Projet de loi C-18 - Présentation lors des audiences parlementaires

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Google News on a phone displaying “top stories” in a jean pocket.
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Unifor est le plus grand syndicat du secteur privé avec plus de 310 000 membres. Notre syndicat représente plus de 10 000 travailleuses et travailleurs du secteur des médias, y compris des journalistes dans les sous-secteurs de la radiodiffusion et des médias imprimés.

Le journalisme sert le bien public et son rôle qui consiste à demander des comptes au pouvoir, à renforcer la démocratie ainsi qu’à construire une communauté n’a jamais été aussi important. Les réseaux sociaux ont montré leur capacité à nous diviser, dressant les voisins les uns contre les autres.  Nous sommes plus polarisés que jamais, mais des médias canadiens forts peuvent construire une communauté.

Je ne crois pas avoir besoin de m’éterniser sur le problème puisque je crois que nous serons tous d’accord pour dire que le secteur des nouvelles, en particulier les nouvelles locales, traverse une CRISE!

Le Forum des politiques publiques a grandement contribué à dépeindre cette baisse dans son rapport Le mirroir éclaté[1] mis à jour qui montre que les revenus publicitaires des journaux communautaires ont chuté de 66 % de 2011 à 2020. Au cours de cette période, presque 300 journaux ont soit disparu ou fusionné avec d’autres publications. La liste des défunts journaux est jalonnée de régions rurales et de petites villes canadiennes.

La situation est similaire dans le secteur de la radiodiffusion. Les médias d’information ferment leurs portes, se regroupent ou réduisent leur taille.

Les chiffres sur le nombre de membres d’Unifor confirment cette tendance. Entre 2009 et 2022, le nombre de membres du Toronto Star a chuté de 610 à 178, une baisse de 70 %.  Dans le secteur de la radiodiffusion, l’emploi a diminué de 16 % entre 2017 et 2021.[2]

Ces pertes d’emplois se traduisent par moins de journalisme et moins de nouvelles, sans aucun remplacement.

Où est allée toute cette publicité? Les géants américains du Web Google et Facebook ont pris au piège le marché mondial de la publicité. Leur domination en termes de part de marché représente un abus de pouvoir puisqu’ils sont en position de dicter les modalités et les prix. Il est important de noter que ces entreprises ne produisent pas elles-mêmes de nouvelles, locales ou autres.

Comment résoudre ce problème? Pour certains, y compris moi-même, la réponse est simple.  Google et Facebook doivent payer leur juste part et contribuer à la création de nouvelles canadiennes.

Mais comment faire? Unifor a d’abord suggéré un fonds pour les nouvelles comme étant la meilleure approche à adopter, mais l’Australie s’y est prise autrement et a mis en place avec succès une loi obligeant les plateformes à négocier avec les organes de presse afin de verser des redevances équitables pour leur produit.

Le projet de loi C-18 axé sur la Loi canadienne sur les nouvelles en ligne est le fruit de ces efforts. Unifor appuie l’adoption rapide de ce projet de loi, puisqu’il est presque déjà trop tard pour agir. Sans ce soutien, d’autres organes de presse fermeront leurs portes puisque plusieurs sont déjà très près du point de rupture.

Voici les trois principales préoccupations d’Unifor en ce qui concerne la version préliminaire du projet de loi C-18. D’abord, il y a l’inclusivité, aucun média d’information admissible ne doit être laissé de côté. Ensuite, il y a la responsabilisation. L’argent reçu en vertu de ces ententes doit être destiné exclusivement à la création de nouvelles. Enfin, il y a la transparence. La valeur de ces ententes doit être de notoriété publique.

Même si le projet de loi C-18 n’est pas parfait - et nous avons soumis certaines modifications mineures afin d’ajuster le projet de loi - Unifor considère qu’il fournit un bon équilibre entre ces enjeux.

Pour le premier enjeu, le projet de loi reconnaît que la diversité doit jouer un rôle clé dans l’inclusivité, c’est-à-dire que les organes de presse de plus petite taille doivent être inclus. De plus, le projet de loi ne tient pas compte du type de plateforme et reconnaît à la fois les radiodiffuseurs et les baladodiffuseurs.  Unifor propose que tous les organes de presse admissibles devraient être inclus.

Pour le deuxième enjeu, Unifor maintient que ces sommes devraient être destinées à la création de nouvelles. L’embauche de journalistes pour raconter nos histoires et demander des comptes au pouvoir représente la plus importante mesure indiquant le succès de cette initiative.

Enfin, en ce qui concerne la transparence, les plateformes jusqu’ici ont réussi à faire en sorte que les ententes négociées soient protégées au moyen d’ententes de confidentialité.   Unifor propose que la valeur des ententes négociées soit rendue publique. Nous savons toutefois que ce projet de loi permettra au CRTC de nous fournir des données agrégées annuelles, comme celles que nous recevons actuellement dans le secteur de la radiodiffusion. Unifor suggère également que les arbitres devraient avoir un accès spécial pour connaître la valeur de ces ententes et obtenir d’autres renseignements confidentiels pertinents de façon à ce qu’ils puissent prendre des décisions informées dans le cadre de la procédure d’arbitrage.

Cependant, imaginez si nous avions un organisme quasi-judiciaire fonctionnant indépendamment du gouvernement pour traiter l’administration de ce projet de loi. De façon claire, Unifor n’a pas toujours été d’accord avec les décisions prises par le CRTC, mais Unifor salue aujourd’hui la décision du CRTC d’administrer ce projet de loi puisque nous considérons qu’il s’agit de l’organisme le mieux placé pour cette tâche.

En somme, le secteur traverse une crise et les nouvelles locales sont essentielles au bien public et à une démocratie fonctionnelle. Nous savons à la lumière de ce qui a été fait en Australie qu’un code de négociation avec une procédure d’arbitrage peut fonctionner et nous croyons que le projet de loi C-18 représente une amélioration par rapport à la loi adoptée en Australie. Unifor appuie donc l’adoption rapide de cette loi avec certains ajustements mineurs. 

Ne nous laissons pas distraire et adoptons le projet de loi C-18 afin de garantir un avenir durable pour les nouvelles locales.

Maintenant, imaginons un monde sans nouvelles, imaginons le vide que cela laisserait, mais surtout imaginons ce que nous pouvons faire pour éviter que cela se produise.

Merci!

Randy Kitt
Directeur du secteur des médias, Unifor

 

[2] Statistique Canada. Tableau 14-10-0202-01  Emploi par secteur, rapport annuel DOIG :

https://doi.org/10.25318/1410020201-eng