La valeur d’un entrepôt réside dans ses travailleuses et travailleurs

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Chariot élévateur dans un entrepôt
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Par Jerry Dias « Publié initialement dans le Toronto Star »

Cliquez, payez, attendez, et le colis que vous avez commandé est livré à votre domicile en quelques jours, parfois en une nuit.

C’est la magie du magasinage en ligne contemporain, auquel un grand nombre d’entre nous prendra part ce vendredi fou et ce cyberlundi. Confortablement installés dans notre canapé, nous allons ainsi pouvoir compléter nos listes de Noël.

Mais la façon dont cela se produit reste mystérieuse. Nous sourions et remercions le livreur, si jamais nous le croisons, mais tout commence bien avant.

Les entrepôts modernes sont des installations gigantesques, réglées avec précision dont la finalité est d’acheminer les produits vers les camions de livraison avec une rapidité et une efficacité incroyable. À l’intérieur, des milliers de personnes travaillent dans des conditions de plus en plus difficiles pour faire circuler les marchandises - beaucoup de marchandises.

Rien que chez Amazon, les recettes annuelles totalisent près de deux fois le chiffre d’affaires des cinq dernières années, pour atteindre 386 milliards de dollars en 2020. L’entreprise est évaluée à la somme étonnante de 1 600 milliards de dollars. Son fondateur et PDG, Jeff Bezos, est la personne la plus riche du monde.

Un peu plus tôt cette année, il a effectué un voyage dans l’espace. Tout simplement parce qu’il le pouvait. Nous, on est chanceux si on peut aller au lac le week-end.

Amazon n’est pas unique, c’est juste le plus grand acteur. De nombreuses entreprises d’entreposage, ainsi que plusieurs possédant des points de vente au détail et des entrepôts alimentant leurs activités en ligne en pleine croissance, sont également présentes. Elles font toutes des affaires d’enfer.

Le COVID-19 y a contribué. Les fermetures de magasins nous ont poussés à explorer les achats en ligne, et nous avons continué.

Pendant cette pandémie, les entrepôts ont poussé leurs salariés à la limite et même plus loin.

Unifor, mieux que quiconque, en est conscient.

Notre syndicat représente des milliers de travailleuses et travailleurs de l’entreposage et de la distribution partout au Canada. Nos membres savent que dans ce secteur, l’équipement lourd à l’intérieur des entrepôts bouge à un rythme effréné, constamment.

Les études de temps réalisées par les entreprises, conçues pour gonfler les profits, signifient que les cueilleurs et les transporteurs travaillent à des vitesses presque impossibles.

Les manutentionnaires, comme les ouvriers d’usine, sont très vulnérables à la transmission de virus et à d’autres risques pour la sécurité.

Rien d’étonnant, dès lors, à ce que ces travailleuses et travailleurs se soient battus pour se syndiquer. La négociation collective est un moyen éprouvé d’améliorer les conditions de travail. Amazon et d’autres entreprises de stockage le savent et consacrent une partie de leurs bénéfices à la lutte contre la syndicalisation du personnel.

Des rapports en provenance d’Alabama - où les travailleuses et travailleurs d’un grand entrepôt d’Amazon ont tenté de se syndiquer - suggèrent que Bezos et son équipe ont payé des consultants anti-ouvriers 10 000 $ par jour pour anéantir le syndicat.

Et ce, alors que l’Alabama a donné 50 millions de dollars à Amazon pour s’y installer.

Réfléchissez-y. Un gouvernement a utilisé l’argent des contribuables pour attirer une entreprise dans une ville, et cette entreprise s’est retournée et a dépensé d’énormes sommes d’argent pour priver ces mêmes contribuables de leurs droits fondamentaux.

Quel toupet !

En Ontario, ce proxénète de la pandémie compte désormais sur les subventions publiques pour offrir des jours de congé de maladie à son personnel - trop radin pour les payer de lui-même.

Si une entreprise comme Amazon veut faire des affaires au Canada, ne devrait-elle pas reconnaître la valeur de sa propre main-d’œuvre ?

Les manutentionnaires savent qu’ils méritent les bons emplois qui vont de pair avec un contrat syndical.

Et il serait grand temps qu’Amazon, et toutes les entreprises spécialisées dans les entrepôts, le comprennent.