Lana Payne s'adresse au Comité permanent du patrimoine canadien de la Chambre des communes sur l'état du paysage médiatique canadien

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La présidente nationale d’Unifor Lana Payne s’est adressée au Comité permanent du patrimoine canadien de la Chambre des communes le 15 février 2024 pour parler des coupes dans le secteur des médias, des réductions de personnel dans les salles de nouvelles et du harcèlement auquel sont confrontés les journalistes ainsi que les travailleuses et travailleurs des médias au Canada.

Voici la transcription de son allocution :

Bonjour, madame la présidente et membres du Comité permanent du patrimoine canadien.

C’est un réel plaisir de me joindre à vous ici aujourd’hui.

J’aimerais remercier mes collègues témoins pour leurs excellentes observations préliminaires.

Notre syndicat représente plus de 10 000 travailleuses et travailleurs des médias à travers le pays, dans les domaines de la télévision, de la radio, des journaux,
de la production numérique et cinématographique.

Et je peux vous dire qu’ils sont dévoués et passionnés par leur travail.

Ils sont déterminés et ont des principes.

Ils se soucient du rôle important qu’ils jouent dans notre démocratie, en rapportant les faits, en demandant des comptes aux dirigeants, en s’assurant que nous disposons des informations dont nous avons besoin chaque jour pour prendre les décisions, en tant que Canadiennes et Canadiens, que nous devons prendre dans notre vie.

Ils comprennent leur responsabilité. Mais nos membres sont confrontés à des réalités très dures en ce moment.

Vous l’avez entendu ici.

Le secteur des médias est en crise.

Les pertes d’emplois sont généralisées, les informations locales sont anéanties dans de nombreuses régions du Canada.

Le harcèlement et la violence au travail. Et un effort concerté de la part de certains membres de la classe politique pour miner la confiance dans le journalisme lui-même.

Leur intégrité est remise en question alors qu’ils sont accusés de toutes sortes de choses, y compris la dernière en date, d’être les porte-parole du cabinet du Premier ministre, financé par les impôts.

J’aimerais vous donner un aperçu de l’état actuel des nouvelles locales au Canada.

Au cours des 14 derniers mois seulement, le secteur des médias a fait l’objet d’une farouche succession de coupes et de fermetures.

Post media a supprimé 11 % de son équipe éditoriale.

Le groupe BCE a éliminé 1 300 emplois, notamment en fermant des stations de radio l’année dernière.

Nordstar Capital a licencié les deux tiers des effectifs de Metroland, convertissant plus de 70 hebdomadaires en version numérique exclusivement, et ce mois-ci, Chorus Global a encore procédé à d’autres suppressions.

Enfin, la semaine dernière, BCE a annoncé le licenciement de 4 800 employés

dans les secteurs des communications et des médias, dont 800 membres du secteur des médias d’Unifor.

Parmi ces suppressions, on compte tous les journaux télévisés de midi à Toronto sauf un, et ceux du week-end dans la plupart des grands centres du pays.

Comme si les nouvelles s’arrêtaient au vendredi à 17 heures. BCE a également supprimé W-Five.

La plus ancienne émission de journalisme d’enquête au Canada.

Apparemment, on nous dit qu’il sera remplacé par des rediffusions de la comédie américaine The Big Bang Theory.

Le temps me manque pour énumérer toutes les réductions de personnel, car nous serions ici toute la semaine.

Il est presque impossible de mesurer les répercussions de ces réductions sur les communautés locales, où ce que l'on appelle les déserts d’information laissent les Canadiennes et les Canadiens, en particulier celles et ceux qui vivent dans les petites villes et les zones rurales, sans accès à des nouvelles locales sérieuses et pertinentes.

La responsabilité des entreprises canadiennes de télécommunications et de médias ne se limite pas à leurs actionnaires.

Elles ont une responsabilité envers les Canadiennes et les Canadiens, envers le Canada et envers le journalisme.

Le journalisme fondé sur les faits est essentiel, et la vérité, comme vous l’avez entendu, n’ont jamais été aussi importants.

Les fausses nouvelles ont infesté le tissu de notre société, suscitant la méfiance envers les médias, le gouvernement et les institutions.

Au cœur de ce chaos, nous avons besoin des médias pour raconter nos histoires, pour découvrir la vérité, pour demander des comptes aux dirigeants.

Il est clair qu’aucun texte législatif, fonds ou subvention ne saurait suffire à résoudre cette crise.

Mais nous pouvons faire certaines choses.

Nous pouvons renouveler et étendre l’Initiative de journalisme local, un programme qui soutient la création d’un journalisme civique original qui répond aux besoins diversifiés des communautés mal desservies du Canada.

Ce programme doit prendre fin en avril.

Il y a aussi le Crédit d'impôt pour la main-d’œuvre journalistique canadienne, qui a récemment été prolongé et élargi dans l’Énoncé économique de l’automne, une mesure importante qu’Unifor a réclamée et soutenue.

Les gouvernements, tant fédéral que provinciaux, peuvent réserver une plus grande part de leurs budgets publicitaires aux nouvelles locales.

La télévision, la radio et les journaux locaux et, comme vous venez de l’entendre, les médias numériques canadiens.

Maintenant, quelques mots sur l’autre crise.

L’augmentation du harcèlement et de la violence.

Les employeurs, les travailleuses et travailleurs et leurs syndicats, y compris Unifor, les écoles de journalisme, le gouvernement et même les membres du public ont tous un rôle à jouer, tout comme les dirigeants politiques, madame la présidente.

En conclusion, j’insiste sur le fait que les licenciements, les réductions d’effectifs et les fermetures que j’ai soulignés aujourd’hui doivent cesser si nous voulons réellement avoir des nouvelles locales dans ce pays.

Et pour terminer, les journalistes méritent de faire leur métier sans être harcelés, que ce soit en ligne, en couvrant une manifestation dans le centre-ville d’Ottawa ou même dans le foyer de la Chambre des Communes.

Merci.