Partager
Pour Bob Lederer, la négociation de dispositions sur le programme des intervenantes auprès des femmes dans la convention collective de son milieu de travail était d’abord un souhait personnel.
En 2004, Bob venait tout juste de commencer à travailler à l’usine de papier Produits forestiers Résolu à Thunder Bay. À cette époque, les employés n’étaient pas syndiqués. Ses collègues et lui portaient des casques d’écoute pour faciliter la communication et une interaction particulière lui a fait prendre conscience du sexisme qui régnait au sein de cette main-d’œuvre fortement dominée par les hommes.
« Je me souviens qu’un superviseur intérimaire a demandé à une consœur, sur les ondes pour que tout le monde entende, de monter sur la passerelle et de venir défaire son pantalon, dit-il. Tout le monde s’est arrêté. Je me souviens de cet incident pour deux raisons : j’étais tout simplement estomaqué et j’avais une fille à la maison. »
La travailleuse a choisi d’en rire, se souvient Bob, maintenant président de la section locale 5025. Mais l’interaction était clairement inappropriée.
En 2015, lorsque la section locale a élu son comité de négociation, les huit membres, en plus du représentant national, étaient tous des hommes. Environ huit femmes travaillaient à l’usine à l’époque. C’est là que lui est venue l’idée de négocier des dispositions sur le programme des intervenantes auprès des femmes dans la prochaine convention collective.
Une intervenante auprès des femmes est une représentante en milieu de travail spécialement formée qui aide les femmes à résoudre des problèmes comme le harcèlement au travail, la violence entre partenaires intimes et les abus. Ce n’est pas une conseillère, mais elle aide les femmes à trouver des ressources dans la communauté et le milieu de travail.
« Il est important que des représentantes formées qui savent comment orienter les membres vers des soutiens essentiels lorsqu'ils en ont le plus besoin, en fournissant un service que tous les membres sachent à qui s’adresser pour obtenir de l’aide et trouver des ressources dans la communauté et en milieu de travail, a indiqué Tracey Ramsey, directrice du Service de la condition féminine d’Unifor. Je viens d’un secteur traditionnellement dominé par les hommes et je connais la valeur de l’intervenante auprès des femmes en milieu de travail. »
L’entreprise a soutenu qu’elle n’avait pas besoin d’une intervenante auprès des femmes dans l’usine, mais Bob a indiqué que le comité de négociation a continué de marteler l’importance de l’enjeu.
Au dernier jour des négociations, Bob s’est assis à la table de négociation en face de trois dirigeants de l’entreprise : le directeur actuel du service des ressources humaines de l’entreprise, le directeur régional des ressources humaines pour l’Ontario et le directeur de l’usine de Thunder Bay.
« Je leur ai raconté cette histoire, précisant que j’avais fait une erreur ce jour-là et que je me sentais coupable de ne pas avoir agi, dit-il. J’ai pointé du doigt le directeur de l’usine en disant que c’était lui qui avait promu ce superviseur. Tout le monde a arrêté de parler. Le lendemain, ils sont revenus, ont signé le contrat et ont accepté les dispositions sur le programme des intervenantes auprès des femmes. »
Après cette victoire, Bob est rentré chez lui et a raconté à sa femme ce qui s’était passé.
« Je lui ai dit que je ne voulais surtout pas que ma fille rentre du travail un jour en me disant qu’il lui était arrivé quelque chose de semblable, poursuit-il. C’était l’occasion pour moi de faire quelque chose. »
Ainsi, Melanie Forget occupe le poste d’intervenante auprès des femmes pour la section locale depuis 2015.
« Je suis très fière de pouvoir intervenir auprès des femmes, a-t-elle précisé. Je travaille à l’usine depuis 20 ans et j’ai vécu toutes sortes de situations dans cette industrie dominée par les hommes. J’espère pouvoir aider mes jeunes consœurs afin qu’elles se sentent soutenues et respectées. »
Elle dit qu’il s’est formé un formidable réseau de consœurs dans la région de Thunder Bay, lesquelles se réunissent fréquemment et s’épaulent les unes les autres.
« Il n’y a pas beaucoup de femmes à l’usine alors c’est important de nous serrer les coudes. Nous avons établi des liens avec les comités de la condition féminine d’autres sections locales plus importantes et des groupes communautaires. C’est formidable. »
Lorsque la section locale 5025 a entamé les négociations avec Produits forestiers Résolu de nouveau en décembre, elle a tiré parti des dispositions sur le programme des intervenantes auprès des femmes.
L’employeur l’a alors informé des offres qu’il avait présentées à d’autres usines, proposant des prestations complémentaires au congé de maternité aux travailleuses et intégrant aussi des dispositions sur le programme des intervenantes auprès des femmes dans toutes les conventions collectives de ses autres installations à l’avenir.
Bob offre ce conseil aux autres sections locales qui désirent amener ce changement dans leurs milieux de travail : « Si vous avez des filles et des femmes, elles vous diront qu’elles ont vécu la même chose. C’est assez. Il est temps que les choses changent. Continuez de vous battre pendant les négociations et vous y arriverez aussi. »
