Letter to Commissaire de la concurrence - sujet: Drax Group

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A stand of trees covered in snow
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Le 16 février 2022

Matthew Boswell
Commissaire de la concurrence
Bureau de la concurrence Canada
Place du Portage I
50, rue Victoria, pièce C-114
Gatineau, Québec K1A 0C9

Objet : Pratiques anticoncurrentielles de Drax Group dans l’industrie du granulé de bois en Colombie-Britannique et au Canada

Cher M. Boswell,

Nous vous écrivons aujourd’hui pour demander officiellement au Bureau de la concurrence du Canada d’enquêter sur la position dominante de Drax Group dans l’industrie du granulé de bois en Colombie-Britannique, en Alberta et au Canada en général. 

La société a monopolisé une grande partie de la production de granules de bois dans l’ouest du Canada et ses actions récentes indiquent qu’elle utilise cette position monopolistique pour réduire considérablement la concurrence sur le marché des matières premières nécessaires à la fabrication des granules de bois.

Cette demande est motivée par les récents développements dans l’industrie du granulé de bois en Colombie-Britannique qui impliquent directement Drax Group et qui auront bientôt pour conséquence une réduction tangible de la concurrence dans cette industrie. Nous croyons que cette diminution de la concurrence aura des répercussions négatives sur les écosystèmes forestiers et sur l’emploi dans l’industrie forestière de la province, des enjeux très préoccupants pour nos organisations respectives et pour de nombreux Britanno-Colombiens.

Rappelons que Drax exploite au Royaume-Uni une centrale thermique d’électricité qui est la plus grande de ce type au monde. La centrale utilise presque exclusivement des granulés de bois comme principale matière première pour créer la chaleur qui fait tourner ses turbines. L’absence de couverture forestière significative dans la majeure partie du Royaume-Uni signifie que Drax doit s’approvisionner en combustible à l’étranger. Le sud-est des États-Unis et le Canada sont devenus des sources importantes de granulés pour Drax.

En avril 2021, dans le cadre de ses efforts pour consolider son emprise sur les approvisionnements en matières premières depuis le Canada, Drax a acheté Pinnacle Renewable Energy Inc, le plus grand fabricant de granulés de bois de la Colombie-Britannique. Grâce à cette acquisition, Drax devient propriétaire, en tout ou en partie, de sept des 14 usines de granulés de bois de la province. Or, les données publiées par la Wood Pellet Association of Canada montrent que la production de ces sept usines est supérieure à la moyenne. Ainsi, par son acquisition de la moitié des usines de granulés de bois de la province, Drax contrôle directement ou partiellement 62 % de la production de l’industrie, soit 1,57 million de tonnes sur un total de 2,51 millions de tonnes par an.

Mais au-delà de la simple position de monopole de Drax, ce qui a motivé cette demande au Bureau de la concurrence, ce sont ses actions après l’acquisition de Pinnacle.

Vers le milieu du mois de décembre 2021, Drax a acheté les contrats de vente des produits de Pacific Bioenergy, le deuxième plus grand producteur de granulés de bois de la Colombie-Britannique. En vertu de cette opération, Drax doit veiller à ce que 2,8 millions de tonnes supplémentaires de granulés de bois produits en Colombie-Britannique soient fournies à des acheteurs au Japon et en Europe entre 2022 et 2035 environ, soit une moyenne de 200 000 tonnes supplémentaires par an.

Dans la foulée de l’accord conclu avec Drax, la plus grande entreprise de granulés de bois de Colombie-Britannique, Pacific Bioenergy, le deuxième plus grand producteur de granulés, a annoncé la fermeture de ses activités en mars de cette année, au prix de 55 emplois dans la fabrication et d’un nombre non communiqué d’emplois dans l’exploitation forestière et le transport des grumes.

La conjugaison de cette acquisition par Drax et de la décision quasi simultanée de Pacific Bioenergy de mettre fin aux activités de l’entreprise basée à Prince George signifie que la pénétration de Drax sur le marché canadien réduit la concurrence pour les granulés de bois tout en concentrant le pouvoir d’achat d’une seule entreprise.

