Redresser le cap dans le secteur aérospatial canadien en difficulté

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aircraft parked at gate with ground crew loading luggage
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Article initialement publié le 28 novembre 2022 dans le journal The Hill Times.

Lana Payne

Le secteur canadien de l’aérospatiale est en pleine crise. Les travailleuses et travailleurs ont, par frustration, demandé à plusieurs reprises des mesures proactives pour aider l’industrie.

Récemment, le gouvernement fédéral a indiqué clairement à Unifor qu’il allait bientôt accroître son soutien à l’industrie. La reconnaissance des problèmes de longue date avec lesquels les travailleuses et travailleurs du secteur doivent composer est en effet indispensable, et le secteur a un urgent besoin de soutien.

Au plus fort de la pandémie, pratiquement tous les avions de transport de passagers sont demeurés cloués au sol, annulant par le fait même les carnets de commandes pour de nouveaux aéronefs. Le ralentissement s’est répercuté dans l’ensemble de l’industrie, des fabricants d’équipements d’origine aux fournisseurs de pièces, de services d’entretien, de réparation et de révision et même aux constructeurs de simulateurs de vol d’aviation civile comme l’entreprise québécoise CAE.

L’emploi a chuté de 15 % dans le secteur de l’aérospatiale au cours du premier confinement. Au milieu de l’année 2021, des travailleuses et travailleurs ont été rappelés, mais 25 % des effectifs sont demeurés en mise à pied ou ont été licenciés à ce moment-là. Des centaines de travailleuses et travailleurs hautement qualifiés ont perdu leur emploi lorsque la société De Havilland Canada a décidé de cesser la production des avions Q400.

Au départ, on espérait que la situation allait se redresser en 2021, avec la réouverture des aéroports et la reprise du transport des passagers, mais cet espoir ne s’est pas concrétisé. Les constructeurs ont encore de la difficulté à obtenir de nouveaux contrats et à attirer de nouvelles travailleuses et de nouveaux travailleurs.

Au deuxième trimestre de 2022, la contribution de l’aérospatiale au PIB du Canada était de 27 % inférieure au niveau qu’elle affichait avant la pandémie.

En août 2022, l’emploi dans l’industrie de l’aérospatiale était toujours en baisse de 12 % dans l’ensemble. Des baisses importantes étaient enregistrées en Colombie-Britannique (- 37 %), en Ontario (- 26 %), en Nouvelle-Écosse (- 15 %) et au Québec (- 5 %).

Chacun de ces pourcentages est assez mauvais en soi. Cependant, si on ajoute à ces baisses d’emploi la menace d’une pénurie imminente de travailleuses et travailleurs qualifiés, il y a un risque élevé que l’industrie n’ait même pas la capacité de se rétablir complètement.

Disons-le clairement : ce problème est loin d’être nouveau. En fait, de nombreux syndicats et intervenants du secteur de l’aérospatiale tirent la sonnette d’alarme contre la pénurie croissante de travailleuses et travailleurs qualifiés depuis plus d’une décennie.

Pour que l’aérospatiale prospère, le Canada doit déployer des efforts sérieux et réfléchis pour stabiliser l’industrie et mieux protéger son intégrité, tout en améliorant la qualité des emplois et en attirant des jeunes dans le secteur. Le meilleur moyen d’attirer des travailleuses et travailleurs est d’offrir de bons salaires et de nombreux emplois.

C’est pourquoi les gouvernements fédéral et provinciaux doivent continuer de fournir un soutien financier. Les investissements récents ont été chaleureusement accueillis, notamment l’engagement d’investir 1,75 milliard de dollars sur sept ans par le biais du Fonds stratégique du gouvernement fédéral pour l’innovation. Mais l’état actuel des politiques en matière de commerce et d’approvisionnement ne va pas assez loin pour protéger adéquatement ce genre d’investissements. 

Récemment, au moment de décider du programme de formation des futurs équipages de l’Aviation royale canadienne, les exigences en matière de contenu canadien ont été fixées à seulement 15 % pour l’obtention du contrat. Le projet canadien de remplacement de la flotte de chasseurs à réaction CF-18 a augmenté le contenu canadien à 20 %, ce qui est un peu mieux.

La réduction des exigences en matière de contenu canadien mine les investissements faits par les gouvernements dans l’industrie. Elle supprime une précieuse source de revenus et va à l’encontre des politiques, en l’occurrence la Politique des retombées industrielles et technologiques, mises en place pour protéger l’économie canadienne. Ces politiques sont en place pour que les marchés publics soutiennent l’emploi, l’innovation et la croissance économique partout au Canada. Elles déterminent également que la capacité industrielle du Canada – en particulier pour l’aérospatiale et sa relation inhérente avec la défense – est essentielle au maintien de notre sécurité nationale. Par conséquent, il est nécessaire de fixer un contenu canadien plus élevé.

Par extrapolation, nous ne pouvons pas avoir de capacité industrielle sans une main-d’oeuvre hautement qualifiée et dynamique.

Pour trouver des solutions à tous ces problèmes, il faudra une mobilisation générale, c’est-à-dire réunir le gouvernement, l’industrie, les universitaires et les travailleurs.

Le gouvernement fédéral est bien placé pour faire d’importants investissements dans l’industrie afin de créer des emplois et de mettre au point des innovations clés. Les travailleuses et travailleurs canadiens de l’aérospatiale ont le potentiel de bâtir tout ce dont l’industrie canadienne a besoin, qu’il s’agisse de répondre aux besoins en transport de l’aviation civile ou de la défense et de la sécurité nationales.

L’aérospatiale pourrait fournir de bons emplois aux Canadiens et Canadiennes et aider le Canada à franchir de nouveaux jalons en matière de recherche et développement, tout en stimulant le progrès technologique de pointe et la croissance économique. Et elle le fera si avec les bonnes corrections de cap sont apportées.