atteindre la parité salariale entre les sexes.

Unifor exhorte donc le gouvernement à établir des paramètres concernant l'établissement des bandes. Plus précisément, Unifor propose de modifier le règlement pour prévoir que les bandes ne peuvent pas avoir une largeur supérieure à 50 points. Cette limitation maintient la flexibilité des employeurs et des comités pour créer des bandes qui sont appropriées aux circonstances du lieu de travail, tout en limitant la capacité des employeurs à élargir indûment les bandes de manière à manipuler les résultats de la comparaison des salaires résultant de la méthode de la moyenne égale.

Le gouvernement est habilité à édicter une telle restriction dans les règlements en vertu du paragraphe 181(1) (r) de la Loi, qui donne au gouvernement le pouvoir de prendre des règlements « d'une manière générale, pour l'application des objectifs et des dispositions de la présente Loi ». Ce pouvoir réglementaire général est suffisamment large pour permettre au gouvernement d'édicter cette limite réglementaire cruciale sur la capacité des employeurs à manipuler les bandes selon la méthode de la moyenne égale de la Loi.

En outre, cet amendement sert les « objectifs et les dispositions de la présente loi ». Comme indiqué dans la section (2) de la Loi, l'objectif de la Loi est de:

réaliser l'équité salariale par des moyens proactifs en remédiant à la discrimination systémique fondée sur le sexe dans les pratiques et systèmes de rémunération des employeurs, dont sont victimes les employées qui occupent des postes dans des catégories d'emploi à prédominance féminine, afin qu'elles reçoivent une rémunération égale pour un travail de valeur égale, tout en tenant compte des divers besoins de l'employeur, puis maintenir l'équité salariale par des moyens proactifs.

Pour atteindre cet objectif, il est nécessaire que la Loi et les règlements permettent réellement une analyse équitable de la rémunération pour un « travail de valeur égale » entre les catégories d'emploi à prédominance masculine et féminine. Une telle comparaison n'est pas possible si les largeurs de bande selon la méthode de la moyenne égale sont manipulées par les employeurs. L'imposition d'une limite à la largeur maximale des bandes permettra de garantir que la valeur du travail accompli par les catégories d'emplois à prédominance masculine et féminine est effectuée de manière juste, impartiale et précise, de sorte que l'équité salariale puisse être réalisée.

  1. Amélioration de la méthode de la droite égale

La deuxième méthode de comparaison des rémunérations et d'ajustement pour atteindre l'équité salariale est la méthode de la droite égale. Cette méthode est énoncée à l'article 50 de la Loi. Elle exige qu'un employeur ou un comité compare la rémunération associée aux classifications d'emploi à prédominance masculine et à prédominance féminine en utilisant une analyse de régression. Des droites de régression sont établies et comparées pour les classifications d'emploi masculines et féminines. La rémunération des femmes est ensuite ajustée si la droite des femmes tombe sous la droite des hommes.

  1. Tracer la droite de régression

Le règlement définit le calcul des facteurs aux fins de la méthode de la droite égale. Il est essentiel de tracer une droite de régression pour déterminer quelles classifications d'emplois à prédominance féminine se situent au-dessus de la droite, le cas échéant. Malheureusement, le règlement ne définit pas de méthode pour tracer une droite de régression. Il faut s'attendre à ce que de nombreux employeurs et comités n'aient pas l'expertise nécessaire pour mener à bien ce processus. Les règlements devraient préciser comment les employeurs et les commissions doivent tracer une droite de régression.

  1. Éliminer les valeurs aberrantes

Les valeurs aberrantes peuvent fausser les résultats de la méthode de la droite égale. Si une ou deux classifications d'emplois à prédominance féminine sont payées à un taux beaucoup plus élevé que les classifications d'emplois à prédominance masculine ou si une ou deux classifications d'emplois à prédominance masculine sont payées à un taux beaucoup plus faible que les autres, la droite de régression des femmes est faussée vers le haut ou la droite de régression des hommes est faussée vers le bas. Dans ces deux situations, les femmes sous-payées sont perdantes.

Permettre l'existence de valeurs aberrantes crée la possibilité de manipulation par les employeurs, soit pour forcer les droites de régression masculine et féminine à se croiser, soit pour tirer les droites vers le haut ou vers le bas en augmentant le salaire d'un groupe particulier de femmes ou en sous-payant un groupe particulier d'hommes. Cela aura pour effet de réduire les ajustements d'équité salariale dus aux catégories d'emplois féminins sous-payés.

Il est impératif que les valeurs aberrantes soient exclues de la formulation de la droite de régression. Cela ne signifie pas pour autant que les valeurs aberrantes doivent être exclues de l'équité salariale. Si, par exemple, une catégorie d'emplois à prédominance féminine est exclue de la droite de régression, la catégorie d'emplois fera toujours l'objet d'un ajustement d'équité salariale si un tel ajustement est dû. Il ne serait toutefois pas pris en compte dans le calcul de la droite de régression pour les emplois féminins.

