Les primes de pandémie atterrissent dans les poches des mauvaises personnes

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Cet article a d’abord été publié dans le Toronto Star.

À en croire les dirigeants de deux des plus grands détaillants du Canada et d’une chaîne privée de maisons de soins de longue durée, ils ont fait un remarquable travail de gestion de la pandémie, et se sont rapidement octroyé de généreuses primes pour le prouver.

Nous parlons ici de millions de dollars en primes, en plus de salaires qui les placent déjà dans le premier percentile des gens fortunés.

Pour être franc, il s’agissait d’un étalage répugnant de la cupidité des entreprises dans une année déjà difficile, alors que le personnel de première ligne peinait à joindre les deux bouts, gagnant de maigres salaires et étant privé de la prime de pandémie, tout en s’inquiétant d’attraper la COVID-19 au travail et de ramener le virus à la maison.

Les travailleuses et travailleurs des secteurs du commerce de détail et des soins de longue durée ont été en première ligne de la pandémie, mettant leur vie en danger pour que le reste d’entre nous puissions nous procurer la nourriture et les autres produits dont nous avons besoin et s’occupant de nos proches vieillissants lorsque nous ne pouvions plus leur rendre visite.

Ils continuent de travailler pendant de longues heures difficiles et font partie des plus vulnérables de notre société face à la COVID-19. Ils ne peuvent pas travailler de la maison et se sont vus refuser des congés de maladie payés ou même des congés pour aller se faire vacciner pour rester en bonne santé.

Ce sont ces personnes qui méritent une prime. Ce sont elles qui ont mérité une récompense pour avoir traversé cette année difficile.

Chez Canadian Tire, les primes des cadres ont été augmentées de près de 8 % dans l’ensemble, en plus des salaires déjà exorbitants, une entreprise dont le haut dirigeant gagne plus en une semaine que son personnel de première ligne ne gagne en une année.

Par exemple, le directeur général Greg Hicks a gagné 4,49 millions de dollars, soit plus de 86 000 dollars par semaine, dont un salaire de 932 596 dollars et une prime de 949 224 dollars.

Sa prime était supérieure à son salaire.

Loblaw a fait preuve d’une certaine retenue en comparaison, sinon dans les faits, en déclarant que l’entreprise limiterait toutes les primes à 150 % des objectifs, plutôt que les 200 % habituels, en raison de la COVID.

Quelle modestie!

Loblaw a enregistré des ventes record puisque les gens cuisinaient à la maison, mais des bénéfices légèrement inférieurs en raison de la hausse des coûts pour assurer la sécurité des clients et des collègues pendant la pandémie de COVID-19.

Et par « collègues » Loblaw désigne le personnel des épiceries qui fait tout le travail et prend tous les risques.

La présidente de l’entreprise Sarah Davis a gagné 4,53 millions de dollars, dont un salaire de 1 million de dollars et une prime de 1,35 million de dollars, laquelle est aussi supérieure à son salaire.

C’est cette même entreprise qui a été la première à réduire la prime de pandémie pour les travailleuses et travailleurs l’été dernier en affirmant que la menace de la première vague de la pandémie s’estompait.

La prime de pandémie n’aurait jamais dû être éliminée. Elle n’a pas été rétablie lorsque la deuxième vague a frappé et brille par son absence alors qu’une troisième vague bien pire déferle sur le pays. Tout à son honneur, Sobeys a rétabli la prime de pandémie.

C’est encore pire chez Chartwell.

Dans cette chaîne de maisons de soins de longue durée du secteur privé, les cadres se sont accordé des notes parfaites pour leur gestion de la pandémie, selon le Globe and Mail, et ont distribué des primes à hauteur de 86 % des objectifs, plus qu’en 2019 avant la pandémie.

Le directeur général Vlad Volodarski a gagné 1,91 million de dollars, dont une prime de 323 967 dollars, plus du double de ce qu’il a gagné en 2019 comme directeur financier. Les primes de trois autres cadres supérieurs étaient de 187 187 dollars et de 207 627 dollars, pour des sommes totalisant entre 1,04 et 1,17 million de dollars.

Croyez-le ou non, ce n’est même pas le pire.

Au moment même où les dirigeants de Chartwell, le plus grand exploitant de maisons de retraite et de soins de longue durée au Canada, se donnaient de gros chèques, ils rejetaient d’emblée une proposition des actionnaires visant à étudier la possibilité d’offrir un salaire décent à leur personnel.

Pensez-y. Personne ne leur demandait de verser effectivement un salaire décent à leur personnel, ce qui n’est pas trop demander en soi : on leur demandait seulement d’envisager la possibilité de le faire, et ils ont refusé.

Blâmant la COVID, ils ont dit qu’ils ne pouvaient même pas envisager l’idée de verser un salaire décent à leur personnel, tout en citant la COVID comme motif de l’augmentation des primes déjà élevées des cadres.

Comme pour Canadian Tire et Loblaw, force est de constater que les primes atterrissent dans les poches des mauvaises personnes.