Il est temps pour la Banque du Canada de freiner la hausse des taux d’intérêt

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A person sitting holding and counting money in front of a labtop and tea cup.
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Lana Payne et Rob Wildeboer

En 18 mois, la Banque du Canada a relevé ses taux d’intérêt à 10 reprises. Cette campagne de hausse des taux est la plus importante de l’histoire moderne. Il est temps que ça s’arrête.

Le fait est que l’inflation a reculé de manière spectaculaire au cours de cette période, passant de 8,1 % en juin de l’année dernière à 4 % en août dernier. Si l’on exclut les intérêts hypothécaires et les coûts volatils de l’énergie, l’inflation se situe actuellement aux alentours de 2,3’%, ce qui signifie que la bataille est pratiquement terminée.

Si l’inflation mensuelle a fait un bond, l’économie montre de nombreux signes de ralentissement. Le taux de chômage grimpe, les dépenses de consommation sont au point mort, l’investissement dans les logements neufs est en chute libre, la croissance économique oscille autour de zéro et les indicateurs d’emploi révèlent un niveau croissant de précarité sur le marché du travail.

Au niveau mondial, les banques centrales ont tenté d’apaiser les craintes de récession de la population en visant un atterrissage en douceur par la hausse des taux d’intérêt au début de l’an dernier.

Malheureusement, les banques centrales sont notoirement incapables de réaliser des atterrissages en douceur. On peut même se demander si l’une d’entre elles a déjà réussi. Au stade où nous en sommes, les excès en matière de politique monétaire devraient pouvoir être évités.

À moins d’une nouvelle catastrophe, telle qu’une nouvelle guerre ou un événement climatique provoquant une flambée des prix à court terme, l’inflation poursuivra son ralentissement. Même si la Banque ne fait plus rien à partir de maintenant, le taux d’inflation devrait atteindre 2 % d’ici l'année prochaine, dans la mesure où l’impact sur les paiements hypothécaires aura largement fait son œuvre. 

D’un point de vue macroéconomique, un atterrissage en douceur demeure possible. La Banque pourrait réussir à éviter une récession, mais pour ce faire, elle doit être confiante dans les mesures qu’elle a déjà adoptées, diffuser des messages cohérents et faire preuve d’une persévérance à toute épreuve.

Au niveau microéconomique, l’atterrissage sera loin d’être en douceur. Pour les innombrables familles qui doivent payer des intérêts ou des loyers plus élevés tout en composant avec l’escalade du coût des denrées alimentaires, qui n’a cessé de grimper malgré les hausses de taux, les difficultés financières sont une réalité de tous les jours.

À l’heure actuelle, ce sont les coûts des intérêts hypothécaires qui contribuent le plus à l’inflation, si bien que les mesures prises par la Banque du Canada ne font qu’alimenter l’inflation qu’elle tente justement d’enrayer. Le fait de détourner les dépenses d’épicerie des ménages au profit des versements d’intérêts ne réduit pas la demande de denrées alimentaires, mais accroît la faim et le stress. 

En raison des coûts d’emprunt, il est beaucoup plus coûteux pour les entreprises et les gouvernements de fabriquer les produits dont le pays a désespérément besoin, tels que des logements abordables, des capacités de production et des équipements et installations qui contribueront à résoudre les problèmes de production et à décarboniser l’économie.

Les décisions d’investissement prises aujourd’hui auront des répercussions sur l’avenir du Canada. Les hauts taux d’intérêt entravent la capacité du Canada à atteindre ces objectifs. 

Les dépenses publiques et les autres mesures politiques ne font pas forcément obstacle à la décrue de l’inflation, et le gouvernement a récemment promis d’utiliser tous les outils à sa disposition pour faire baisser rapidement les taux d’intérêt. Le taux d’intérêt n’est qu’un des nombreux outils qui pourraient être mis en œuvre pour atténuer la crise de l’accessibilité financière pendant la période de recul de l’inflation. Le gouvernement et la Banque du Canada, plutôt que de miser uniquement sur les taux d’intérêt, doivent conjuguer leurs efforts et définir le bon dosage de politiques qui rendra la vie plus abordable pour les Canadiens. 

L’investissement dans des logements abordables, l’application rigoureuse de la loi sur la concurrence pour lutter contre les prix abusifs et la mise en œuvre complète de l’assurance dentaire et pharmaceutique universelle ne sont que quelques-uns des outils dont dispose le gouvernement pour faire baisser les prix de certains biens et services.

Le retard pris par le Canada en matière d’infrastructures n’a certainement pas favorisé l’inflation. Les fonds investis dans des infrastructures propices aux affaires ne sont pas seulement le gage d’un avenir prospère, ils constituent également un remède à l’engorgement des chaînes d’approvisionnement et à la pression sur les prix qui en découle.

Il est Il est temps pour la Banque du Canada d’assouplir son discours sur l’inflation et les taux d’intérêt. Elle doit être mise sur pause et permettre à d’autres outils politiques de faire le gros du travail - un nouveau resserrement des taux d’intérêt serait à coup sûr plus néfaste que bénéfique.

Lana Payne est la présidente nationale d’Unifor. Rob Wildeboer est le président et le cofondateur de Martinrea International.