Lors de l'examen de la méthode d'identification des valeurs aberrantes, il convient de tenir compte à la fois du pourcentage par lequel la rémunération d'une catégorie d’emploi est hors de la droite de régression et du nombre d'employés dans la catégorie d’emploi, qui doivent être indiqués dans le règlement. 

  1. Le calcul des facteurs doit être convivial

En outre, les facteurs mathématiques énoncés dans le règlement sont extrêmement compliqués. Il faut supposer que des profanes, tant les employeurs que les représentants des travailleuses et travailleurs dans les comités, détermineront la méthode à mettre en place et effectueront ensuite les calculs. Les instructions doivent être communiquées aux employeurs et aux représentants des travailleuses et travailleurs dans les comités en termes simples afin de réduire la frustration et d'encourager les employeurs et les comités à mener l'exercice à bien de manière approfondie pour obtenir le meilleur résultat pour les femmes sous-payées.

Si des calculateurs en ligne et d'autres outils sont préparés, Unifor recommande qu'une tierce partie soit désignée, par les défenseurs et les experts de l'équité salariale, pour inspecter les algorithmes et le code qui produisent les outils à utiliser par les employeurs et les comités. La transparence est essentielle pour garantir la confiance et l'utilisation du système.

  1. Droites de régression croisées 

L'article 50 de la Loi stipule que les employeurs et les comités se tourneront vers le règlement pour décrire les mesures à prendre dans le cas où les droites de régression se croisent lors de l'utilisation de la méthode de la droite égale. Unifor convient que de telles mesures doivent être stipulées, mais le projet de règlement tel qu'il est actuellement présenté offre trop d'options et crée une complexité inutile.

Dans de nombreux cas, le régime d'équité salariale sera appliqué et/ou inspecté par des non-spécialistes au sein d'un comité. Comme pour le reste du processus de calcul des facteurs, l'approche utilisée pour mettre en œuvre l'équité salariale lorsque les droites de régression sont franchies doit être accessible à toutes les parties prenantes. Ce n'est pas le cas actuellement. Le projet de règlement actuel exige que les employeurs et les membres du comité comprennent les quatre méthodes de traitement des écarts de régression. Le projet de règlement exige également qu'ils analysent les résultats de chacune d'entre elles afin de déterminer quelle méthode est préférable dans leur contexte de travail. Unifor estime que cette méthode est très irréaliste et problématique et qu'elle alourdit la charge de travail d'un comité, compte tenu de la complexité du régime législatif et réglementaire actuel.

Compte tenu des problèmes exposés ci-dessus concernant la méthode de la moyenne égale, et du fait que l'employeur et le comité ont déjà rejeté la méthode de la moyenne égale dans leur décision d'utiliser la méthode de la droite égale, la méthode de la moyenne égale comme option pour savoir quoi faire lorsque les droites de régression se croisent devrait être éliminée.

La méthode de la somme des différences devrait également être éliminée. Là encore, avec cette méthode, le projet de règlement ajoute une complexité inutile et la possibilité de manipuler le processus de telle sorte que les femmes sous-payées se retrouvent avec le plus petit ajustement possible en matière d'équité salariale.  La méthode repose sur deux processus mathématiques différents pour produire l'équité salariale – le premier est une analyse de régression et le second consiste à imposer des moyennes égales sur la droite de régression, mais cette fois sans bandes. Les droites de régression croisées impliquent qu'à une extrémité de l'échelle de rémunération, les femmes sont payées beaucoup plus que les hommes et à l'autre extrémité de l'échelle de rémunération, les hommes sont payés beaucoup plus que les femmes. En additionnant les différences, on constate que les femmes à une extrémité de l'échelle continuent à être sous-payées simplement parce que les femmes à l'autre extrémité de l'échelle sont mieux payées que leurs homologues masculins.

L'instruction de réaliser néanmoins l'exercice de la méthode de la droite égale pour voir si les droites peuvent être alignées et une deuxième option pour segmenter les droites si nécessaire sont suffisantes pour traiter la question des droites de régression croisées dans le cadre de la méthode de la droite égale. 

  1. Méthode par comparaison inadéquate
  1. Le règlement doit exiger que les employeurs de comparaison partagent leurs données

Conformément au paragraphe 23 (1) du règlement, un employeur ou un comité pour un lieu de travail à prédominance féminine a la possibilité d'utiliser la méthode de comparaison externe pour effectuer l'analyse de l'équité salariale. La théorie sous-jacente à cette méthode est que l'employeur qui effectue l'exercice d'équité salariale (« l'employeur intéressé ») « empruntera » des données de comparaison sur les catégories d'emploi masculines à un employeur similaire (« l'employeur de comparaison »). L'employeur intéressé traite ensuite ces catégories d'emplois masculins comme s'ils étaient employés sur son lieu de travail et compare leur valeur et leur rémunération à celles de ses catégories d'emplois féminins.

