Lettre à Goldy Hyder OBJET : Commentaires sur le secteur canadien de l'automobile touché par les tarifs douaniers

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Goldy Hyder
Président et chef de la direction, Conseil canadien des affaires

 

Objet : Commentaires sur le secteur canadien
de l'automobile touché par les tarifs douaniers

 

Monsieur Hyder,
 

Je me sens contrainte de vous écrire après avoir lu vos plus récents commentaires publics dans un article de CTV News concernant le secteur canadien de l’automobile. Vos commentaires dans cet article laissent entendre que le gouvernement canadien devrait renoncer à ses efforts pour protéger le secteur de l’assemblage automobile au Canada compte tenu des tarifs douaniers imposés sans vergogne par les États-Unis et des menaces de délocalisation vers les États-Unis. Vous avez avancé qu’en agissant ainsi, le Canada serait mieux placé pour conclure un nouvel accord avec l’administration Trump.
 

Au nom des 320 000 membres d’Unifor, dont plus de 40 000 dans le secteur de l’automobile et de la chaîne d’approvisionnement, je tiens à vous faire savoir que je suis en total désaccord avec votre évaluation et votre approche. De plus, je considère inacceptable que vous vous exprimiez publiquement sur des questions industrielles pour lesquelles vous n'êtes manifestement pas qualifié.

Plus précisément, je trouve offensante cette déclaration qui vous est attribuée dans l’article de CTV :

« De nombreux emplois sont en jeu dans le secteur de l’automobile. Il y a probablement plus d’emplois dans le secteur des pièces automobiles que dans celui de la construction automobile. Ils ne s’en prennent pas à notre secteur des pièces automobiles, mais à nos voitures. »

Cette représentation du secteur canadien de l’automobile est tout à fait fausse. Il est inadmissible de votre part de suggérer que le secteur de l'assemblage automobile fonctionne indépendamment de celui des pièces automobiles et que les deux ne sont pas interdépendants. 

L’administration Trump a lancé une attaque contre le secteur canadien de l’automobile en appliquant des tarifs douaniers sur les véhicules finis, tout en continuant à accorder un accès sans tarifs douaniers aux pièces importées. Il s’agit précisément de maintenir en activité les usines automobiles américaines, tout en perturbant le modèle économique de la production canadienne.  Si les usines d’assemblage quittent le Canada, les usines de pièces automobiles situées à proximité feront de même. Vous semblez mal comprendre cette particularité fondamentale d’une industrie étroitement intégrée, qui génère des centaines de milliers d’emplois bien rémunérés au Canada. Votre déclaration dresse un portrait à la fois faux et trompeur de la situation.   

Le Conseil canadien des affaires mène depuis des années une campagne axée sur les concessions afin d’apaiser les intérêts américains dans l’espoir d’obtenir le renouvellement de l’Accord Canada-États-Unis-Mexique (ACÉUM). Votre campagne en faveur du renouvellement de l’ACÉUM a été marquée par des prises de position publiques qui ont affaibli la position et le pouvoir de négociation du Canada.  Déjà en 2023 – bien avant que Donald Trump ne soit réélu pour un second mandat – vous avez recommandé au Canada de supprimer sa taxe sur les services numériques, d’augmenter considérablement ses dépenses en matière de sécurité et d’accélérer l’octroi de permis pour les projets liés aux ressources essentielles – tout cela dans le but de montrer sa bonne volonté et d’apaiser les intérêts américains. Cela s’est produit avant même que nous ne nous asseyions à la table de négociation.

Le plus tragique, c’est que même après avoir satisfait à chacune de ces exigences de campagne, le Canada n’est pas plus près de conclure un nouvel ACÉUM. Le Conseil canadien des affaires exerce une influence dans les relations transfrontalières et est un acteur important dans le discours de la société civile. Le fait de révéler sans raison les désaccords en matière de politique intérieure entre le monde des affaires et notre gouvernement fédéral ne fait qu'affaiblir la position de négociation du Canada. Présenter le renouvellement de l’ACÉUM avec un tel désespoir envoie un mauvais message aux négociateurs américains. Vos commentaires publics persistants et contre-productifs mettent en péril des milliers d’emplois. 

Je me réjouis des messages de solidarité et de soutien que notre syndicat a reçus ces dernières semaines de la part de nombreux acteurs du monde des affaires canadien, notamment des propriétaires de petites entreprises et des chambres de commerce locales.  Les personnes et les organisations qui m'ont écrit sont unanimes : la protection du secteur canadien de l’automobile et de notre économie industrielle doit être une priorité nationale. Le secteur de l’automobile est un élément essentiel de l’empreinte manufacturière de pointe du Canada, et il génère des investissements, des innovations et une activité économique exceptionnels au niveau national.

 Le Canada est également le principal marché d’exportation des véhicules construits aux États-Unis. Heureusement, les gouvernements fédéral et provinciaux comprennent l’importance du secteur de l’automobile et répondent aux appels à l’aide des travailleuses et travailleurs de ce secteur. Contrairement à ce que vous affirmez, un mauvais accord entre le Canada et les États-Unis est bien pire que pas d’accord du tout. 

Le Canada ne doit pas céder aux menaces commerciales des États-Unis et doit rester ferme grâce au soutien nécessaire du gouvernement et à une position de négociation forte. Selon un récent sondage commandé par notre syndicat, 70 % des Canadiennes et Canadiens considèrent que nous ne devrions pas sacrifier notre secteur de l'automobile pour obtenir une entente commerciale avantageuse avec les États-Unis. Il est clair que la population canadienne appuie notre syndicat. Les Canadiennes et Canadiens reconnaissent que nos emplois industriels méritent d'être défendus.

Je comprends que nous traversons une période difficile. La crise à laquelle nous sommes confrontés aujourd’hui est hors du commun – vous conviendrez sans doute avec moi qu’il s’agit de la plus grave que nous ayons connue de notre vivant.

Néanmoins, Unifor ne cédera pas au chantage de l’administration Trump, et nous exhortons notre gouvernement fédéral à faire de même. Nous travaillons d’arrache-pied avec nos sections locales et de nombreux employeurs pour trouver des moyens de maintenir les activités et de protéger les emplois. Nous veillons également à ce que les entreprises soient tenues responsables de toute décision qui nuit aux intérêts économiques du Canada.  Si les constructeurs automobiles veulent avoir accès au marché canadien de la vente de véhicules, qui représente environ 100 milliards de dollars, ils devront construire ici.  Ce type de politique stimulera l’activité de la chaîne d’approvisionnement nationale, contrairement à la thèse irréfléchie selon laquelle céder nos usines d'assemblage à Trump nous permettrait de nous concentrer sur la fabrication de pièces automobiles. 

Le Conseil canadien des affaires serait bien avisé de se joindre à nous dans cet effort. Nous avons besoin d’une approche « Équipe Canada » à part entière dans cette lutte. Ce problème s’étend bien au-delà du secteur de l’automobile. Si Trump obtient ce qu’il veut, il s’attaquera à d’autres industries essentielles à valeur ajoutée. 

Le moment est venu de rester fermes dans notre détermination collective à défendre nos industries et nos travailleuses et travailleurs, et non de miser sur un mauvais accord qui pourrait nuire de manière fondamentale et irréparable au pays que nous aimons. 

Veuillez agréer, Monsieur Hyder, l’expression de mes sincères salutations.
                                                         
Lana Payne,

Présidente nationale d’Unifor