Lettre d’Unifor au Comité du patrimoine canadien sur les suppressions d’emploi à Bell

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Aux membres du Comité permanent du patrimoine canadien

Bonjour,

Nous vous écrivons aujourd’hui pour vous faire part des préoccupations d’Unifor concernant la décision du conseil d’administration de Bell Canada Enterprises Inc. (BCE) de supprimer des milliers de bons emplois à la grandeur du Canada tout en continuant d’augmenter les dividendes versés aux actionnaires et les primes accordées à ses dirigeantes et dirigeants.

Les membres d’Unifor ont exprimé haut et fort leurs inquiétudes face à ces pertes d’emplois au cours des dernières années. Cependant, l’entreprise a accentué ces manœuvres de façon inquiétante et spectaculaire en supprimant plus de 6 000 emplois sur une période de 8 mois. Ces chiffres incluent l’annonce faite par BCE en février 2024 concernant la suppression de 4 800 emplois dans le secteur des télécommunications et des médias, représentant ainsi une perte de 9 % de sa main-d’œuvre d’un seul coup.

Parallèlement, l’entreprise a également choisi d’annoncer qu’elle augmenterait de nouveau les dividendes versés à ses actionnaires.

Notre syndicat salue la décision du Comité permanent du patrimoine canadien de convoquer les dirigeantes et dirigeants de Bell le 11 avril dernier pour aborder ces suppressions d’emplois.

La suppression de 1 300 emplois en juin dernier, principalement à Bell Média, est des plus alarmantes. BCE a décimé la couverture de l’actualité en février en éliminant les bulletins de nouvelles du midi et de la fin de semaine à CTV dans la plupart des marchés au pays et en abandonnant W5, une importante émission d’enquête de longue durée qui a été diffusée pendant 58 saisons. En fait, elle a été la plus longue émission d’enquête hebdomadaire diffusée en Amérique du Nord.

Au moment même où les dirigeantes et dirigeants de BCE scellaient le sort de W5 derrière les portes closes de sa salle de conférence, la journaliste Avery Haines et une équipe de W5 risquaient leur vie pour attester des expériences des personnes migrantes tentant un périlleux voyage à travers une jungle contrôlée par les cartels de la drogue et les relater à la population canadienne.

Nous invitons les membres du Comité permanent à regarder cet excellent travail de journalisme d’enquête canadien comme un exemple de la recherche de la vérité que BCE est en train d’anéantir.

Regardez Narco Jungle: The Darien Gap de W5 ici.

Comme vous le savez peut-être, les dirigeantes et dirigeants d’Unifor ainsi que des membres du secteur des télécommunications et des médias ont organisé un rassemblement à Ottawa le 19 mars dernier. Des centaines de travailleuses et travailleurs sont descendus dans la rue afin d’envoyer un message clair et sans équivoque pour s’opposer aux suppressions d’emplois et aux versements records de dividendes aux actionnaires de BCE. Honte à Bell.

Kevin Newman, journaliste de renom, chef d’antenne et ancien animateur de W5, s’est joint à Unifor lors d’une conférence de presse sur la Colline du Parlement au cours de laquelle il a déclaré qu’« en démantelant ses salles de nouvelles année après année, Bell est à l’origine du recul de l’information chez l’ensemble des diffuseurs et crée des déserts d’information à la télévision et à la radio où il y a peu de journalistes, voire aucun, du secteur privé. La population canadienne en est maintenant réduite à se demander où trouver la vérité. »

Unifor exhorte les membres du Comité permanent à méditer sur les propos de M. Newman. Il nous prévient que nous vivons à une ère de désinformation et de guerre cognitive visant à saper la vérité. Les coupes incessantes dans les sources de nouvelles et d’information sont draconiennes, et les reportages vérifiés et basés sur des faits sont constamment mis à l’épreuve par des forces extérieures et leur propre employeur. Bon nombre de travailleuses et travailleurs de Bell veulent que la population canadienne comprenne la menace que représentent ces coupes pour eux et pour la santé de notre société démocratique.

« Continuer de rationner la division de Bell consacrée à la poursuite de la vérité équivaut à capituler devant des adversaires qui tentent de miner notre confiance en la vérité et notre société pacifique, ainsi que notre confiance mutuelle, a déclaré M. Newman. Il est temps de renforcer nos défenses afin de protéger l’information, et non de les laisser s’effriter. »

Lisez l’article d’opinion de Kevin Newman dans le Toronto Star ici.

Comble de l’ironie, le jour même où les travailleuses et travailleurs de Bell tenaient leur rassemblement dans le cadre de la campagne « Honte à Bell », BCE invitait des centaines de travailleuses et travailleurs des télécommunications à des réunions de groupe virtuelles pour leur annoncer qu’ils perdaient leur emploi. Alors que BCE continue de distribuer des avis de congédiement, il est clair que l’entreprise n’avait aucun plan précis pour décider des postes à supprimer. La situation a fait naître un sentiment d’anxiété et d’inquiétude chez des milliers de travailleuses et travailleurs, qui ont attendu pendant près de deux mois de savoir si le couperet s’abattrait sur eux. Certains attendent toujours.

Le départ de travailleuses et travailleurs de longue date, dont ceux et celles qui travaillaient à la prochaine génération de technologie, emportant avec eux une expérience exceptionnelle, sans plan de relève viable, est des plus préoccupants. La plupart des 700 emplois perdus en télécommunications lors des plus récentes coupes sont des postes au service à la clientèle. Ces pertes ne peuvent qu’entraîner une baisse de la qualité du service, obligeant les clients à se buter à des robots contrôlés par l’intelligence artificielle.

Nous sommes d’avis que les actions des membres du conseil d’administration de BCE violent le contrat social et la responsabilité de cette entreprise envers l’ensemble de la population canadienne. Nous demandons que ces considérations soient prises en compte lorsque les dirigeantes et dirigeants de BCE seront enfin appelés à témoigner devant votre Comité permanent et que des questions pointues leur soient posées afin de demander des comptes à cette entreprise et aux personnes qui la dirigent. 

Combien de temps a-t-il fallu au conseil d’administration de BCE pour décider de congédier 6 000 personnes, d’éviscérer les émissions de nouvelles locales, de couper des émissions comme W5 et de saper les emplois dans les services de télécommunications en Ontario, au Québec, au Manitoba et dans le reste du Canada?

Comment de temps a-t-il fallu au conseil d’administration de Bell BCE pour planifier le congédiement de milliers de travailleuses et travailleurs et, parallèlement, discuter de la rémunération de ses dirigeantes et dirigeants, comme la hausse salariale de 20 % que le président-directeur général a reçue en 2022 et celle de 40 % qui lui a été octroyée entre 2020 et 2022? 

L’entreprise a-t-elle décidé de supprimer des emplois d’un seul souffle pour ensuite enchaîner une bonification des dividendes et de la rémunération du président-directeur général?

Unifor, les travailleuses et travailleurs de BCE et la population canadienne méritent de connaître les réponses à ces questions afin de pouvoir demander des comptes à la plus grande entreprise de télécommunications du Canada et aux personnes qui la dirigent.

Cordialement,

Lana Payne
Présidente nationale d’Unifor