Malheureusement, le règlement dans sa forme actuelle ne facilitera probablement pas l'utilisation de la méthode de comparaison externe par les employeurs intéressés ou leurs comités dans la pratique. En effet, le règlement n'impose aucune obligation ni n'incite l'employeur de comparaison à fournir à l'employeur intéressé les données sur les catégories d'emploi masculines qui sont nécessaires pour effectuer l'analyse de l'équité salariale. Au contraire, le règlement est simplement permissif et prévoit que l'employeur de comparaison doit accepter de fournir ces informations à l'employeur intéressé.

Selon Unifor, en l'absence d'une telle obligation ou incitation, très peu d'employeurs de comparaison, voire aucun, sont susceptibles de se donner la peine de partager leurs données sur les catégories d'emploi avec un employeur intéressé. La méthode de comparaison externe, telle qu'elle est définie dans le règlement, ne sera donc guère utile pour atteindre l'équité salariale. Nous ne voyons pas pourquoi le règlement devrait permettre aux employeurs de comparaison d'empêcher les travailleuses sous-payées d'obtenir réparation pour la discrimination dont elles sont victimes en matière de rémunération.

Il est facile de remédier à ce problème en imposant aux employeurs de comparaison l'obligation de partager les données nécessaires sur les catégories d'emploi avec les employeurs intéressés. C'est ce qui a été fait dans les dispositions relatives aux comparaisons de la Loi sur l'équité salariale de l'Ontario, L.R.O. 1990, c. P.7. En vertu de l'article 21.17 (2) de cette Loi, un employeur de comparaison « doit » fournir à l'employeur intéressé les informations requises sur la catégorie d'emploi à condition que la demande de l'employeur intéressé soit faite par écrit et soit accompagnée de certains documents spécifiés dans le règlement. L'employeur de comparaison dispose d'un délai de 60 jours à compter de la date de la demande pour fournir ces informations à l'employeur intéressé.  Selon Unifor, il s'agit d'une simple modification du projet de règlement qui rendra la méthode par comparaison beaucoup plus viable en tant que méthode permettant de tenir la promesse d'équité salariale aux employées des entreprises à prédominance féminine. 

  1. Droit de retourner aux employeurs de comparaison pour maintenir l'équité salariale 

Le règlement tel qu'il est rédigé ne contient pas de dispositions qui permettraient à un employeur intéressé de s'adresser à un employeur de comparaison pour obtenir des données actualisées sur les catégories d'emploi à prédominance masculine dans le cadre du maintien de l'équité salariale. Unifor est assuré que le gouvernement a l'intention d'adopter des règlements qui préciseront comment l'équité salariale doit être maintenue dans les lieux de travail qui n'ont pas de comparateurs masculins, mais il n'a reçu aucun détail sur la manière dont cela sera réalisé.

Unifor reste profondément préoccupé par le fait que, sans le droit de retourner chez l'employeur de comparaison pour obtenir des informations actualisées sur les catégories d'emploi, les employées des lieux de travail à prédominance féminine seront privées de la possibilité de comparer la valeur de leur travail à celle du travail des hommes.

Un litige à ce sujet a fait l'objet d'un long procès en Ontario dans l'affaire des maisons de soins infirmiers participantes. Dans cette affaire, les syndicats concernés contestent l'interprétation de la Loi sur l'équité salariale de la province par le Tribunal de l'équité salariale de l'Ontario, qui les a privés de la possibilité d'obtenir des données actualisées pour les catégories d'emplois « réputés » masculins de comparaison auprès de l'employeur de comparaison afin de maintenir leurs programmes d'équité salariale. 

Dans la décision la plus récente rendue dans cette affaire, la Cour divisionnaire de l'Ontario a annulé la décision du Tribunal, estimant que celui-ci n'avait pas appliqué les valeurs de la Charte dans son interprétation de la Loi. La Cour a statué:

Nous estimons que la décision du Tribunal limite la disposition sur l'égalité de l'article 15(1) de la Charte parce qu'elle prive les femmes dans les lieux de travail à prédominance féminine (par rapport aux femmes qui ont des comparateurs masculins dans leurs établissements) du droit de maintenir l'équité salariale en ce qui concerne le travail des hommes. Le précepte fondamental de l'équité salariale est qu'il devrait y avoir un salaire égal pour un travail de valeur égale entre les femmes et les hommes. La Loi vise expressément à identifier et à corriger la discrimination sexuelle systémique dans la manière dont ils sont rémunérés sur le marché du travail. La pierre de touche d'une analyse d'équité salariale est la comparaison avec le travail des hommes, car les hommes bénéficient d'une rémunération liée à la valeur de leur travail – et non à leur sexe.

La décision de la Cour souligne l'élément essentiel du processus d'équité salariale, qui exige que les employées des catégories d'emploi à prédominance féminine puissent comparer la valeur de leur travail à celle des catégories d'emploi à prédominance masculine de valeur égale. Le règlement actuel ne répond pas à cette norme, dans la mesure où il ne permet pas aux travailleuses des entreprises à prédominance féminine de comparer en permanence leur salaire à celui de catégories d'emplois masculins comparables.

