Mémoire d’Unifor sur les exigences de déclaration des employeurs en vertu de la Loi de 2018 sur la transparence salariale

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Comptant plus de 310 000 membres, Unifor est le plus grand syndicat du secteur privé au Canada. Quelque 160 000 membres vivent et travaillent en Ontario.  Plus du tiers de nos membres sont des femmes, dont la majorité travaillent en Ontario. Elles travaillent dans tous les secteurs clés de l’économie et occupent une vaste gamme de professions, dont infirmières, pilotes, travailleuses du commerce de détail, agentes du service à la clientèle, ouvrières du secteur de la fabrication et travailleuses du secteur de l’éducation. Nous sommes en mesure de faire des comparaisons et des observations quant aux conditions de travail, aux possibilités et aux salaires étant donné l’éventail de notre base de membres.

Nous sommes heureux d’avoir l’occasion de formuler des commentaires sur les exigences de déclaration des employeurs en vertu de la Loi de 2018 sur la transparence salariale. La transparence salariale est essentielle pour réduire la disparité salariale entre les sexes. Réduire la disparité salariale entre les sexes doit être traité comme une priorité en matière de droits de la personne.

D’innombrables études ont démontré que le travail des femmes est sous-évalué (et donc sous-payé) pour les tâches qu’elles accomplissent.  Pour corriger la situation, il est nécessaire d’établir un solide régime d’équité salariale comportant des mesures de soutien récompensant la conformité et l’application active. La transparence salariale est essentielle pour recenser ce type de discrimination.

Nous partageons les inquiétudes également exprimées par d’autres parties intéressées voulant que la réglementation proposée par le ministère ainsi que le document d’information et les questions sur les consultations ébranlent considérablement l’objet de la Loi. Les nouveaux principes, ou nouvelles conditions, relatifs au règlement d’application de la Loi pourraient en fait affaiblir le règlement.  Le respect du sens de la Loi devrait être une priorité lors de l’élaboration du règlement. Il est malheureux que les « principes directeurs » énoncés dans le document de consultation ne fassent pas partie de la Loi et soient contraires à l’objet de la Loi, notamment « promouvoir l’égalité de genre […], notamment l’égalité de rémunération entre les femmes et les hommes, par une transparence accrue des salaires et de la composition des effectifs » et « accroître la divulgation des injustices en matière d’emploi et de rémunération ».  

La transparence salariale doit permettre l’accès à des données significatives afin de promouvoir l’égalité des sexes dans le milieu de travail. Les principes directeurs du document de consultation sont contraires à l’objet énoncé de la Loi.

LES QUESTIONS DE CONSULTATION DU MINISTÈRE

Calculs de l’écart salarial – Questions 1 et 2

Les suggestions proposées sur la déclaration des salaires sont beaucoup trop restreintes. Le fait de limiter la déclaration au salaire horaire et au genre est contraire à la Loi, ce qui pourrait également affaiblir la définition dans la Loi sur l’équité salariale ainsi que la jurisprudence, laquelle utilise une définition plus large du terme « rémunération ».

Malgré l’objet de la Loi, cette approche ne révèle pas efficacement l’inégalité réelle puisqu’elle ne traite pas du fait que les femmes aient accès à un nombre d’heures de travail moins élevé, de la concentration des emplois précaires, ou de la concentration du travail à prédominance féminine.

La proposition ignore également la mesure dans laquelle la race et les autres formes de discrimination se recoupent pour aggraver l’écart de rémunération entre les sexes. La structure salariale globale doit être claire dans l’information communiquée publiquement afin que la Loi sur la transparence salariale soit efficace.

Le règlement doit comprendre les données clés suivantes :

  • une déclaration de la structure salariale globale selon le taux horaire moyen, le salaire horaire médian, ainsi que les revenus annuels moyens et les revenus annuels médians dans le milieu de travail;
  • une déclaration des données intersectionnelles fondées sur le genre, la race, l’incapacité et l’indigénéité, des renseignements qui doivent être déclarés dans le secteur fédéral;
  • une déclaration de la rémunération totale en plus des taux horaires. Au sens de la Loi sur la transparence salariale, la rémunération inclut toute de forme de rémunération payable en échange de travail, comme des traitements, commissions, indemnités de vacances ou de licenciement et des primes; la juste valeur de prestation en repas, loyers, logement et hébergement; des rétributions en nature; et des cotisations de l’employeur aux caisses ou régimes de pension, aux régimes d’assurance contre l’invalidité prolongée et aux régimes d’assurance-maladie de toute nature;
  • une déclaration des primes, des commissions et des pourboires (lorsque les pourboires représentent un pourcentage fixe du salaire) qui font partie de la rémunération totale, lesquels devraient être déclarés séparément des salaires puisqu’il existe des écarts fondés sur le genre quant à l’accès à ces formes de paiement;
  • une déclaration selon la structure de rémunération : Les grilles salariales sont-elles différentes pour les hommes et les femmes? (c’est-à-dire combien y a-t-il d’échelons sur l’échelle et combien de temps faut-il pour grimper l’échelle, etc.);
  • une déclaration selon les classifications des emplois;
  • une déclaration du statut d’emploi précisant si les employés occupent un emploi à temps plein, à temps partiel, occasionnel ou saisonnier ou encore s’ils sont embauchés par le biais d’agences de placement temporaire.

