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Lettre initialement publiée dans le Toronto Star le 2 avril 2025
Lana Payne
Les réponses chancelantes formulées par le président américain Donald Trump dans une récente conférence de presse prouvent encore une fois à quel point il sait peu de choses de cette industrie qu'il cherche à protéger.
Depuis le début, les plans tarifaires de Donald Trump pour l'industrie de l'automobile sont motivés par des arguments fondés sur des demi-vérités, de pures inventions ou de la désinformation.
La politique tarifaire qu'il a déployée et qui devrait entrer en vigueur le 3 avril comprend des mesures très graves qui auront des conséquences bien réelles sur l'ensemble de l'industrie nord-américaine. Pour les travailleuses et travailleurs des industries canadienne et américaine de l'automobile, ces mesures sont de véritables fléaux à l'emploi.
Trump prévoit imposer des tarifs douaniers de 25 % sur toutes les pièces d'automobile, toutes les voitures et tous les camions exportés aux États-Unis. Ce plan comprend des tarifs douaniers sur l'ensemble des véhicules fabriqués au Canada, avec un taux réduit calculé sur la valeur du contenu de ces véhicules qui est produit aux États-Unis.
Il est absolument absurde de constater que Donald Trump a choisi d'inclure le Canada dans ce plan tarifaire avec d'autres pays. Il menace de compromettre une relation commerciale étroitement intégrée - et parfaitement équilibrée - entre nos deux pays. En 2024, à titre d'exemple, le Canada a acheté des voitures et des pièces d'automobile pour une valeur totale de 76 milliards de dollars, comparativement à des ventes de 72 milliards aux États-Unis.
En réalité, les tarifs douaniers feront bondir le prix des nouveaux véhicules, comme en témoignent les prévisions des économistes qui s'attendent à une augmentation moyenne des coûts allant de 3 000 $ à 12 000 $ aux États-Unis. Toujours selon ces prévisions, les ventes annuelles de véhicules américains devraient diminuer de façon significative, ce qui en conséquence ralentira la production de véhicules et poussera les travailleuses et travailleurs de l'industrie de l'automobile vers le chômage.
Trump ne semble clairement pas comprendre que les industries canadienne et américaine sont profondément interreliées. Cette réalité remonte à loin, jusqu'aux années 60, à la suite de la conclusion du pacte automobile entre le Canada et les États-Unis qui obligeait essentiellement les fabricants automobiles à fabriquer les véhicules là où ils les vendaient. Au Canada, les fabricants automobiles vendent habituellement environ 2 millions de véhicules par année, mais ils en construisent aujourd'hui beaucoup moins en sol canadien, soit environ 1,3 million en 2024.
Le pacte automobile a permis aux États-Unis d'obtenir ce qu'ils voulaient, soit le début d'une relation de libre-échange avec le Canada. Les fabricants automobiles américains sont devenus des joueurs dominants dans l'industrie canadienne et ont construit une chaîne d'approvisionnement conjointe qui a permis de bâtir de nouvelles usines et d'accroître le nombre d'emplois des deux côtés de la frontière. Tous ces progrès ont toutefois été démantelés à la suite de l'abandon du pacte automobile en 2001 qui a également marqué la fin du concept de production proportionnelle.
Le président Trump se plaint en déclarant que les États-Unis se sont fait voler des emplois dans le secteur de l'automobile et pointe du doigt le Canada.
En réalité, le Canada a perdu une part beaucoup plus grande de sa production dans l'industrie nord-américaine de l'automobile en comparaison avec les États-Unis. Ce fut notamment le cas au cours des dix dernières années, alors que pendant la même période la part de la production des États-Unis est demeurée stable.
Trump doit comprendre que le Canada fabrique des voitures et des camions depuis bien avant que les États-Unis deviennent notre principal partenaire commercial.
Ces emplois ne lui appartiennent pas.
Les États-Unis n'ont plutôt qu'eux-mêmes à blâmer, car ils sont la source des problèmes auxquels les travailleuses et travailleurs de l'automobile sont confrontés.
Les États du Sud avec leurs faibles salaires et leurs lois soi-disant du « droit au travail » attirent les nouveaux investissements dans le secteur de l'automobile. Ces États du Sud se font une fierté de multiplier les attaques contre les syndicats et de maintenir les salaires artificiellement bas. Ces mesures ainsi que d'autres subventions fournies par les États ont fait perdre au Canada d'importants investissements dans le secteur de l'automobile et ont exercé une pression à la baisse sur les salaires dans le secteur, nuisant par le fait même aux travailleuses et travailleurs de l'industrie de l'automobile.
Le Canada a l'obligation de protéger son industrie de l'automobile ainsi que ses travailleuses et travailleurs contre les attaques commerciales américaines non provoquées et injustifiées. Nous nous attendons à ce que nos gouvernements répondent présents dans cette lutte.
Notre syndicat est fin prêt, vous pouvez compter là-dessus.
Les équipes de direction du syndicat dans les milieux de travail se sont engagées à déployer tous les efforts possibles pour garder la production au Canada et pour militer en faveur d'un accord commercial permanent de libre-échange dans l'ensemble de l'Amérique du Nord.
Les travailleuses et travailleurs du secteur de l'automobile sont prêts à lutter pour leurs emplois. Ils sont prêts à lutter pour une économie canadienne forte, de concert, entre autres, avec les travailleuses et travailleurs canadiens de l'acier, de l'aluminium et de la foresterie.
Trump s'imagine qu'il est en train de gagner le combat, que ses tarifs douaniers massue imposés au Canada le mèneront vers la victoire.
Lorsque les mises à pied commenceront à se multiplier, que les marchés s'effondreront et que les investissements se feront rares des deux côtés de la frontière, le président Trump devra se rendre à l'évidence que ses attaques contre le Canada - et les travailleuses et travailleurs de l'automobile - auront été non seulement une mauvaise décision, mais aussi le pivot ayant plongé son pays dans une récession qu'il aura créée de toutes pièces.