Unifor demande instamment au gouvernement de veiller à ce que les travailleuses des lieux de travail à prédominance féminine puissent comparer leur rémunération à celle de catégories d'emplois à prédominance masculine comparables sur une base continue. Cela peut être réalisé en révisant le projet de règlement afin de permettre expressément aux employeurs intéressés de retourner aux employeurs de comparaison pour obtenir des données actuelles concernant les catégories d'emploi à prédominance masculine pertinentes afin de maintenir leurs plans d'équité salariale. 

  1. Processus de maintien insuffisant
  1. Obligation limitée de réévaluer les valeurs des emplois modifiés 

En vertu du paragraphe 78(1) de la Loi, les employeurs, ou leurs comités, doivent mettre à jour leurs plans d'équité salariale en identifiant:

...toute différence de rémunération entre les catégories d'emploi à prédominance féminine et les catégories d'emploi à prédominance masculine résultant de tout changement, depuis le dernier affichage du plan d'équité salariale, qui est susceptible d'avoir eu un impact sur l'équité salariale, autre que tout changement exclu par le règlement.

Conformément à ce paragraphe de la Loi, l'article 46 du règlement identifie les changements qui doivent être exclus. Le paragraphe 46 (c) du règlement prévoit que les changements apportés aux compétences, aux efforts, aux responsabilités et aux conditions de travail d'une catégorie d'emploi qui sont « susceptibles d'avoir eu un impact sur la valeur du travail effectué dans une catégorie d'emploi » ne doivent être pris en compte lors de la mise à jour du programme d'équité salariale que s'ils:

  1. sont significatifs;
  2. ont un impact sur la majorité des postes de la catégorie d'emplois; et 
  3. ont un impact plus que temporaire sur la catégorie d'emplois.

En imposant ces exigences de seuil lorsqu'une modification de la valeur des catégories d'emploi est suffisamment importante pour que les employeurs doivent réévaluer la valeur de ces catégories d'emploi, le règlement crée un obstacle important à l'évaluation précise et continue du travail des catégories d'emploi à prédominance féminine.

Les employeurs s'appuieront sans aucun doute sur ces critères pour justifier leur refus de réévaluer la valeur des catégories d'emplois à prédominance féminine lorsqu'ils actualisent leurs plans d'équité salariale. La nature vague de ces exigences, et en particulier l'exigence que les changements soient « significatifs », entraînera sans aucun doute de nombreux litiges sur la question de savoir si ces critères sont remplis dans des cas particuliers. Cela retardera, et dans certains cas empêchera, les travailleuses des catégories d'emplois féminines de voir la valeur de leur travail prise en compte avec précision et de recevoir une rémunération équitable.

Cette disposition du règlement reflète une crainte exagérée que le processus de maintien de l'équité salariale ne prenne en compte de manière inadéquate les changements de la valeur du travail effectué par les catégories d'emploi qui peuvent ne pas être liés à la prédominance du sexe dans ces catégories d'emploi. Cette crainte exagérée n'est pas nécessaire. Selon Unifor, tout changement qui affecte les compétences, les efforts, les responsabilités et les conditions de travail d'une catégorie d'emploi doit être pris en compte lors de l'évaluation de la valeur de ce travail. C'est la seule façon de garantir aux travailleuses des catégories d'emploi féminines que leur travail est valorisé au même titre que celui des travailleurs des catégories d'emploi masculines. 

Unifor soutient que le moyen le plus simple et le plus précis de saisir pleinement et précisément la valeur du travail effectué par les travailleuses dans les catégories d'emploi féminines lorsque les plans d'équité salariale sont maintenus est d'exiger des employeurs et des comités qu'ils réévaluent la valeur de ce travail lorsqu'un changement est « susceptible d'avoir eu un impact sur la valeur du travail effectué dans une catégorie d'emploi ». Cela peut être réalisé en modifiant le paragraphe 46 (c) du règlement pour qu'il se lise comme suit:

Tous les changements autres que ceux qui sont susceptibles d'avoir eu un impact sur la valeur du travail effectué dans une catégorie d'emploi telle que déterminée en vertu des articles 41 à 43 de la Loi.

Les exigences de seuil qui suivent actuellement cette partie de la sous-section devraient être supprimées. Cela permettra de garantir que seuls les changements susceptibles d'avoir eu un impact sur la valeur des catégories d'emploi incluses dans un plan d'équité salariale doivent faire l'objet d'une réévaluation lorsque le plan est maintenu. 

  1. Ajustements retardés injustement considérés comme payés lors de la mise à jour du plan

La Loi donne aux employeurs la possibilité de retarder et de prolonger le paiement des ajustements d'équité salariale dans plusieurs circonstances. Une fois la Loi en vigueur, les femmes doivent attendre encore trois ans ou plus pour qu'un plan soit affiché. Alors que certaines travailleuses dans des catégories d'emploi à prédominance féminine peuvent recevoir leurs ajustements d'équité salariale le lendemain de l'affichage du plan, d'autres verront ces ajustements s'échelonner sur une période de trois à cinq ans, ou plus longtemps si l'employeur demande une prolongation du délai. Collectivement, ces dispositions signifient que les travailleuses pourraient attendre de recevoir leurs ajustements salariaux d'équité salariale pendant huit ans ou plus à compter de la date d'entrée en vigueur de la Loi.

