Partager
Le 5 octobre dernier, des membres d’Unifor, des syndicalistes et des cinéphiles ont envahi une salle de cinéma de Toronto pour assister à la projection du 40e anniversaire de La dernière offre, l’un des documentaires les plus marquants de l’histoire du mouvement syndical canadien.
La projection, offerte gratuitement, était présentée conjointement par Unifor, Hot Docs, le Festival international du film Ageless et l’Office national du film du Canada.
« Quarante ans plus tard, La dernière offre est toujours d’actualité. C’est un volet de notre histoire incroyable. Nous nous trouvions aujourd’hui en présence de géants que nous regardions à l’écran », a déclaré Lana Payne, présidente nationale d’Unifor.
« Ce film nous rappelle que les travailleuses et travailleurs canadiens ont toujours dû se battre pour protéger leurs emplois et leurs conditions de travail contre les pressions exercées de l’autre côté de la frontière. Le courage dont ont fait preuve Bob White et les TCA continue d’inspirer les syndicats et les travailleuses et travailleurs aujourd'hui. »
Tout au long des 79 minutes que dure le documentaire, les spectatrices et les spectateurs ont été transportés en 1984, dans des salles de réunion enfumées, où se déroulaient des discussions franches et souvent ponctuées de jurons, et où des négociateurs syndicaux inflexibles se déplaçaient avec agilité dans les couloirs de l’ancien hôtel Royal York à Toronto.
Le moment décisif du film survient lorsque Bob White, alors directeur canadien des TUA (Travailleurs unis de l’automobile), et son comité de négociation se dissocient des stratégies de négociation du syndicat dominé par les États-Unis et dirigé par Owen Bieber. Ce dernier préconise la suppression des augmentations salariales annuelles au profit de paiements forfaitaires et de négociations types de l’autre côté de la frontière; Bob White s’y oppose, insistant sur le fait que les travailleuses et travailleurs de l’automobile canadiens ont des conditions différentes et ne devraient pas être liés par les décisions américaines.
Cette scission a finalement conduit à la création du syndicat indépendant des Travailleurs canadiens de l’automobile (TCA), l’une des organisations fondatrices d’Unifor.
Le film parvient encore aujourd’hui à susciter une profonde émotion et à inspirer, tout particulièrement lorsque Bob White déclare : « Je m’envelopperai dans le drapeau canadien... J’aurai peut-être les cheveux gris, mais je les aurai en combattant cette maudite entreprise. »
Réalisé par le cinéaste islando-canadien Sturla Gunnarsson, le film La dernière offre est souvent décrit comme l’un des documentaires canadiens les plus importants jamais produits. L’accès sans précédent accordé à l’équipe de production de l’Office national du film donne aux spectatrices et spectateurs un rare aperçu de détails bruts, sincères, parfois humoristiques, mais toujours réalistes. Le résultat s’apparente davantage à un film d'action politique qu’à un documentaire. Les distinctions remportées par La dernière offre confirment cette réputation, le film ayant remporté de nombreux prix nationaux et internationaux, Cinéma Canada le qualifiant de « l’un des documentaires les plus captivants jamais réalisés dans ce pays ».
Dans le contexte du film, en 1984, le conflit opposait les travailleurs canadiens de l’automobile, General Motors et la direction américaine de l’UAW. En 2025, la scène est peut-être plus grande, mais le scénario est comparable : les tarifs douaniers américains sur les produits canadiens, les tentatives américaines d’imposer les conditions de la production transfrontalière et les travailleuses et travailleurs canadiens qui se retrouvent une fois de plus à la ligne de faille entre la souveraineté nationale et le pouvoir des entreprises américaines.
La projection a été suivie par une table ronde réunissant Lana Payne, présidente nationale d’Unifor, John D'Agnolo, président du Conseil automobile d’Unifor, et la cinéaste Sturia Gunnarsson, animée par Arden R. Ryshpan, leader culturel chevronné et défenseur des droits des travailleuses et des travailleurs qui a occupé des postes de haut niveau à l’ACTRA, à l’Office national du film du Canada et à la Guilde canadienne des réalisateurs.
Pendant toute la discussion, il est clairement ressorti ce que La dernière offre révèle au public canadien : les Canadiennes et Canadiens peuvent prendre leur destin en main même s’ils vivent dans l’ombre de la domination économique américaine.
« Sans culture, nous ne sommes qu’une partie de l’économie américaine. Nous devons être déterminés, attentifs et soutenir notre syndicat, et nous devons créer de l'art – nous devons réagir en tant qu'artistes. Un pays comme le Canada ne survivra pas sans une histoire », a affirmé Sturia Gunnarsson.
M. D’Agnolo a évoqué la dernière série de négociations avec les trois grands constructeurs automobiles de Detroit en 2023, au cours de laquelle Unifor et l’UAW ont simultanément négocié avec les entreprises.
« Le choix était le suivant : attendre qu’ils prennent une décision ou, en tant que Canadiennes et Canadiens, prendre notre propre décision. Nous avons pris notre propre décision, et l’UAW nous a suivis. »
En réponse à l’imposition par le gouvernement américain de tarifs douaniers de 25 % sur les véhicules construits au Canada, M. D’Agnolo a appelé le gouvernement fédéral à rejeter toute acceptation de tarifs douaniers sur les automobiles qui menacent les emplois canadiens.
« Nous devons continuer à faire pression sur le gouvernement pour qu’il n’accepte aucun tarif douanier, car une fois cette porte ouverte, elle ne se refermera plus. S’ils imposent des tarifs douaniers, nous allons perdre beaucoup d’emplois dans nos communautés », a-t-il ajouté.
Quarante ans plus tard, La dernière offre continue de résonner, non pas parce que le film revient sur le passé, mais parce qu’il nous invite à regarder vers l’avenir. Ce long métrage retrace un moment où les travailleuses et travailleurs canadiens ont façonné l’histoire à leur gré et nous rappelle avec force que le même courage sera nécessaire à nouveau à une époque où la souveraineté et la survie du Canada sont encore en jeu.
« Au-delà d’un simple récit historique, La dernière offre est une feuille de route. Alors que les travailleuses et travailleurs canadiens font face à de nouvelles pressions exercées par les politiques commerciales américaines, ce film nous rappelle que la défense de nos emplois est un combat que nous devons mener, génération après génération », a insisté Mme Payne.