Les Canadiens ont besoin d'un secteur des médias fort

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Cette chronique a été publiée dans le Toronto Star.

Au moment où les Canadiennes et Canadiens en ont le plus besoin, les médias sont contraints de réduire leurs budgets et les salles de rédaction, car la pandémie continue de peser sur les résultats.

La pandémie, qui dure maintenant depuis près d'un an et dont les mois sombres sont encore nombreux, est à la fois la cause d'une grande partie des problèmes immédiats des médias et l'une des principales raisons pour lesquelles nous en avons besoin.

Pensez-y. Les journaux et les radiodiffuseurs de tout le Canada jouent un rôle essentiel dans les efforts déployés par le pays pour mettre fin à la COVID-19. C'est le principal moyen par lequel les gouvernements et les services de santé s'adressent aux Canadiennes et Canadiens pour les inciter à faire leur part afin d'arrêter la propagation du virus, tout en demandant aux gouvernements de rendre compte de leurs manquements.

Les médias ont exposé les conséquences de la négligence des gouvernements dans les établissements de soins de longue durée, ont raconté les histoires déchirantes de ceux qui ont perdu la vie et le tribut que cela a fait payer aux travailleuses et travailleurs de la santé.

Les histoires se succèdent sur la nécessité d'accorder des congés de maladie payés pour empêcher la propagation du virus dans les milieux de travail et sur la résistance obstinée de certains dirigeants politiques qui refusent d'écouter.

Nous en savons tous beaucoup plus sur les maladies transmissibles, les capacités des unités de soins intensifs et ce qui se passe derrière les portes closes des foyers de SLD, grâce au travail acharné des journalistes de tout le pays.

Mais rien de ce travail n'est bon marché.

Le fait est que beaucoup d'entre nous consomment leurs informations en dehors des pages de journaux ou des émissions à l'antenne d'où elles sont issues. Une grande partie de ces informations est bien sûr accessible en ligne. Il se peut même que vous lisiez cette même rubrique en ligne, après l'avoir trouvée sur Facebook ou en effectuant une recherche sur Google.

C'est très bien. Je suis content que vous lisiez.

Le fait est que trouver des articles par le biais de Facebook ou de Google met de l'argent – beaucoup d'argent – dans les poches des géants de la technologie et ne contribue pratiquement en rien pour payer les nouvelles dont vous avez besoin pour traverser cette pandémie.

Google et Facebook ont construit des modèles d’affaires autour du partage du contenu généré par les médias, mais revendiquent la grande majorité des recettes publicitaires générées par ce contenu. Ceux qui paient pour créer ce contenu ne reçoivent en fait qu'une très faible part des revenus qu'il génère – et cette situation doit changer.

Si l'on ajoute à tout cela la baisse des revenus depuis des décennies en raison du déclin de la publicité, la perte presque totale des petites annonces, le changement de cap vers les nouvelles en ligne précédant Facebook, la crise financière de 2008-2009 qui a réduit les revenus publicitaires qui n'ont jamais été récupérés, une grande partie du secteur des médias atteint aujourd'hui un point de rupture.

Les journaux, par exemple, ont été durement touchés, avec plus de 50 publications fermées et 2 500 emplois abolis, selon J-Source. Plus de 141 organes d'information ont été contraints de procéder à des coupes. Les diffuseurs, dont Bell Média ce mois-ci, ont dû faire des coupes qui semblaient impensables il n'y a pas si longtemps.

Une démocratie forte repose sur un secteur des médias fort. Aujourd'hui, une population en bonne santé dépend également d'un secteur des médias en bonne santé.

Le gouvernement a déjà promis de l'aide, des petits gestes et beaucoup de bonnes paroles pour dire les bonnes choses.

Le ministre du Patrimoine, Stephen Guilbeault, a récemment déclaré qu'il fallait s'attaquer en priorité au pouvoir de Facebook et de Google.

"Comme de nombreux Canadiens et Canadiennes, notre gouvernement est préoccupé par le déséquilibre actuel qui favorise les géants du Web au détriment des entreprises canadiennes, a-t-il déclaré à un comité parlementaire le mois dernier. Les enjeux économiques et sociaux résultant de cette situation sont trop importants pour que nous restions les bras croisés. »

On ne peut qu'être d'accord. Mettons-nous au travail. D'autres pays sont passés à l’action. Nous aussi, nous pouvons agir.

L’Autorité de la concurrence en France a déclaré à Google qu'il doit commencer à payer les médias pour pouvoir diffuser leurs contenus. L'Australie a dit à Facebook et à Alphabet Inc., la société mère de Google, qu'ils doivent partager les revenus publicitaires avec les entreprises médiatiques locales.

Le modèle australien est loin d'être parfait, c'est le moins qu'on puisse dire, et pourtant il a conduit les deux géants technologiques à menacer de retirer complètement leurs services du pays.

De telles tactiques d'intimidation ne font que renforcer la nécessité de limiter le pouvoir de ces géants de la technologie et de les obliger à contribuer au paiement du contenu qui génère une grande partie de leurs incroyables revenus.

Au fur et à mesure que la vaccination se déploie, et qu’elle trébuche à certains endroits, le rôle et l'importance des médias ne feront que s'accroître. Il y a une lumière au bout du tunnel grâce aux programmes de vaccination, mais nous avons besoin de l'aide du secteur des médias pour qu'elle reste allumée.