La loi anti-briseurs de grève doit être adoptée sans délai

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Striking workers carry flags and signs on a picket line.
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Par Lana Payne

Mon espoir pour les travailleuses et travailleurs canadiens est que les décennies de luttes pour faire progresser leurs droits dans ce pays soient parvenues à un tournant décisif.

Le projet de loi C-58 parrainé par le gouvernement fédéral, une loi qui interdirait le recours à des travailleuses et travailleurs de remplacement pendant les grèves et les lock-out, est un exemple qui nourrit cet espoir. La décision du nouveau gouvernement du Manitoba d’adopter une loi comparable en est un autre.

Nous vivons à une époque où l’espoir doit devenir réalité.

Pendant les conflits, les employeurs continuent effrontément, encore aujourd’hui, d’employer des briseurs de grève (aussi appelés « travailleuses et travailleurs de remplacement »), dans le but de briser les syndicats et de réprimer les attentes de leurs effectifs, alors même que cette loi est débattue au Parlement.

C’est exactement ce que fait Autoport, une filiale de Canadien National (CN) en Nouvelle-Écosse, en faisant un pied de nez aux parlementaires.

Récemment, à l’étape de la deuxième lecture, les députés ont voté à l’unanimité en faveur du projet de loi C-58. Au même moment, Autoport et le CN faisaient traverser un piquet de grève légal à des briseurs de grève sous le couvert de l’obscurité, portant agressivement atteinte au droit de grève fondamental de 240 membres d’Unifor.

L’année dernière, le CN a enregistré des bénéfices totalisant 6,6 milliards de dollars et versé une rémunération de 13 millions de dollars à son président-directeur général. Quel contraste avec le salaire de départ à Autoport, qui est de 22 $ l’heure!

Ces travailleuses et travailleurs doivent maintenant faire face à un manque de respect et à la perte de leur dignité, alors que le CN et Autoport utilisent les tribunaux et les travailleurs de remplacement dans le but de briser le courage et la détermination de leurs employés. L’employeur montre qu’il préfère, de façon éhontée, casser le syndicat plutôt que de négocier, démontrant exactement pourquoi nous avons besoin de lois anti-briseurs de grève à tous les ordres de gouvernement du pays.

Des organisations patronales, dont la Chambre de commerce du Canada, exercent des pressions non seulement contre le projet de loi C-58, mais également contre le droit constitutionnel de faire la grève au Canada et dans le monde entier. Ils préfèrent continuer à se plaindre que le ciel leur tombe sur la tête plutôt que de s’attaquer au vrai problème, à savoir que les briseurs de grève affaiblissent le droit à la négociation collective, un droit pour lequel les travailleuses et travailleurs se sont battus encore et encore, et qu’ils ont remporté chaque fois.

Depuis que le ministre fédéral du Travail, Seamus O’Regan, a présenté le projet de loi C-58 en novembre 2023, les employeurs font valoir que leur capacité à recourir à des travailleuses et travailleurs de remplacement est une bonne chose pour le Canada.

Ils prétendent qu’il est nécessaire de retirer aux travailleuses et travailleurs le pouvoir de faire la grève afin d’assurer des relations de travail harmonieuses, même si, dans les faits, le recours à des briseurs de grève fait durer les conflits six fois plus longtemps, éternise les conflits et crée des lieux de travail toxiques.

Les employeurs prétendent que la possibilité d’embaucher des travailleuses et travailleurs de remplacement rend le Canada plus compétitif, alors que la plupart des pays démocratiques ont déjà des règles strictes qui interdisent les briseurs de grève, tout comme le Québec et la Colombie-Britannique.

Évidemment, le ciel n’est pas en train de tomber. En fait, cette loi dont nous avons grandement besoin permettra de réduire la durée des grèves et encouragera les parties à conclure des ententes à la table de négociation. Voilà les faits.

Les relations de travail pacifiques au Canada et dans le monde entier reposent sur les principes de la négociation collective libre et équitable. Ces principes ont permis d’améliorer les conditions de vie et de travail des travailleuses et travailleurs canadiens au fil des décennies. Les avantages de la négociation collective et de la syndicalisation sont bien connus et documentés. Les syndicats améliorent la situation des travailleuses et travailleurs par le biais de la négociation collective, laquelle est le plus puissant outil disponible pour améliorer leur niveau de vie et leurs conditions de travail.

Quant aux aspects politiques du projet de loi C-58, il a reçu l’appui unanime de tous les partis. Cela en dit long sur le regain du pouvoir des travailleuses et travailleurs dans notre pays.  

Les politiciens qui prennent le parti des sociétés riches et puissantes au détriment des travailleuses et travailleurs syndiqués doivent s’attendre à en payer le prix sur le plan politique. Même Pierre Poilievre, qui a défendu certaines des pires lois antisyndicales et parmi les plus hostiles aux travailleuses et travailleurs, et son Parti conservateur n’ont pas pu dire non au projet de loi C-58.  (Du moins, pas à l’étape de la seconde lecture!)

Disons les choses clairement : notre syndicat militera toujours pour l’élargissement des droits des travailleuses et travailleurs.  Nous continuerons de revendiquer une loi anti-briseurs de grève à tous les ordres de gouvernement et de combler les lacunes qui portent atteinte à notre droit constitutionnel de faire la grève. 

L’alternative? Un climat de travail au Canada fortement axé sur les conflits et envenimé par les employeurs, ce qui n’apporterait rien de bon à personne.   

Nous vivons à une époque où l’espoir doit devenir réalité.

Soyons réalistes, voter pour le projet de loi C-58 est la moindre des choses que peuvent faire les élus pour soutenir les droits constitutionnels des travailleuses et travailleurs. Le projet de loi C-58 doit être adopté et mis en œuvre sans délai. 

Photo courtoisie de Graeme Brown, section locale 100
 

Photo credit: Graeme Brown, Local 100 member