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Même si le secteur des médias compose encore avec des pertes d’emplois, des compressions et des fermetures, la 30e édition annuelle du Conseil des médias d’Unifor, qui s’est déroulée du 13 au 15 septembre, à Port Elgin, en Ontario, a laissé entrevoir un avenir plein d’espoir où les journalistes et les travailleuses et travailleurs des médias continueront de se battre pour leur travail.
« Malgré cette période très difficile, nous continuons de nous battre, a déclaré la présidente du Conseil des médias d’Unifor, Julie Kotsis. Voici une nouvelle un peu plus encourageante : Postmedia a embauché des journalistes pour ses journaux, après des années de réduction de personnel. Le recrutement dans notre secteur demeure une priorité, et nous avons connu quelques succès. Les membres à la retraite ont offert leur aide, et ils sont une ressource précieuse. »
Dans son discours, la présidente nationale d’Unifor, Lana Payne, s’est montrée empathique à l’égard des travailleuses et travailleurs des médias, dont le secteur se trouve dans une situation très difficile. Elle a également exprimé sa colère face à la montée de la mésinformation et de la désinformation.
« La vérité est menacée au Canada, a-t-elle déclaré. Les attaques contre l’intégrité journalistique alimentent encore plus la méfiance à l’égard de l’institution même du journalisme, et ce, à un moment où nous avons tant besoin de la vérité. Nous n’avons jamais eu autant besoin que les puissants de ce monde soient remis en question. Il n’a jamais été, à aucune autre époque, aussi nécessaire que les femmes et les hommes politiques soient tenus de rendre des comptes. »
« Et pourtant, nous risquons grandement de perdre la capacité de raconter les histoires qui ont besoin d'être racontées dans notre pays et dans le monde entier, y compris les histoires des travailleuses et travailleurs, mais en même temps, on constate une grande résilience dans le paysage médiatique », a-t-elle ajouté.
Mme Payne a déclaré que le syndicat allait organiser des campagnes pour réagir aux attaques menées contre l’intégrité des médias et restaurer la confiance du public.
Elle a annoncé qu’Unifor allait mettre sur pied un comité consultatif spécial chargé de classer par ordre de priorité les nombreux problèmes auxquels font face les travailleuses et travailleurs des médias, ainsi que leur secteur, d’une manière qui sera efficace pour les membres.
« Ce comité inclura les nombreuses campagnes sur lesquelles nous avons travaillé jusqu’à présent (p. ex. journalisme, lutte contre le harcèlement), afin de mobiliser un vaste soutien pour le secteur et, bien sûr, de faire la chose la plus importante de toutes, à savoir sauver les nouvelles locales dans toutes les communautés, a-t-elle déclaré. C’est dans ces moments de grand défi qu’une transformation peut se produire, qu’un véritable changement peut être mis en place. »
La directrice de la région de l’Ontario d’Unifor, Samia Hashi, a rappelé qu’Unifor continuera de soutenir ses membres du secteur des médias alors qu’ils feront face aux changements apportés par les technologies émergentes de l’IA et qu’ils affronteront chaque jour le pouvoir en place en racontant des histoires qui touchent le cœur des Canadiennes et Canadiens d’un océan à l’autre.
« Chacune et chacun de vous jouent un rôle crucial en informant les Canadiennes et Canadiens et en les reliant entre eux. Vous êtes les témoins de l’actualité, votre mission est de rechercher la vérité; vous êtes la voix non partisane dont nous avons plus que jamais besoin. Je pense, par exemple, au débat présidentiel qui a eu lieu aux États-Unis. Le journalisme local, digne de confiance et de qualité ne doit pas mourir », a-t-elle déclaré.
« Nous savons que l’intelligence artificielle ne peut pas remplacer la qualité, l’intégrité et le dévouement des journalistes professionnels. Nous allons continuer de lutter pour un avenir durable pour les médias canadiens et le bien-être de chaque travailleuse et travailleur des médias. »
Shinade Allder, présidente du Conseil régional de l’Ontario, a déclaré aux travailleuses et travailleurs des médias « que le Conseil régional de l’Ontario est à vos côtés pour vous soutenir alors que vous faites face à de nombreux défis. Nous sommes tous dans le même bateau – moi-même, comme employée de Bell Canada – nous allons devoir nous battre pour vrai, et ce sera à la table de négociation. »
Randy Kitt, directeur du secteur des médias d’Unifor, a prononcé un discours sincère sur le chemin parcouru après avoir quitté son poste de rêve comme rédacteur en chef d’une station de télévision pour occuper des postes au sein du syndicat, sans connaître, à l’époque, l’importance de cette décision pour l’amener sur la voie dans laquelle il se trouve maintenant.
