Lettre à la ministre Alghabra: Préoccupations relatives au rapport final du groupe de travail national sur la chaîne d’approvisionnement

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Groupe en t-shirts arc-en-ciel regroupés sous une arche arc-en-ciel
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L’honorable Omar Alghabra
Ministre des Transports

Chambre des communes
Ottawa (Ontario)  K1A 0A6

Objet : Préoccupations relatives au rapport final du groupe de travail national sur la chaîne d’approvisionnement et aux droits des travailleuses et travailleurs

Envoyé par courriel à l’adresse @email

Monsieur le Ministre,

Au nom des quelque 50 000 membres d’Unifor qui travaillent dans l’industrie canadienne du transport, j’aimerais vous faire part des vives préoccupations de notre syndicat concernant la recommandation du groupe de travail national sur la chaîne d’approvisionnement d’élaborer un nouveau modèle de relations de travail visant à restreindre le droit fondamental de grève des travailleuses et travailleurs.

« […] la menace seule d’une grève ou de lock-out peut avoir des impacts négatifs sur le fonctionnement de la chaîne d’approvisionnement des transports et entacher la réputation du Canada comme destination de choix pour faire des affaires. Le ministre du Travail doit convoquer un conseil d’experts de toute urgence en vue d’élaborer un nouveau paradigme de relations de travail collaboratif qui permettrait de réduire le potentiel de lock-out, de grèves et de menaces de grèves qui mettent à risque le fonctionnement ou la fluidité de la chaîne d’approvisionnement nationale des transports. » – Rapport final du groupe de travail national sur la chaîne d’approvisionnement, 2022

Unifor estime que le réseau de transport et de logistique du Canada est un moteur essentiel de la prospérité économique et du commerce. Il est impératif d’évaluer les besoins en infrastructures du Canada et d’investir dans un réseau de transport moderne, connecté et résilient. L’infrastructure de la chaîne d’approvisionnement doit pouvoir être adaptée aux menaces climatiques, être traitée comme un investissement stratégique prioritaire et garantir que le Canada atteint ses objectifs de neutralité carbone. Le rapport final du groupe de travail présente des recommandations intéressantes qui méritent de poursuivre le dialogue sur des questions urgentes, notamment la résolution des problèmes de recrutement des travailleuses et travailleurs, la coordination des efforts entre les agences de transport et les ministères fédéraux, et le resserrement de la collaboration avec les communautés autochtones. Unifor attend avec impatience ces discussions stratégiques.

Cependant, il est absolument inacceptable que le groupe de travail ait considéré les « conflits de travail » comme des événements nécessitant des stratégies d’atténuation des risques, au même titre que les événements liés au climat. Le groupe de travail est parvenu à la conclusion que les conflits de travail méritent une attention particulière, ce qui témoigne de l’absence évidente de représentants des travailleuses et travailleurs de première ligne au sein du groupe de travail, dont les membres sont presque tous d’anciens ou d’actuels dirigeants d’entreprises.

Les travailleuses et travailleurs sont le moteur productif de la chaîne d’approvisionnement du Canada. Des décennies de déréglementation de l’industrie (que le groupe de travail qualifie de succès incontestable) ont entraîné une détérioration des emplois et la fragilisation des normes de travail. Cette situation, et bien d’autres efforts antisyndicaux, comme le transfert de contrats et la sous-traitance, ont contribué aux problèmes de recrutement et de maintien en poste qui affligent aujourd’hui des parties importantes du secteur. Limiter le pouvoir des travailleuses et travailleurs en restreignant leur droit de grève contribuerait à l’érosion de la qualité des emplois, déstabilisant encore davantage la chaîne d’approvisionnement des transports, tout le contraire de ce que le groupe de travail a été créé pour accomplir. Le recrutement d’une main-d’œuvre stable, sûre et qualifiée doit figurer en tête des priorités de quiconque cherche à consolider les chaînes d’approvisionnement. Malheureusement, la qualité des emplois ne fait clairement pas partie de la liste des mesures à prendre énoncées dans le rapport final du groupe de travail.