Dans certains cas, cela peut conduire à des situations où les employeurs n'ont pas entièrement payé les ajustements salariaux initiaux dus aux catégories d'emplois à prédominance féminine sous-payés au moment où ils sont tenus de mettre à jour leur(s) plan(s) d'équité salariale.

Conformément au paragraphe 50 (2) du projet de règlement, lorsqu'un employeur ou un comité maintient son programme d'équité salariale, il doit calculer les ajustements salariaux d'équité salariale de maintien dus comme si les augmentations initiales d'équité salariale dues avaient déjà été payées.

Unifor s'oppose fermement à l'exclusion de toute portion non payée d'un ajustement salarial initial de la prise en compte lors de la mise à jour du plan. Selon Unifor, rien ne justifie une telle proposition et cela constitue une violation de l'article 15 de la Charte.

Le droit des travailleuses à ne pas subir de discrimination salariale a été reconnu par la Cour suprême du Canada, le Groupe de travail sur l'équité salariale, l'Organisation internationale du travail (OIT) et le gouvernement du Canada comme un droit humain fondamental. Depuis des décennies, les femmes travaillant dans des entreprises sous réglementation fédérale réclament un régime d'équité salariale proactif au niveau fédéral. Maintenant que la Loi a été adoptée, cette disposition va créer un obstacle supplémentaire à la capacité des travailleuses sous-payées à atteindre une pleine égalité de rémunération.

Selon Unifor, ce retard à fournir aux femmes le salaire qu'elles auraient dû gagner si leur travail avait été évalué de manière appropriée est déjà excessif et les prive de leur droit fondamental à être payées en fonction de la valeur de leur travail. Il est tout simplement inadmissible de proposer que cet écart de rémunération ne soit pas considéré comme un écart d'équité salariale lors de la mise à jour d'un plan, et de retarder ainsi davantage la réalisation de l'égalité de leur rémunération.

Cette exclusion proposée reviendrait à récompenser les employeurs pour avoir retardé et refusé l'équité salariale à leurs travailleuses dans les catégories d'emploi à prédominance féminine. Elle créerait des incitations perverses pour les employeurs à prolonger le paiement des ajustements requis en matière d'équité salariale afin de réduire le montant des ajustements qu'ils doivent lorsque leurs plans sont maintenus. Il s'agit d'employeurs qui auront déjà été injustement enrichis, probablement bien avant la promulgation de la Loi, en sous-payant leurs travailleuses dans des catégories d'emploi à prédominance féminine. Il n'y a aucune raison légitime de les enrichir davantage au stade du maintien de l'équité salariale.

Cette disposition du projet de règlement va également à l'encontre de la récente décision de la Cour suprême du Canada dans l'affaire Québec (Procureur général) c. Alliance du personnel professionnel et technique de la santé et des services sociaux. Dans cette décision, la Cour s'est prononcée sur la décision du Québec de modifier son mécanisme d'exécution du maintien de l'équité salariale. Au lieu d'imposer une obligation permanente aux employeurs de maintenir l'équité salariale, la Loi a été modifiée pour imposer un système de vérifications obligatoires de l'équité salariale à tous les cinq ans. Si la vérification déterminait qu'un écart de rémunération entre les sexes était réapparu, les travailleuses des catégories d'emploi à prédominance féminine n'avaient droit qu'à des augmentations de rémunération à compter de la date de la vérification, peu importe le moment où l'écart était réapparu. Les travailleuses n'avaient pas droit à des ajustements de salaire rétroactifs à compter de la date du changement ayant entraîné l'écart de rémunération, à moins que les employées ne puissent démontrer la mauvaise foi de l'employeur. La Loi a également omis l'obligation d'inclure dans l'affichage de l'audit la date à laquelle l'écart de rémunération entre les sexes a réapparu, ce qui a empêché de déterminer la date à partir de laquelle les ajustements d'équité salariale auraient dû être effectués.

S'exprimant au nom de la majorité de la Cour, la juge Abella a estimé que la loi modifiée « avait pour effet de faire de l'obligation d'équité salariale de l'employeur une obligation épisodique et partielle... » et qu'elle accordait effectivement « ...une amnistie à l'employeur pour la discrimination entre les audits ».  La Cour a jugé que la Loi avait un impact discriminatoire sur les femmes parce que:

Bien que le régime prétende s'attaquer à la discrimination systémique, il codifie en fait le refus aux femmes des avantages dont bénéficient habituellement les hommes – à savoir une rémunération liée à la valeur de leur travail. Les hommes reçoivent cette compensation de manière systématique; les femmes, dans le cadre de ce régime, sont censées subir des périodes de cinq ans d'inégalité salariale et ne reçoivent une compensation égale que lorsque leur employeur agit volontairement de manière non discriminatoire ou lorsqu'elles peuvent s'acquitter de la lourde charge de prouver que l'employeur a eu une conduite délibérée ou incorrecte. Ce régime place donc des obstacles sur la voie de l'égalité de rémunération pour les femmes. .... En tolérant les décisions des employeurs qui se traduisent par une rémunération inéquitable pour les femmes, le législateur envoie un message qui tolère ce même déséquilibre de pouvoir, perpétuant ainsi le désavantage.

