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La section des travailleuses et travailleurs retraités de la section locale 222 d’Unifor fêtera ses 75 ans l’an prochain, mais son président, Lyle Hargrove, a déjà en tête le 100e anniversaire.
« Ce n’est pas parce que nous arrêtons de travailler que nous arrêtons de nous amuser, déclare Lyle Hargrove. Certaines personnes pensent que c’est la fin une fois notre carrière professionnelle terminée. Mais en disposant d’une section des travailleuses et travailleurs retraités, le militantisme se poursuit, l’engagement communautaire aussi, et l’étendue des connaissances du syndicat s’élargit. »
Depuis la création de la section à Oshawa, en Ontario, en 1950, le mouvement syndical a connu des hauts et des bas, tout comme le maintien de l’engagement des membres retraités auprès de leur syndicat. Lyle Hargrove, 79 ans, croit que le jeu en vaut la chandelle.
La section de travailleuses et travailleurs retraités, qui compte environ 14 000 membres, organise régulièrement des événements, notamment des soirées dansantes en hiver, du yoga, de l’euchre, du tai-chi, de la danse en ligne et des tournois de billard. Les membres de la section soutiennent également les efforts continus du syndicat, tout en participant activement aux diverses campagnes et en soutenant les membres en grève. L’existence d’une telle section est très importante, explique Lyle Hargrove.
« Les membres se rassemblent pour ne pas rester seuls à la maison, affirme-t-il. Ils apprécient nos rencontres, mais aiment aussi se retrouver avant et après pour discuter, rire et se remémorer les bons moments du passé. Il est très important que les membres interagissent les uns avec les autres et demeurent motivés à défendre les droits des travailleuses et travailleurs et à demander un changement politique et social. »
Sandy McFarlane, présidente de la section des travailleuses et travailleurs retraités de la section locale 2002 d’Unifor basée à Toronto, mais dont les membres proviennent de partout au Canada, considère que l’adhésion à une section de membres retraités offre à ces derniers un esprit de communauté et l’occasion de poursuivre leur militantisme.
« Le régime de retraite de certains membres de notre syndicat n’a pas changé depuis plus de 17 ans, raconte-t-elle. C’est l’occasion de militer au sein de la communauté. À moi seule, je ne peux pas faire augmenter ma pension, mais si nous sommes nombreux, quelqu’un écoutera peut-être. »
Sandy McFarlane, 68 ans, a travaillé dans le secteur de l’aviation pendant 47 ans. Cette résidente de Calgary précise que le militantisme politique a été la pierre angulaire de son adhésion au syndicat en 1976. Elle a pris sa retraite d’Air Canada en novembre 2020.
« J’ai marché et lutté en faveur du droit à l’avortement, confie-t-elle. Je me suis battue pour bon nombre des droits des femmes et aujourd’hui, ces droits régressent. Ma grand mère s’est battue pour pouvoir mettre son nom sur une carte de crédit. Et je tiens ce droit pour acquis. Mes enfants le tiennent pour acquis. En continuant de participer aux efforts du syndicat, j’ai l’impression de contribuer à préserver les droits de la prochaine génération. »
Sandy McFarlane constate que les jeunes travailleuses et travailleurs de l’industrie de l’aviation sont aux prises avec des enjeux majeurs comme les droits du successeur et le transfert de contrats. Elle estime que les membres retraités et les jeunes travailleuses et travailleurs possèdent de riches expériences et de vastes connaissances et qu’ils pourraient, ensemble, constituer une force invincible.
« Les jeunes apprennent qu’ils doivent suivre plusieurs parcours professionnels compte tenu de l’évolution de la technologie et des carrières, ajoute-t-elle. L’intelligence artificielle est à nos portes. Qui sait ce qui en découlera? »
La présidente nationale d’Unifor, Lana Payne, estime que les travailleuses et travailleurs retraités font partie intégrante du syndicat.
« Ils sont une mine de connaissances et d’expériences, assure-t-elle. Nous sommes reconnaissants de leur militantisme et de leur solidarité sans faille, ainsi que de leur enthousiasme à contribuer à nos luttes et à nos rassemblements. Nous apprécions leurs voix uniques et leur judicieuse sagesse. »
Sandy McFarlane ajoute que les membres retraités disposent de l’expérience, du temps et de l’énergie pour aider, notamment en invitant les jeunes travailleuses et travailleurs à exiger la protection de leurs pensions et de l’indemnité de vie chère dans leurs conventions collectives.
« Dans notre section locale, de nombreuses unités n’ont même pas encore négocié de régime de retraite, dit-elle. J’estime que l’histoire est importante et que nous devrions soulever les efforts que les syndicats ont déployés et les enjeux pour lesquels ils se sont battus. »
La plupart des membres de la section des travailleuses et travailleurs retraités de la section locale 222 ont plus de 70 ans. Lyle Hargrove craint que les jeunes retraités ne connaissent pas l’existence de ces sections de membres retraités ou ne s’y intéressent pas alors que le décès de ces membres plus âgés contribue à la décroissance de leur nombre.