Si la qualité des emplois inquiète peu, il n’est pas étonnant que le groupe de travail se soit permis de recommander un nouveau « paradigme » pour réduire non seulement la probabilité de grève dans un secteur où les grèves sont relativement rares (en 2021, 0,6 % des grévistes au Canada travaillaient dans le secteur du transport), mais aussi la menace de grève, ce qui pourrait aussi expliquer pourquoi le concept de « taux de sécurité », c’est-à-dire un cadre réglementaire qui tient les employeurs responsables d’un salaire équitable et de solides conditions de travail dans l’ensemble des chaînes d’approvisionnement qu’ils contrôlent, n’est pas abordé dans le rapport.

Le groupe de travail était chargé de recenser les faiblesses structurelles, de remédier à la congestion, et d’étudier les pratiques exemplaires internationales pour favoriser la résilience de la chaîne d’approvisionnement au Canada. Il n’avait pas pour mandat de reconsidérer ou de réévaluer les droits constitutionnels des travailleuses et travailleurs de se syndiquer, de négocier collectivement ou d’entreprendre un mouvement de grève pour améliorer leurs conditions de travail. Pour ces seules raisons, le gouvernement devrait rejeter cette recommandation. En effet, le Canada devrait discuter de la meilleure façon d’élargir les droits à la négociation collective, et non les fragiliser.

Il est également décourageant de constater que le groupe de travail ne s’intéresse pas aux questions de sécurité des transports, aux accidents et à la nécessité d’adopter des règles plus strictes régissant les entreprises et les exploitants. En 2020, par exemple, 70 déraillements en voie principale ont eu lieu dans le secteur ferroviaire canadien. Le nombre d’accidents en voie principale n’a cessé d’augmenter au cours de la dernière décennie. Il est pour le moins préoccupant de noter que le groupe de travail n’a pas mentionné ces incidents perturbateurs et déstabilisants (le mot « accident » n’apparaît pas dans le rapport) ni proposé de recommandations pour limiter ces incidents.

J’ai été rassurée de lire les commentaires formulés publiquement par le ministre O’Regan indiquant que le gouvernement fédéral, malgré la recommandation du groupe de travail, continue de favoriser la négociation collective libre et équitable et le droit de grève des travailleuses et travailleurs canadiens. Il s’agit d’un pas dans la bonne direction.

Toutefois, il est inconcevable qu’une telle recommandation soit formulée par un groupe de travail nommé par le gouvernement dans une nation développée, pluraliste et démocratique progressiste comme le Canada.

Monsieur le Ministre, je vous exhorte, ainsi que vos collègues du cabinet, à vous distancer publiquement de cette proposition et à réitérer votre engagement à l’égard de ces droits fondamentaux des travailleuses et travailleurs canadiens. Je vous encourage à vous engager, par principe, à améliorer les conditions de travail en en faisant une priorité afin d’accroître la résilience de la chaîne d’approvisionnement du Canada, en dépit de son omission du rapport final du groupe de travail.

Faisons avancer cet important dialogue dans un esprit de collaboration. Ne tenons pas pour acquis les droits des travailleuses et travailleurs dans le cadre de cette consultation, ou de toute autre consultation future mandatée par le gouvernement, concernant le renforcement de notre économie.

Il me tarde de recevoir votre réponse.

Cordialement,

Lana Payne
Présidente nationale
 

c.c. :      Honorable Marie-Claude Bibeau, ministre de l’Agriculture et de l’Agroalimentaire
Honorable François-Philippe Champagne, ministre de l’Innovation, des Sciences et de l’Industrie
Honorable Mary Ng, ministre de la Petite entreprise, de la Promotion des exportations et du Commerce international
Honorable Seamus O’Regan, ministre du Travail
Honorable Carla Qualtrough, ministre de l’Emploi, du Développement de la main-d’œuvre et de l’Inclusion des personnes en situation de handicap
Len Poirier, secrétaire-trésorier national, Unifor
Bruce Snow, adjoint aux représentant(e)s nationaux, négociations collectives, Unifor