Défendre les droits et la sécurité des réfugiées et réfugiés ainsi que des demandeuses et demandeurs d’asile au Canada

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Groupe en t-shirts arc-en-ciel regroupés sous une arche arc-en-ciel
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L’Honorable Marco Mendicino, C.P., député
Ministre de la Sécurité publique

Monsieur le Ministre,

Au nom de ses 315 000 membres partout au Canada, Unifor souhaite exprimer ses profondes inquiétudes concernant le décès de huit migrantes et migrants, dont deux enfants de moins de 3 ans, découverts dans le Saint-Laurent près d’Akwesasne, au Québec, le 30 mars 2023.

Ces décès tragiques surviennent alors que le Canada et les États-Unis ont récemment décidé d’élargir l’Entente sur les tiers pays sûrs (ETPS) – une entente qui a déjà été jugée inconstitutionnelle par un juge de la Cour fédérale en 2020 et qui est en cours d’examen par la Cour suprême du Canada. Un certain nombre d’organisations de défense des droits de la personne, d’organisations syndicales, confessionnelles et communautaires partout au pays, y compris des alliées et alliés du mouvement de défense des droits des migrantes et migrants, ont tiré la sonnette d’alarme auprès des décideuses et décideurs politiques : l’extension de l’ETPS n’aura guère d’effet dissuasif sur les franchissements illégaux de la frontière. Au contraire, les migrantes et migrants qui recherchent désespérément la sécurité, comme nous l’avons vu à Akwesasne, tenteront simplement d’utiliser des moyens plus risqués et bien plus dangereux pour entrer au Canada et en sortir.

Il ne s’agit bien entendu pas d’un incident isolé, puisque nous avons également été témoins du cas déchirant de la famille Patel en février 2022, qui, en tentant de traverser à pied la frontière avec les États-Unis depuis le Manitoba pendant une tempête de neige, a vu les quatre membres de la famille mourir de froid – y compris ses deux enfants, âgés de 11 et 3 ans.

D’autres inquiétudes sont soulevées par l’élargissement de l’ETPS, notamment la réglementation qui stipule que les migrantes et migrants ne peuvent pas déposer de demande d’asile dans les 14 jours suivant leur entrée au Canada. Une mesure qui ne fera que pousser les familles de réfugiées et réfugiés dans la clandestinité, les exposant à de nouveaux abus et à l’exploitation, tout en les empêchant de communiquerdes services d’urgence, tels que des services de soins de santé, par crainte d’être détenues et expulsées.

La question du franchissement illégal des frontières a fait l’objet d’une attention particulière au fil des années, notamment en raison du passage du chemin Roxham au Québec, un itinéraire souvent utilisé par les demandeuses et demandeurs d’asile pour entrer au Canada. Cette situation a faussement donné l’impression que le Canada était devenu un refuge pour les migrantes et migrants « illégaux » et a renforcé le mythe des personnes qui « profitent » de notre système d’immigration. Cependant, comme vous le savez, les migrantes et migrants sont tout à fait en droit, en vertu du droit international (p. ex. la Convention des Nations unies relative au statut des réfugiés et la Déclaration universelle des droits de l’homme) et du droit national (p. ex. la Charte des droits et libertés), de demander l’asile au Canada et de faire entendre leur cause, quel que soit leur point d’entrée dans le pays. Ainsi, les politiques réactionnaires, telles que l’élargissement de l’ETPS, ne font qu’alimenter la xénophobie et la diffamation à l’égard des migrantes et migrants, ce qui ne fait que mettre des vies en danger. En outre, un précédent alarmant est créé lorsque les pays peuvent commencer à choisir de manière sélective les droits et lois internationaux et nationaux à respecter, et ceux qui peuvent être arbitrairement rejetés.

Le Canada est depuis longtemps considéré comme un leader international en matière de réinstallation de réfugiées et réfugiés, et nous saluons les efforts déployés par le gouvernement fédéral pour répondre activement aux grandes crises mondiales et aider les personnes fuyant la guerre et la violence politique, comme celles qui fuient l’Afghanistan et l’Ukraine. Cependant, en tant que l’une des plus grandes économies du monde, le Canada peut et doit démontrer son leadership au sein de la communauté internationale et jouer un rôle encore plus important dans l’aide aux demandeuses et demandeurs d’asile. D’après les données de l’UNHCR pour 2021, le Canada se classe au 34e rang mondial des pays d’accueil des réfugiées et réfugiés. En outre, selon Amnesty International, 85 % des réfugiées et réfugiés dans le monde sont accueillis dans des pays en voie de développement qui disposent souvent de bien moins de ressources que le Canada.

Le Canada se doit de respecter ses obligations tant internationales qu’en matière de droits de la personne. Unifor demande par conséquent au gouvernement fédéral de revenir sur l’élargissement et d’abroger complètement l’Entente sur les tiers pays sûrs. Nous souhaitons également réitérer notre soutien à un programme fédéral de régularisation ouvert et inclusif, afin d’accorder la résidence permanente aux personnes qui vivent, travaillent et étudient déjà au Canada sans statut d’immigrante ou d’immigrant à part entière, et qui sont passées à travers les mailles de notre système d’immigration de plus en plus précaire et temporaire.

Nous ne pouvons pas continuer sur une voie qui entraînera encore plus de morts inutiles de personnes simplement en quête de sécurité et d’une vie meilleure. Le Canada doit s’engager à revoir et à améliorer son programme de détermination des réfugiées et réfugiés, ainsi que des demandeuses et demandeurs d’asile et veiller à créer un système fondé sur les principes de compassion, d’humanitarisme, de dignité et d’équité. En même temps, nous devons continuer à travailler en collaboration avec d’autres pays et partenaires internationaux afin de créer un monde plus sécuritaire et plus juste sur le plan social et économique, où les gens ne sont pas déplacés de force et où ils peuvent vivre en paix et en sécurité.

Nous vous remercions du temps et de l’attention que vous consacrerez à cette question urgente.

Cordialement,
                       
Lana Payne
Présidente nationale, Unifor

c. c. Honorable Sean Fraser, ministre de l’Immigration, des Réfugiés et de la Citoyenneté