Question 3 : Période de déclaration

La Loi sur la transparence salariale établit des dates de déclaration différentes pour différents employeurs (p. ex. le 15 mai 2020 pour les entreprises employant 250 personnes ou plus, et le 15 mai 2021 pour les entreprises employant plus de 100 personnes). Cette situation réduit la capacité de recueillir des données cohérentes qui peuvent être comparées au fil du temps. Sans une date de déclaration commune, les données ne seront pas pertinentes pour les employeurs, les chercheurs et la propre évaluation du gouvernement quant à l’impact de la Loi.

Les données recueillies à partir des rapports sur la transparence salariale devraient concerner les données d’une année civile (1er janvier au 31 décembre), une mesure conforme à l’information que les employeurs préparent déjà pour leurs feuillets d’impôts annuels, facilitant ainsi la déclaration des données.

Questions 4 à 6 : Coût de préparation des rapports pour les employeurs

Les employeurs disposent déjà des données dont ils ont besoin pour préparer des rapports sur la transparence salariale. Les données sont tirées des données de paie de base. Les employeurs peuvent préparer leurs rapports facilement et rapidement à l’aide des systèmes de paie existants. En fait, les données sur les revenus annuels sont déjà préparées par les employeurs afin de les déclarer auprès de l’Agence du revenu du Canada.

La décomposition des coûts en catégories précises à la question 5 devrait révéler le coût minime, voire inexistant, de se conformer à cette loi. Cependant, une estimation des coûts pourrait ne pas dévoiler un portrait réel. Il suffit d’observer l’expérience du Royaume-Uni où les coûts réels étaient considérablement moins élevés que les coûts estimés.

Le document de consultation du ministère précise que les grandes entreprises disposeront de toutes les données, ou presque, pour calculer les écarts salariaux et les autres données à déclarer, mais que les petites et moyennes entreprises ne les auront pas. Il faut noter que le ministère semble se fier à une définition des petites et moyennes entreprises qui diffère de celle de Statistique Canada. Statistique Canada considère que les petites entreprises emploient moins de 100 personnes, et estime que les moyennes entreprises emploient de 100 à 499 personnes.

Actuellement, la Loi ne s’applique pas aux entreprises qui emploient moins de 100 personnes. Pour être efficace, la Loi devrait refléter la Loi sur l’équité salariale et s’appliquer à toutes les entreprises comptant 10 employés ou plus.

Conclusions

L’écart de rémunération entre les sexes en Ontario peut être vu de plusieurs façons. La ségrégation horizontale entre les sexes fait en sorte que les femmes sont regroupées dans certaines professions. Les secteurs à prédominance féminine comme les soins de santé, l’aide sociale, l’éducation et les services d’alimentation offrent souvent les salaires les moins élevés. Dans le cadre de la ségrégation verticale, les femmes se regroupent au bas de l’échelle des postes les moins bien payés dans des secteurs à prédominance masculine ou sans discrimination de genre. Bien que la participation des femmes au marché du travail ait augmenté au cours des dernières décennies, les femmes demeurent surreprésentées dans les emplois à temps partiel.

La discrimination intersectionnelle joue un rôle dans l’écart de rémunération entre les sexes qui touche surtout les femmes de couleur, les femmes autochtones, les familles monoparentales et les femmes ayant une incapacité, entre autres groupes. Les progrès réalisés pour réduire cet écart ont ralenti. Des mesures proactives urgentes doivent être prises. La transparence salariale peut faire partie de la solution si elle est conçue de façon appropriée.

Chaque employeur signataire d’une convention collective participe déjà à une certaine forme de transparence salariale. Les taux salariaux sont précisés dans les conventions collectives et sont accessibles au public. Il ne devrait y avoir aucune objection à ce que cette pratique couvre tous les employeurs.

La loi interdit la discrimination fondée sur le genre. L’application de ce principe de base peut être très difficile pour le travailleur moyen. La transparence salariale est un outil pour les employeurs, les organisations de travailleurs et les gouvernements qui permet d’assurer le respect de la loi. Elle permet également de divulguer des données qui définissent les facteurs faisant augmenter l’écart de rémunération entre les sexes. Pour ce faire, la réglementation doit faire en sorte que des données significatives et un portrait clair des pratiques de rémunération des employeurs sont fournis.

En plus de notre mémoire, nous appuyons les suggestions détaillées et rigoureuses de la Coalition pour l’équité salariale pour accroître l’efficacité de la loi sur la transparence salariale.  

Merci de votre attention.

Mémoire présenté au nom d’Unifor