Selon la Wood Pellet Association of Canada, la production de Pacific Bioenergy était estimée à 400 000 tonnes de granulés de bois par an. Selon les termes de cette convention d’achat, Drax s’engage à satisfaire 200 000 tonnes de granulés par an dans le cadre de contrats de vente négociés par Pacific Energy avec divers clients étrangers.

Au moment de la fermeture de Pacific Bioenergy dans moins d’un mois, la Colombie-Britannique comptera 13 usines de granulés, dont sept seront directement ou partiellement contrôlées par Drax. Si l’on compare la production de ses usines à la production totale de toutes les exploitations de granulés de la province et si l’on ajoute l’obligation pour Drax de respecter les conventions de vente de Pacific Bioenergy, Drax contrôlera plus des deux tiers de la production totale de granulés de bois de la province.

Notre évaluation est que Drax a un contrôle encore plus grand de la production de granulés en Alberta avec 82 % du total provincial et que, dans l’ensemble du Canada, la société contrôle 44 % de la production nationale estimée de granulés.

Cette concentration d’entreprises, à notre avis, va à l’encontre de la notion de saine concurrence et, ultimement, elle nuira à la fois à nos forêts domaniales et aux travailleurs de l’industrie forestière, dont des dizaines de milliers ont perdu leur emploi au cours des 20 dernières années, notamment en raison de la concentration accrue des entreprises. Nous vous prions instamment de déterminer si un tel niveau de concentration sert les intérêts des Canadiens et, dans le cas contraire, s’il convient d’ordonner à Drax de se défaire de certains actifs.

En terminant, nous soulignons que nos organisations respectives - deux syndicats représentant les travailleuses et travailleurs de diverses entreprises de fabrication de produits forestiers, une organisation de conservation vouée à la protection d’un plus grand nombre de forêts primaires dans le nord de la province (les forêts primaires sont celles qui n’ont pas encore été perturbées par des activités industrielles) et un institut de politique publique - se sont réunis il y a un an pour exprimer leurs préoccupations à l’égard d’un projet de construction de la plus grande usine de granules de bois de tout le Canada.

Si elle était construite dans la communauté de Fort Nelson, en Colombie-Britannique, l’usine aurait une production annuelle de 600 000 tonnes de granulés de bois, dépassant de loin tout ce qui est actuellement en activité dans la province. Elle serait également la première au pays à être destinée à transformer directement des arbres entiers en copeaux, qui seraient ensuite transformés en granules. Ce changement marquerait une rupture radicale avec la vocation première des usines de granulés de la province, à savoir la transformation de ce que l’on appelle les déchets de bois ou les « résidus » sous la forme de copeaux de bois produits par les scieries après la transformation des grumes en produits de bois rectangulaires.

Nos organisations maintiennent leur opposition à ce projet proposé, car il ne créera que très peu d’emplois relativement à ce qui sera exploité et qu’il accélérera l’exploitation des forêts primaires du nord de la Colombie-Britannique, déjà fortement diminuées.

À ce stade, la possibilité que l’acteur dominant de la province dans l’industrie du granulé de bois ait pour objectif de s’assurer la production de l’usine de Fort Nelson, si elle est construite, nous préoccupe encore davantage. Une telle éventualité renforcerait considérablement la position de monopole de Drax dans la province, une éventualité que nous estimons que vous devriez prendre en compte lors de l’analyse des activités de la société en Colombie-Britannique.

Dans cette optique, nous exhortons le Bureau de la concurrence du Canada à examiner les récentes acquisitions de Drax et à déterminer si elles nuisent ou non à une saine concurrence dans l’industrie florissante des granulés de bois en Colombie-Britannique, en Alberta et au Canada.

Michelle Connolly
Conservation North

Scott Doherty
Unifor

Gary Fiege
Public and Private Workers of Canada

Ben Parfitt
Centre canadien de politiques alternatives, bureau de la C.-B.