Les briseurs de grève devraient avoir honte

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Nous avons besoin d’une loi antibriseurs de grève.

Une vidéo de 56 secondes a déclenché un tollé national cette semaine sur la question de savoir si mon syndicat Unifor avait dépassé les bornes en mettant en ligne le nom et la photo de sept des briseurs de grève qui prolongent le lock-out subi par 30 travailleuses et travailleurs de l’aérospatiale à Gander depuis 21 mois.

La vidéo a immédiatement provoqué des réactions négatives.  Certains demandent que la vidéo soit retirée. D’autres exigent des excuses. Ils peuvent toujours attendre.

Le fait que la sympathie malavisée pour ces briseurs de grève ait transformé ce long lock-out dont personne ne parle en nouvelle nationale est une bonne chose.

En effet, cette nouvelle a suscité un débat sur les briseurs de grève et plusieurs médias ont relevé qu’on a deux fois laissé cet employeur américain enfreindre les lois provinciales du travail et mettre à la rue des travailleuses et travailleurs canadiens pendant 91 semaines dans le but de démanteler le syndicat.

Les travailleuses et travailleurs de D-J Composites risquent de passer un troisième Noël sur la ligne de piquetage. Or, cette situation déplorable est due au fait que la compagnie utilise des briseurs de grève pour faire le travail de ceux qu’elle a décidé de placer en lock-out quelques jours avant Noël en 2016, alors qu’Obama était encore président.

Ça suffit!

Les briseurs de grève sont une force de destruction qui encourage le nivellement par le bas des droits et de la rémunération des travailleurs. Ils bouleversent complètement l’équilibre du pouvoir qui est à la base du système des relations de travail au Canada.

Je négocie des conventions collectives depuis plus de 30 ans, et je sais par expérience que les grèves et les lock-out ont tendance à s’éterniser lorsque les employeurs font appel à des briseurs de grève pour remplacer les travailleuses et travailleurs syndiqués forcés de faire du piquetage.

C’est pour cette raison également qu’il est parfaitement légal de dévoiler l’identité des briseurs de grève et de leur faire honte.

En 2013, la Cour suprême du Canada a statué que : « Les personnes franchissant la ligne de piquetage pouvaient raisonnablement s’attendre à être filmées ou photographiées et à ce que leur image soit diffusée par autrui, notamment des journalistes. »

La décision de traverser un piquet de grève dans le but de voler les emplois d’autres travailleurs entraîne des conséquences.

Un opprobre public.

Il faut en finir avec l’époque où les briseurs de grève aidaient les employeurs à prolonger les grèves ou les lock-out.

Unifor et les autres syndicats s’efforcent depuis des années de convaincre les gouvernements d’interdire l’embauche de briseurs de grève. La Colombie-Britannique et le Québec sont les seules provinces canadiennes qui se sont dotées d’une loi antibriseurs de grève. C’est une honte.

Si les gouvernements refusent d’agir, le mouvement syndical doit passer à l’action.

Nous ne pouvons pas laisser un autre briseur de grève entrer dans un lieu de travail pendant une grève ou un lock-out.

Nous ferons en sorte que chaque personne qui franchit une ligne de piquetage pour voler l’emploi d’un autre travailleur soit tout à fait au courant des torts qu’elle cause à ses voisins et à ses collègues.

Et tant qu’il le faudra, nous continuerons de nommer et de dénoncer publiquement les briseurs de grève.

C'est ce qu’a fait Unifor à Goderich et à Gander, à Terre-Neuve, et nous le ferons encore s’il le faut.

Surtout dans un cas comme le lock-out imposé par D-J Composites, alors que les lois provinciales du travail obsolètes ne protègent pas les travailleurs. C’est vraiment scandaleux que le gouvernement provincial reste les bras croisés pendant qu’une compagnie américaine viole ouvertement les droits de ses citoyens et fait bon marché des lois et des décisions du conseil du travail de cette province, ayant été reconnue coupable à deux reprises de négociation de mauvaise foi.

Lorsqu’une entreprise refuse de négocier de bonne foi et que le gouvernement refuse d’agir et d’appliquer ses propres lois, les travailleurs doivent passer à l’action.

Au Canada, nous avons mis en place un système d’emplois précaires qui oblige les travailleurs désespérés à accepter n’importe quel travail. Il ne fait pas de doute que c’est pour cela que certains sont tentés de travailler comme briseurs de grève. Même si l’on peut comprendre leur situation, il reste que voler le travail d’autres travailleurs ne fait qu’empirer les choses pour tous les travailleurs, y compris les briseurs de grève.

La solution à tout cela est d’interdire les briseurs de grève et de rétablir l’équilibre à la table de négociation. En attendant, le gouvernement de Terre-Neuve-et-Labrador pourrait commencer par simplement appliquer les lois en vigueur et obliger D-J Composites à se soumettre à l’arbitrage exécutoire.

Nos gouvernements doivent répondre aux besoins de leur population et non aux besoins des sociétés étrangères.

S’ils ne le font pas, c’est nous qui le ferons.