La Cour a jugé qu'en créant cet impact discriminatoire, la Loi avait violé l'article 15 de la Charte, et que cette violation n'était pas justifiée par l'article 1.

Les motifs de la Cour dans la décision de l'Alliance s'appliqueront également si le paragraphe 50(2) du projet de règlement, qui exclut la partie non payée de l'ajustement salarial initial en cours de mise en œuvre progressive de l'écart d'équité salariale lors de la mise à jour du plan, est promulgué. Cette disposition priverait les femmes de la réparation appropriée qui leur est due pour s'être vu refuser une rémunération liée à la valeur de leur travail, un avantage accordé couramment aux hommes. Elle leur donnerait un droit moindre à l'équité salariale par rapport aux travailleuses qui ont reçu des ajustements d'équité salariale en temps utile. Elle obligera les travailleuses sous-payées à endurer des périodes d'inégalité salariale encore plus longues que celles qu'elles ont déjà connues. Pour ces raisons, Unifor soutient que ce paragraphe du projet de règlement est inconstitutionnel et risque d'être annulé par les tribunaux s'il est adopté. Les ajustements d'équité salariale en suspens ne devraient pas être considérés comme payés lorsque les plans d'équité salariale sont mis à jour conformément au règlement.

  1. Taux de salaire gelés

Le projet de règlement énonce les mesures à prendre dans les lieux de travail comportant plusieurs unités de négociation afin d'empêcher l'utilisation de taux de salaire actifs et gelés dans toute comparaison et tout plan d'équité salariale. Les taux de salaire gelés sont des taux de salaire qui sont gelés en raison de l'expiration d'une convention collective ou de l'absence d'une première convention collective lorsqu'une unité de négociation est initialement accréditée. Les taux de salaire actifs sont les taux en vigueur dans le cadre d'une convention collective active.

Le projet de règlement définit deux méthodes d'ajustement des taux de salaire gelés ou actifs afin de mieux les comparer – la méthode du taux de rémunération administratif et la méthode de l’analyse historique. 

Cette partie du règlement ne fait que compliquer davantage un processus déjà trop complexe. En outre, nous ne comprenons pas l'attention intense portée à la question du gel des salaires. Les salaires perçus pendant une période de négociation sont toujours les salaires perçus par le groupe de travailleuses et travailleurs couverts par la convention collective. Les taux de salaire gelés ne sont pas moins susceptibles de discriminer les travailleuses des catégories d'emploi à prédominance féminine que les taux de salaire actifs. N'est-ce pas l'écart salarial actuel entre les sexes que la législation tente de combler? 

  1. Méthode du taux de rémunération administratif 

Unifor s'inquiète du fait que la méthode du taux de rémunération administratif se fonde sur l'hypothèse que les salaires gelés recevront une augmentation de salaire similaire à l'augmentation de salaire reçue par les membres des autres unités de négociation. Ce n'est pas nécessairement le cas. Si l'augmentation n'est pas identique à l'augmentation supposée, le plan d'équité salariale supposera que l'équité salariale a été atteinte alors qu'elle ne l'a peut-être pas été. Si cette hypothèse sous-jacente est erronée et qu'elle n'est pas corrigée, les femmes sous-payées continueront à rattraper leur retard en recevant leur réparation au titre de l'équité salariale à la fin de chaque relevé au lieu de l’avoir sur leur chèque de paie. 

En outre, la méthode du taux de rémunération administratif, telle que définie dans le règlement, n'est applicable que lorsque plusieurs unités de négociation sont incluses dans un plan d'équité salariale. Les plans d'équité salariale qui ne s'appliquent qu'à une seule unité de négociation où il y a également des employés non syndiqués ne pourront pas utiliser la méthode du taux de rémunération administratif, mais devront plutôt recourir à la méthode de l’analyse historique. Unifor est préoccupé par cette possibilité étant donné les défauts de l'approche historique exposés ci-dessous.

  1. La méthode de l’analyse historique ne permet pas de combler les écarts salariaux entre les sexes

Selon Unifor, la méthode de l’analyse historique de la comparaison des taux de salaire gelés, qui s'applique lorsque plus de 50 % des catégories d'emploi du plan, représentant plus de 50 % des employés couverts par le plan, ont des salaires gelés, est profondément problématique.

