Lettre d'Unifor au Premier ministre Carney et aux ministres du cabinet au sujet de la lettre de demande d'exception anti-briseurs de grève de DHL

Main Image
Image
Unifor red shield
Partager

Le très honorable Mark Carney, c.p., O.C., député
Premier ministre du Canada 

L’honorable Patty Hajdu, c.p., députée
Ministre de l’Emploi et des Familles 

L’honorable John Zerucelli, c.p., député
Secrétaire d’État (Travail) 

Objet : DHL Express Canada

Monsieur le Premier Ministre Carney, Madame la Ministre Hajdu, Monsieur le Secrétaire Zerucelli,

Conformément aux directives de la Ministre, nous répondons par la présente à la récente correspondance de DHL (Canada) Ltd. dans laquelle l’entreprise sollicite l’intervention de la Ministre en vertu de l’article 107 du Code canadien du travail (« Code du travail »).

Unifor représente 2 100 membres à DHL dans l’ensemble du Canada, lesquels travaillent comme chauffeuses et chauffeurs de camion, ainsi qu’aux services de messagerie, d’entrepôt et d’administration.

À titre d’information, Unifor et ses sections locales ont émis des avis de négociation pour ses deux unités de négociation en septembre 2024. À ce moment, le syndicat et DHL avaient convenu qu’aucun « service essentiel » nécessaire pour prévenir un danger immédiat et grave pour la sécurité ou la santé du public, au sens de l’article 87.4 du Code du travail, n’était fourni par les membres des unités de négociation, une position qui contraste fortement avec celle qu’adopte aujourd’hui DHL, qui qualifie ses activités de « critiques » pour la chaîne d’approvisionnement et la santé économique du Canada dans son ensemble. Pour être claire, DHL ne figure même pas parmi les 4 grandes entreprises de livraison de colis express au Canada et le personnel de DHL représente moins de 0,7 % de tous les travailleurs et travailleuses de la livraison locale et moins de 15 % de ceux de la messagerie au pays.

Le 7 mars 2025, après une douzaine de jours de négociation, DHL a déposé un avis de différend et une demande de conciliation en vertu de l’article 71 du Code du travail. Le 4 juin 2025, DHL a remis un avis de lock-out au syndicat et procédé au lock-out de tout son personnel le 8 juin 2025.

Contrairement aux affirmations de DHL, le moment choisi pour cette perturbation du travail était entièrement entre les mains de l’employeur. Unifor n’a adopté aucune tactique « dilatoire » et était engagé dans des négociations de bonne foi avec l’employeur lorsque DHL a déclenché le lock-out. De plus, l’employeur a choisi de le faire en sachant pertinemment que les modifications au Code du travail interdisant le recours à des briseurs de grève pendant une grève ou un lock-out (projet de loi C-58) entreraient en vigueur dans les 12 jours suivants.

DHL avait d’ailleurs élaboré des plans d’urgence pour transférer la production vers d’autres transporteurs et centres d’appels avant le lock-out et aurait pu les mettre en branle. Elle a même mis en œuvre une stratégie à grande échelle pour former et embaucher des travailleuses et travailleurs de remplacement pour faire le travail des membres des unités de négociation pendant les deux premières semaines du lock out, avant l’interdiction légale du recours à des briseurs de grève. Compte tenu de cet acte délibéré et de cette planification détaillée, DHL ne peut pas prétendre aujourd’hui avoir été prise au dépourvu ou désavantagée par le lock-out ou l’adoption de la loi anti-briseurs de grève.

Même si certains des services et des fonctions assurés par DHL étaient considérés comme « essentiels » par Sécurité publique Canada pendant la pandémie de COVID 19 et avaient pu se poursuivre malgré les mesures de santé publique, cette situation antérieure ne permet pas de déterminer si des services sont essentiels au sens de l’article 87.4 et certainement pas si une intervention extraordinaire en vertu de l’article 107 est justifiée. Comme vous le savez, la pertinence d’une telle intervention extraordinaire de la Ministre est actuellement devant la Cour fédérale du Canada.

Vous n’êtes pas sans savoir que la libre négociation collective et le droit de grève sont protégés par la Charte canadienne des droits et libertés . Toute restriction du droit de grève nuit à la capacité des syndicats de négocier efficacement et constitue une violation de l’alinéa 2d) de la Charte.

DHL semble demander un passe-droit pour éviter d’avoir à se conformer à la nouvelle loi anti briseurs de grève qui découle de nombreuses années de travail acharné de la part des syndicats et des travailleuses et travailleurs, qui a été soutenue à l'unanimité par les parlementaires. L’article 107 du Code du travail ne peut pas continuer d’être ainsi utilisé de manière abusive. Une telle ingérence dans les droits fondamentaux crée un dangereux précédent, prolonge les conflits de travail et, au bout du compte, érode la confiance à la table de négociation. De plus, il est bien établi que le recours à des briseurs de grève prolonge les conflits, contribue à exacerber les tensions sur les lignes de piquetage, compromet la sécurité au travail et dissuade les employeurs de négocier et de conclure des ententes équitables.

Cordialement,

Lana Payne
Présidente nationale d’Unifor