« J’ai appris que le syndicat est avant tout axé sur les personnes et les relations, a-t-il dit. Plusieurs de mes meilleurs amis sont dans cette salle. J’ai fait beaucoup de travail avec eux au cours des 20 dernières années. »
M. Kitt a annoncé que le syndicat allait continuer de protéger les journalistes et les travailleuses et travailleurs des médias contre le harcèlement et la haine; d’exercer des pressions sur les gouvernements pour qu’ils continuent de financer les nouvelles locales et qu’ils obligent les diffuseurs en ligne et les géants de la technologie à payer leur juste part pour du contenu canadien; de les protéger contre les conséquences de l’intelligence artificielle sur leur travail; et de se préparer à une éventuelle bataille advenant l’élection de Trump ou de Poilievre au pouvoir.
« Tout a commencé ici, au Centre de Port Elgin, un endroit spécial qui, comme vous pouvez le constater, permet de nous rassembler comme nulle part ailleurs, a-t-il dit. J’espère que vous voyez tous le travail que nous avons accompli pour faire de ce Conseil quelque chose qui est avantageux pour vous et que vous rapporterez à vos membres, pour vous inspirer à occuper des postes à responsabilité dans vos sections locales. »
Dans son allocution d’ouverture, l’ancien directeur du secteur des médias d’Unifor, Howard Law, a déclaré que la principale cause de la perturbation des nouvelles locales par les grandes sociétés technologiques est le fait qu’il existe des monopoles mondiaux en matière de distribution de contenu, qui sont difficiles à démanteler.
« Ils contrôlent la diffusion de contenu, dit-il. S’il y avait 10 Google dans le monde et 10 Facebook, je crois que la dynamique serait très différente. Si l’on ajoute à cela la possibilité d’un gouvernement conservateur, qui menace publiquement de supprimer le financement de la radiodiffusion publique s’il est élu, le secteur des médias a une foule de défis devant lui, a-t-il ajouté. En fin de compte, pour remporter ce combat avec les plateformes, les gouvernements devront soit obliger Facebook et Google à obéir à la loi, soit les prendre au mot et leur répondre : “Vous ne réussirez pas à dresser nos citoyens contre nous si vous bloquez les nouvelles” ».
Les déléguées et délégués ont écouté attentivement Brandi Morin, journaliste primée, auteure et documentariste, qui a parlé de son expérience, allant du traumatisme générationnel à la guérison par la rédaction de reportages, en passant par la couverture des questions touchant les communautés autochtones.
Brandi Morin a été arrêtée en janvier alors qu’elle faisait un reportage sur des personnes qui vivaient dans un campement et que la police d’Edmonton était en train d’expulser. Les poursuites ont finalement été abandonnées à la suite des pressions exercées par les journalistes.
« Cette arrestation m’a énormément affectée sur le plan mental et spirituel... Je me souviens du soulagement que j’ai ressenti le jour où mon avocat m’a appris que c’était terminé », a-t-elle déclaré.
Selon Mme Morin, son arrestation est un « rappel brutal » de ce à quoi les journalistes sont confrontés lorsqu’ils « jettent la lumière sur une vérité que [ceux qui détiennent le pouvoir] veulent cacher. Les salles de nouvelles et les entreprises médiatiques doivent renseigner leurs journalistes sur leurs droits reconnus par la loi, car ils seront de plus en plus nombreux à protester contre l’ordre établi, a-t-elle fait remarquer. Elle a demandé aux journalistes présents dans la salle d’aborder leur travail avec courage, responsabilité et compassion.
« Chaque reportage que je fais est un encouragement pour ceux et celles qui crient pour obtenir justice, qu’ils soient vivants ou disparus », a-t-elle déclaré.
Plus de 60 déléguées et délégués ont assisté au Conseil et participé à des ateliers sur la présence de l’intelligence artificielle dans les médias et le renforcement du pouvoir des travailleuses et travailleurs. Ils ont également entendu des exposés, notamment sur le Plan d’Action Médias et le recrutement.
Le Prix Unifor pour le recrutement dans le secteur des médias a été décerné à la section locale 723-M, pour avoir recruté 67 travailleuses et travailleurs de Bell Media à Agincourt, en Ontario, qui sont devenus membres d’Unifor en juillet et se préparent à négocier leur première convention collective.
« Cela n’aurait pas été possible sans les personnes qui étaient en place, qui savaient ce qu’elles voulaient et qui l’ont réalisé », a déclaré Sandy Carroll, une ancienne employée de City-TV Toronto et membre retraitée de la section locale 723-M.
La conférencière principale du Conseil des médias, Nora Loreto, présidente du Syndicat canadien des pigistes, a déclaré que les Canadiennes et Canadiens progressistes devaient prendre position en faveur de la couverture de l’actualité qu’ils souhaitent et de ne pas compter sur les femmes et les hommes politiques pour défendre les causes de justice sociale.
« Aujourd’hui, au Canada, accordent plus d’importance à l’argent qu’aux personnes, a-t-elle dit. Il est vraiment important de s’engager à faire du travail concret. [Nous devons] avoir une vision de ce que devrait être le Canada parce que le gouvernement ne le fera pas. Autrement, nous cédons la place à Pierre Poilievre. »
Malgré les défis, le Conseil des médias s’engage à continuer de soutenir les professionnels des médias et les journalistes dans tous les conflits auxquels ils peuvent être confrontés.