Tout d'abord, la méthode de l’analyse historique est incroyablement complexe. Pour l'appliquer, un employeur ou les membres d'un comité doivent avoir une compréhension pratique de la méthode du taux de rémunération administratif et de la méthode de l’analyse historique. Compte tenu des nombreuses autres méthodes, facteurs et analyses énoncés dans la Loi que les employeurs et les membres du comité doivent comprendre et appliquer, la méthode de l’analyse historique ajoute encore un autre fardeau aux représentants des employés qui tentent d'exercer leurs droits en vertu de la Loi pour atteindre l'équité salariale, et aux employeurs qui cherchent à éliminer les écarts salariaux entre les sexes. Cette méthode créera sans aucun doute une quantité de travail importante pour les consultants externes en matière d'équité salariale, mais elle ne servira qu'à créer des obstacles supplémentaires à l'élimination de l'écart salarial entre les sexes.

En outre, les comités doivent également avoir accès à des informations salariales précises datant de plusieurs années pour un nombre potentiellement important d'employés. Sur le plan administratif, cela complique encore un processus déjà exigeant .

Troisièmement et surtout, la méthode de l’analyse historique est inconstitutionnelle parce qu'elle piège la comparaison des salaires entre les sexes dans une période antérieure et n'offre aucun remède aux écarts de salaires entre les sexes qui persistent encore aujourd'hui. La méthode de l’analyse historique exige que l'exercice d'équité salariale soit mené au cours de la dernière année où moins de 50 % des catégories d'emploi couvertes par le plan, représentant moins de 50 % des employés couverts par le plan, ont vu leur salaire gelé. Le règlement, tel qu'il est rédigé, ne contient aucune disposition qui permettrait de combler tout écart salarial entre les sexes qui existerait entre la date à laquelle la méthode de l’analyse historique est utilisée et la date à laquelle le plan d'équité salariale est finalisé.

Un exemple illustre bien cette préoccupation. Dans un lieu de travail hypothétique, il existe un seul plan d'équité salariale qui comprend une unité de négociation et quelques employés non syndiqués. L'unité de négociation couvre 75 % des employés sur le lieu de travail et 85 % des catégories d'emploi, de sorte que la méthode de l’analyse historique doit être utilisée chaque fois que les taux de salaire de l'unité de négociation sont gelés en raison de l'expiration d'une convention collective. 

La classe d'emploi A est une classe d'emploi à prédominance féminine qui relève de l'unité de négociation. La classe d'emploi B est une classe d'emploi à prédominance masculine qui ne fait pas partie de l'unité de négociation. Les classes d'emploi A et B sont de valeur égale et sont les seules à relever de leur catégorie, selon la méthode de comparaison de la moyenne égale. 

Un avis de négociation est émis par l'agent négociateur le premier jour de l'année 2022, date à laquelle les salaires de tous les membres de l'unité de négociation sont gelés. Le processus de négociation se poursuit pendant trois ans.

L'employeur mène le processus d'équité salariale et finalise son plan d'équité salariale en 2024, avant la conclusion du processus de négociation. L'employeur doit utiliser la méthode de l’analyse historique lorsqu'il effectue sa comparaison des salaires conformément aux paragraphes 14 (1) et (2) du règlement. Selon le règlement, cet exercice exige que l'analyse de l'équité salariale soit effectuée en 2021, la dernière année où moins de 50 % des catégories d'emploi et des employés ont vu leur salaire gelé. À cette époque, les catégories d'emploi A et B gagnaient toutes deux 20 dollars de l'heure. Leurs salaires étant égaux, l'employeur ne doit aucun ajustement au titre de l'équité salariale.

En 2022, la catégorie d'emploi B reçoit une augmentation de salaire de 22 dollars par heure. Les salaires de la catégorie A restent gelés à 20 dollars de l'heure jusqu'à ce qu'une nouvelle convention collective soit conclue en 2025. Il existe donc un écart salarial de 2 dollars par heure entre la catégorie d'emploi A et la catégorie d'emploi B pour la période allant de 2022 à 2024. Cependant, comme l'analyse de l'équité salariale a été menée à partir de 2021, elle ne permet pas de saisir ou de corriger cet écart salarial entre les sexes.

Cet écart salarial ne sera pas non plus comblé lors de la mise à jour du plan d'équité salariale. En 2029, lorsque l'employeur affichera son plan d'équité salariale révisé, tout écart salarial entre les sexes qui aura réapparu au cours de la période écoulée depuis l'affichage du plan sera comblé par une augmentation de salaire et un paiement forfaitaire rétroactif. Toutefois, ce paiement forfaitaire ne permettra de remédier à l'écart salarial entre les sexes qu'à partir de la date d'affichage du plan d'équité salariale précédent, en 2024, jusqu'à l'affichage du plan révisé, en 2029. Les employés de la catégorie d'emploi A ne recevront donc jamais de réparation pour l'écart salarial de 2,00 $ l'heure qui est apparu entre 2022 et 2024 selon la méthode de l’analyse historique définie dans le projet de règlement.

Comme l'illustre cet exemple, la méthode de l’analyse historique apporte une solution incomplète et inadéquate à l'écart salarial entre les sexes, laissant potentiellement des périodes de temps pendant lesquelles l'écart salarial entre les sexes reste sans réponse. 