« Notre objectif est toujours de les attirer avant même qu’ils prennent leur retraite, avoue t il. Notre porte est toujours ouverte pour accueillir de nouveaux membres. »
À son avis, les sections des travailleuses et travailleurs retraités redonnent de manière exponentielle aux communautés.
Grâce à une cotisation bénévole de 2 $ par mois, la section des travailleuses et travailleurs retraités de la section locale 222 remet annuellement de 80 000 à 90 000 $ à divers organismes de bienfaisance, notamment des banques alimentaires, des clubs de garçons et filles et d’autres causes qui aident les personnes dans le besoin.
« Les syndicats sont très utiles dans un endroit comme Oshawa, où il y a beaucoup de membres et d’usines de construction d’automobiles, dit-il. Les jeunes et les membres retraités tendent la main pour aider les personnes dans le besoin dans la communauté. »
« Nous savons que le syndicat évolue. Les membres retraités restent souvent dans l’ombre, mais lorsque nous faisons appel à eux, ils sont présents, que ce soit sur les lignes de piquetage ou encore pour une activité au local syndical lorsqu’il manque de bénévoles. Ils m’appellent et j’envoie simplement un courriel pour leur dire de se ramener en vitesse. »
Sandy McFarlane partage le même sentiment.
« Je viens de passer six semaines en Saskatchewan à l’occasion des récentes élections provinciales, explique-t-elle. Nous avons recruté un bon nombre de personnes et leur avons versé leur salaire, mais il a été plus difficile de les faire sortir de leur milieu de travail que de les payer. Nous n’avons pas eu ce problème pour les membres retraités. Nous devions seulement payer les dépenses et leur donner une petite tape dans le dos. »
Le président de la section locale 222 d’Unifor, Jeff Gray, croit que la section des travailleuses et travailleurs retraités de la section locale constitue un exemple à suivre de la solidarité nécessaire pour faire respecter les droits des travailleuses et travailleurs et obtenir des gains en matière de négociation collective.
« L’impact du temps qu’ils ont passé sur le marché du travail a offert de nombreux avantages dont les membres actifs bénéficient encore aujourd’hui, dévoile-t-il. Nous leur sommes reconnaissants et nous comptons chanceux de pouvoir compter sur eux. »
Pour élargir le réseau de sections de membres retraités au Canada, Lyle Hargrove dit apprécier l’aide de Barb Dolan, directrice du Service des travailleuses et travailleurs retraités, et de Les MacDonald, membre de la section des travailleuses et travailleurs retraités de la section locale 222.
Le principal défi consiste à rester en contact, selon Sandy McFarlane.
Les employeurs ne conservent pas de renseignements sur les membres retraités qui ne reçoivent pas une pension, et même dans ce cas, ces données peuvent être rares ou ne plus être à jour. Lorsque les sections de travailleuses et travailleurs retraités obtiennent une liste de membres, nous entrons alors en contact avec eux dans des cafés, à la salle de quilles, ou encore dans les tournois de balle et de golf. Pour maintenir leur intérêt et leur engagement, les présentations informatives, les conventions et les conférences sont essentielles.
« Vous invitez un conférencier, et parfois, il y a une étincelle et quelqu’un s’en empare », dit-elle.
Selon la présidente de la section locale 2002 d’Unifor, Tammy Moore, une section de travailleuses et travailleurs retraités « garantit que l’expérience et l’expertise de nos membres retraités continuent d’enrichir notre section locale, tout en offrant un soutien continu, en défendant les avantages dont bénéficient les membres retraités, et en faisant entendre leur voix dans les décisions syndicales ».
Lyle Hargrove recommande aux membres retraités de faire du bénévolat, que ce soit dans un hôpital ou un club de bienfaisance. Il les invite également à participer au Conseil des travailleuses et travailleurs retraités d’Unifor, qui se tient la fin de semaine de la fête du Travail et les jours suivants à Port Elgin, en Ontario, pour discuter d’enjeux importants.
« Un grand nombre de personnes souffrent, et nous le savons, rapporte-t-il. Certains de nos membres retraités, depuis qu’ils n’ont plus accès à l’indemnité de vie chère, ou parce qu’ils ont pris leur retraite il y a 20 ans, doivent même emménager avec leurs enfants et faire autre chose pour survivre parce que leurs revenus n’augmentent pas. »
Lyle Hargrove indique qu’il continue de préparer la grande fête pour le 75e anniversaire de la section des travailleuses et travailleurs retraités de la section locale 222, mais qu’il aimerait inciter les plus jeunes à se joindre à eux et à continuer de se sentir valorisés et appréciés par Unifor lorsqu’ils donnent de leur temps, de leur énergie et de leur expertise.
« J’espère que notre syndicat, depuis le bureau national, fera toujours appel aux membres retraités autant que possible, ajoute-t-il. Les membres retraités veulent contribuer, mais ils veulent sentir que le syndicat national souhaite également qu’ils le fassent. »