Dans l'affaire Alliance, la Cour suprême du Canada a conclu que le refus par la Loi sur l'équité salariale du Québec d'accorder un recours pour les périodes d'iniquité salariale dans l'intervalle entre la conclusion d'un plan d'équité salariale et son maintien ultérieur était inconstitutionnel en ce qu'il violait l'article 15 de la Charte et n'était pas justifié par l'article 1.

Les raisons invoquées par la Cour suprême du Canada dans cette décision s'appliquent également à la méthode de l’analyse historique proposée dans le règlement. Dans cette décision, le juge Abella a expliqué, au paragraphe 8, que « en maintenant les iniquités salariales, on se sert des femmes pour amortir les avatars de l’économie ». Au paragraphe 33, elle explique que les dispositions ont un effet discriminatoire sur les femmes car elles perpétuent le « désavantage préexistant des femmes ». Enfin, au paragraphe 38, la juge Abella a déclaré « Bien que le régime prétende s'attaquer à la discrimination systémique, il codifie en fait le refus aux femmes des avantages dont bénéficient habituellement les hommes – à savoir une rémunération liée à la valeur de leur travail ».

Ce raisonnement s'applique également à la méthode de l’analyse historique de comparaison des salaires gelés proposée dans le projet de règlement actuel. Comme dans l'affaire Alliance, la méthode de l’analyse historique exposée dans le règlement ne crée qu'une « obligation épisodique et partielle » pour les employeurs de valoriser le travail de leurs travailleuses dans les catégories d'emploi à prédominance féminine de la même manière que les travailleurs dans les catégories d'emploi à prédominance masculine. Au lieu de cela, la méthode de l’analyse historique limite la réparation pour les travailleuses sous-payées à la période précédant le gel des salaires d'une majorité de catégories d'emploi et d'employées et ignore les écarts salariaux entre les sexes qui en découlent. Selon la méthode de l’analyse historique, les hommes continueront à recevoir une rémunération liée à la valeur de leur travail, ce qui va de soi. Les femmes n'auront pas cette assurance dans le cadre de ce projet de règlement, mais elles n'auront pas la possibilité d'atteindre l'équité salariale avec leurs homologues masculins à l'heure actuelle et de recevoir une réparation pour la discrimination sexuelle continue dans leur rémunération.

 

Selon Unifor, ce défaut important de la méthode de l’analyse historique est inconstitutionnel, en violation de l'article 15 de la Charte. À la lumière de la décision antérieure de la Cour dans l'affaire Alliance, il est peu probable que cette disposition résiste à un examen constitutionnel. 

Selon Unifor, la méthode du gel des salaires prévue par le règlement est une solution à la recherche d'un problème. Unifor n'a connaissance d'aucune preuve que l'inclusion des taux de salaire gelés dans le processus de comparaison des salaires faussera globalement le processus d'équité salariale ou servira à augmenter ou à réduire de manière inappropriée les ajustements d'équité salariale dus aux catégories d'emplois sous-payés à prédominance féminine. Unifor demande donc que les articles 14 et 51 du règlement soient supprimés.

  1. Examen de la Loi

En dernier lieu, Unifor recommande qu'un examen de la Loi et du règlement soit effectué avant la période de dix ans spécifiée au paragraphe 184 (1) de la Loi afin d'identifier et de remédier en temps utile à tout défaut important dans le fonctionnement de la législation.

CONCLUSION

Unifor est heureux que le gouverneur en conseil ait pris l'initiative de rédiger le règlement qui permettra l'entrée en vigueur de la Loi. Néanmoins, nous estimons que le règlement contient des défauts importants qui compromettent la capacité de la Loi à tenir sa promesse d'équité salariale pour les travailleuses sous-payées dans les catégories d'emploi à prédominance féminine. Le règlement contient également des violations probables de la garantie d'égalité de l'article 15(1) de la Charte, rendant cette itération du règlement de la Loi inconstitutionnelle. Au lieu d'engager les employeurs, les travailleuses et travailleurs, les syndicats et le gouvernement du Canada dans de longues batailles constitutionnelles, le gouvernement a la possibilité de remédier à ces lacunes dès maintenant. Unifor a fourni un guide sur la manière dont ces défauts constitutionnels peuvent être traités dans les observations précédentes. Nous espérons que le gouvernement saisira cette occasion pour mettre la Loi et son règlement en conformité avec la constitution et pour veiller à ce que, enfin, la discrimination salariale fondée sur le sexe dans les secteurs d’emploi sous réglementation fédérale soit redressée de manière adéquate et appropriée. 

Nous demandons instamment au gouvernement d'agir de toute urgence pour modifier le règlement et mettre la Loi en vigueur afin que l'équité salariale puisse être réalisée le plus rapidement possible pour les travailleuses des catégories d'emploi à prédominance féminine.

Sincèrement,

Laura Johnson                       Kaylie Tiessen

Avocate                                  Représentante nationale

Service juridique d’Unifor   Service de la recherche d’Unifor